«J’AI UNE AUTRE PIECE PLUS GRAVE QUE ‘AZOU LE BEAU’ INTITULE ‘GOROU NDAR’»
ASSANE FALL ALIAS «AZOU LE BEAU», ARTISTE COMEDIEN
Arrivé dans le milieu de l’art en 1986, Assane Fall plus connu sous son nom de scène de «Azou le beau» a marqué les esprits en 2007, avec sa pièce éponyme qui traitait de l’homosexualité. A cette époque, il a fait l’objet d’une critique acerbe de la part de la population. Mais cela ne semblait pas déranger l’enfant de Bargny qui vit désormais à Mbour. Dans cet entretien, «Azou le beau» revient sur les raisons qui l’ont poussé à s’installer à Mbour mais aussi sur son divorce, et sur son personnage «Azou le beau», entre autres sujets.
Voulez-vous, vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Assane Fall, je suis artiste-comédien et je suis plus connu sous le pseudo de Assane Nar Fall. Parce que mes parents sont des Maures, comme je suis dans le milieu des Lébous, pour faire la différence, on m’a donné ce surnom. Mon nom d’artiste, c’est «Azou le beau». Je suis né le 7 janvier en 1973 à Bargny. Ce n’est qu’en 1986 que j’ai abandonné l’école. Et depuis lors, je suis dans ce milieu. Mais ce n’est qu’en 2007 que je suis devenu vraiment célèbre grâce au téléfilm «Azou le beau», qui a fait le buzz au Sénégal et partout dans le monde.
Justement pourquoi, on vous appelle «Azou le beau» alors que vous vous appelez Assane Nar Fall. D’où vous est venu ce surnom ?
Quand j’étais enfant, j’avais beaucoup de cheveux, j’avais un teint clair et j’étais beau. Car, je suis issu d’une famille maure. Et tout le monde m’appelle ainsi depuis l’enfance. C’est partant de là que le jour où j’ai décidé de produire «Azou le beau» qui était trop sensible, j’ai préféré utilisé mon propre nom pour éviter de vexer certains.
Vous l’avez dit, le sujet était sensible car parlant d’homosexualité, alors pourquoi avoir choisi de jouer ce rôle ?
Je n’ai pas choisi ce rôle, mais c’est le scénario qui m’obligeait à le jouer et je l’ai accepté. C’est moi-même qui ai écrit cette pièce. Et presque aucun des acteurs ne pouvait réussir ce rôle à 100%. Du coup, j’étais obligé de le jouer. Alors, j’ai fait les répétions et Dieu a fait que ça a réussi.
Comment le public a apprécié cette pièce ?
Le retour de cette pièce a été presque apprécié différemment. Pour certains, c’est une belle pièce éducative. Par contre, d’autres pensent que ça détruit nos mœurs. Pire, il y en a même qui pensent que l’acteur principal est un homosexuel (il en rit à gorge déployée avant de poursuivre l’entretien). C’est parce que certains Sénégalais ont un esprit fermé.
Est-ce que vous les condamnez ?
Pas du tout. Cela prouve que j’ai bien réussi mon jeu. Et puis, notre pays ne connaît pas cela et c’est donc normal que certains réagissent ainsi. Je vous donne un exemple, avec les séries brésiliennes, Rubis et Belle-mère, les acteurs Loréto et Demartio incarnaient ce type de personnage et les gens n’ont rien dit. Encore une fois, je comprends la réaction de certains, car, notre culture ne connaît pas cela. D’ailleurs, certains artistes n’osent pas jouer ce genre de rôle.
Et quelle a été la réaction de votre propre famille ?
Cela va vous surprendre, mais ce rôle n’a pas dérangé ma famille. Parce qu’elle savait qui est leur fils et puis je suis né dans un milieu artistique. La preuve, la maison de Baye Peuhl est derrière la nôtre. Son épouse et ma mère sont des sœurs germaines (nées d’un même couple). J’ai beaucoup appris de lui, il me sert aussi de conseiller. Je savais que la pièce était sensible, même quand j’ai terminé le film, je l’ai gardé un an. Parce qu’aussi, je travaillais dans une société, Ama Sénégal. C’est mon entourage et ma famille qui m’ont fait savoir que c’est juste un rôle qui est éducatif.
Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire cette pièce ?
C’était juste une manière d’éduquer. Je voulais montrer ici qu’il est, d’une certaine façon, dangereux de laisser exclusivement à la femme la lourde responsabilité de veiller à l’éducation d’un garçon. Parce qu’un garçon exposé dans un environnement où il y a plus de femmes que d’hommes peut assimiler certaines manières féminines qui, à la longue, peuvent l’amener à avoir des penchants homosexuels.
Mais généralement, ce sont les femmes qui éduquent leurs fils ?
C’est vrai, mais je veux dire qu’un petit garçon qui a évolué dans l’entourage des filles, dont toute son l’éducation est basée sur l’affaire des filles, même les travaux domestiques… forcément, il y a peu de chance qu’il ne soit pas efféminé, c’est le milieu qui détermine l’homme. Maintenant ce que le public doit retenir de cette pièce, c’est que le comportement de «Azou le beau» n’a rien avoir avec l’homosexualité qui se fait entre deux hommes. Le problème de «Azou le beau» est un problème d’éducation, ce que les Sénégalais ne comprennent pas.
Mais comment avez-vous vécu cette polémique autour de vous ?
(Rire…) «ñaan bu nango sonal boromam» ( la renommée est le revers d’une prière exaucée). Les problèmes d’homosexualité ne datent pas d’aujourd’hui, les gens oublient très vite. Il fut des années, un célèbre homosexuel avait clairement reconnu à la barre du tribunal qu’il était un homosexuel. Mais je n’ai pas une seule fois entendu une seule Ong faire des revendications. Et «Azou le beau» n’a fait que montrer comment éduquer un garçon. Les imams de Guédiawaye et autres personnes commencent à émettre des idées, sans savoir que ce rôle montre tout simplement ce à quoi tend l’homosexuel. Mais les imams devaient adresser une lettre de félicitations à «Azou le beau».
