«Il faut lutter contre les médicaments contrefaits pour arriver à éradiquer le paludisme»
DR LOUIS PENALI, DIRECTION WWARN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE

Le directeur du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest de Worldwide antimalarial résistance network (Wwarn) ou Réseau mondial de lutte contre le paludisme, le Dr Louis Penali est revenu, à l’occasion de la Journée contre ladite maladie, sur l’évolution de la lutte contre le paludisme au Sénégal, sans manquer de mettre l’accent sur les médicaments falsifiés qui freinent l’éradication du mal.
Présentez-nous d’abord votre structure ?
Wwarn est le Worldwide antimalarial résistance network. C’est-à-dire, le Réseau mondial de lutte contre le paludisme. Nous luttons essentiellement contre les résistances du paludisme, donc pour l’efficacité des anti-paludiques. Je suis le responsable du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre et nous sommes basés à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Qu’est-ce qui a motivé la création d’une telle structure ?
L’idée de créer cette structure vient d’un constat. En effet, jusqu’à une période relativement récente, une personne mourrait toutes les 30 secondes de paludisme. Et le problème était lié à beaucoup de facteurs, notamment l’accessibilité aux traitements anti-paludiques, de problème de la sensibilisation, de la mauvaise prise en charge aussi, du fait que les médicaments n’étaient plus inefficaces. Il a fallu donc mettre en place ce réseau mondial. Notre objectif est de faire en sorte que tous les patients souffrant de paludisme aient accès aux traitements efficaces.
Qu’est-ce que vous pensez des stratégies mises en place au Sénégal pour lutter contre le paludisme ?
Je crois sincèrement que le cas du Sénégal doit être pris en exemple. Globalement, vous aviez un décès toutes les 30 secondes, mais grâce à ses interventions, on en est arrivé à un décès toutes les minutes. C’est-à-dire qu’un effort a été fait, mais il reste beaucoup à faire. Le Sénégal, pour ce que je sache, a pu combiner un certain nombre d’interventions. Quand vous voyez l’utilisation des moustiquaires imprégnées, le Sénégal en a fait son cheval de bataille pour mettre à la disposition de tous les ménages des moustiquaires imprégnées. Je pense que c’est une très bonne chose, c’est ce qui a permis de faire reculer le paludisme. Donc, vous avez le diagnostic rapide qui est gratuit, vous avez la disponibilité au niveau du pays de tous les traitements efficaces qui sont aujourd’hui, les dérivés de l’arténigénine qui sont des médicaments anti-paludiques de dernière génération très efficaces.
Est-ce que ces nouveaux traitements mis à la disposition des malades peuvent permettre d’éradiquer le paludisme ?
Les traitements actuellement qui sont à base de l’arténigénine qui est une substance médicamenteuse issue d’une plante d’origine chinoise, le Sénégal comme la plupart des pays du sud du Sahara l’ont adopté et ils sont très efficaces. Aujourd’hui, avec l’arténigénine on en est au minimum à 97% d’efficacité, et même des zones où on en est à 100% d’efficacité dans les traitements ont été adoptés depuis les années 2005. Mais, pour l’instant, on va parler d’éradication d’abord et il faut combiner le traitement curatif avec de très bons médicaments qui sont les combinaisons thérapeutiques à base de dérivés d’arténigénine.
Que faut-il faire pour ce qui est des faux médicaments qui polluent le marché ?
Il faut faire en premier faire l’état des lieux. Au Sénégal, cela a été fait. Mais, il faut continuer au niveau de l’administration en charge du contrôle des faux médicaments parce que c’est un problème multisectoriel qui doit impliquer les pharmaciens, les médecins, les services des douanes, la police, le ministère du Commerce, les patients eux-mêmes. Parce qu’ils doivent se mettre tous ensemble pour comprendre qu’utiliser les faux médicaments, les médicaments contrefaits, qui n’ont pas de principes actifs ne guérissent pas les malades. Il faut que nous retenions que si nous donnons un médicament contrefait ou si nous prenons un médicament contrefait cela peut aggraver la maladie. Il faut lutter contre les faux médicaments, faute de quoi nous n’arriverons certainement pas à éradiquer le paludisme.
Il n’existe toujours pas de vaccin contre le paludisme. Alors que recommandez vous ?
Nous n’avons pas encore de vaccin qui soit utilisable en santé publique. Le vaccin contre le paludisme est en expérimentation, mais on ne l’a pas encore justifié pour être utilisé de façon optimale. La solution, pour le moment, c’est d’utiliser les médicaments qui existent, qui sont efficaces et qui sont vendus en pharmacie ou dans les structures officielles.