Combien de temps avez-vous répété cette séquence, au point de le réussir si bien dit ?
C’est très normal, en tant qu’artiste d’entrer dans la vraie peau du personnage pour pouvoir réussir son rôle. Mais je ne l’ai pas répété, c’est un don. Ce n’est pas parce que je fréquente des femmes ou ce sont les femmes qui m’ont éduqué, non. C’est un don, si j’ai pu réussir cette pièce. J’ai des sœurs et des copines, c’est pourquoi, je maîtrise un peu leurs techniques. J’ai fait deux pièces où j’ai incarné le même type de personnage, mais il faut dire que j’ai réussi plus «Azou le beau». Il a plus de succès que les autres. C’est la différence entre «Azou le beau» et «Tata Fina».
Ces manières féminines ne vous suivent pas de temps en temps ?
Ah non ! Peut-être à l’époque, juste après avoir joué ce rôle, j’avais l’habitude de le faire pour faire plaisir aux gens qui m’interpellaient. Mais quand j’ai su que ça allait déborder et que les gens me voyaient d’un autre œil, j’ai tout laissé naturellement.
Vous dites que «Azou le beau» n’est pas un homosexuel ?
Non (il le répète). Je ne suis pas un homosexuel, je ne connais pas un homosexuel, je n’ai pas d’ami homosexuel, je n’ai pas un membre de ma famille qui soit homosexuel, je ne cohabite pas avec un homo et je n’en connais pas. Assane Fall Nar dit «Azou ‘du goorjigeen’.» (Je ne suis pas un homosexuel). Donnez moi une fille, je vous le jure que vous allez le regretter.
Si c’était à refaire, est-ce que vous allez rejouer ce même rôle ?
Ah oui, car c’est juste un rôle pourquoi le refuser ? Ce serait confirmer ce qui se dit. D’ailleurs, j’ai une autre pièce plus grave que «Azou le beau» intitulée «Gorou Ndar». Il faut que les gens comprennent que «Azou le beau» du film n’a rien voir avec le Assane Fall que je suis.
Que vous inspire la question de l’homosexualité qui est toujours d’actualité ?
Si ça ne dépendait que de moi, cette question n’allait même pas faire l’actualité dans notre pays. Car, ce que nos religions et nos coutumes n’aiment pas, nous ne devons pas en parler. Toute personne qui veut entrer dans ce milieu doit avoir une seule idée en tête, c’est que la guerre est perdue d’avance. Car personne n’encourage cet acte.
Comment appréciez-vous le milieu du théâtre aujourd’hui ? Est-il en régression ou à un bon niveau ?
Franchement, on considère les artistes comme des singes ou encore des marionnettes. Mais ce jugement est très subjectif. Sinon, comment comprenez-vous que nos télévisions préfèrent acheter les séries brésiliennes ou les téléfilms de la sous région à coup de millions plutôt que nos produits. Mais quand il s’agit de faire des trucs de guignols, ils sollicitent nos artistes, ce n’est pas normal. La preuve, regardez nos télévisions, elles sont saturées avec des pièces de «Koor-gi».
Mais est-ce que la faute ne vous incombe pas, en réalisant de mauvais produits ?
Je dis non ! Moi, j’ai un projet de film sur la vie des mannequins qui fait 170 épisodes étalés sur un an. Je l’ai proposé à toutes les télévisions, mais je n’ai pas de une seule réponse. C’est parce que, il faut oser le dire, lorsqu’il s’agit des trucs de guignols qu’elles sont prêtes à s’engager. Les artistes sénégalais croient à la célébrité pour jouer n’importe quoi. Je suis le seul artiste sénégalais qui a fait presque tous les plateaux de télévision, même celui de TV5.
Pourquoi, avez-vous préféré quitter Bargny, la ville qui vous a vu naître pour vous installer à Mbour ?
C’est parce que j’ai des projets, je suis resté à Bargny longtemps et j’ai fait beaucoup de choses. C’est pourquoi j’ai voulu changer un peu pour pouvoir faire autre chose dans les régions.
Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est pour mieux faire vos trucs d’homosexuel que vous êtes parti de Bargny ?
Je ne peux pas fuir Bargny. Je suis né ici et j’ai grandi ici. Donc personne ne peut me déranger ici. Je n’ai jamais entendu à Bargny que je suis un homosexuel. Au contraire, les habitants de Bargny prennent souvent ma défense. Mbour est un milieu où je travaille, j’ai même mon siège là-bas. Je ne sais pas si vous avez fait la remarque, mais l’affaire des homosexuels, on ne l’a jamais entendu à Mbour, mais à Dakar et des localités comme Mbao. Ce n’est pas la soif de l’argent qui m’a amené à Mbour. Car moi, je ne fume pas de la drogue, je ne bois pas de l’alcool et je ne fricote pas avec les jeunes. Mais j’ai des copines.
Vous êtes marié ?
J’ai divorcé et depuis lors, je n’ai pas encore de femme. Avec mon ex-épouse nous avions un seul enfant, mais il est décédé.
Quel était le problème ?
(Il le répète trois fois). Le divorce, c’était bien avant «Azou le beau».
Qu’est-ce que vous attendez pour vous remarier ?
Comme j’ai déjà divorcé, avant de s’engager pour un autre mariage, il me faut prendre mon temps. Si je me remarie et que demain je divorce encore, «nit duma muna seetal» (ce sera une tache noire dans ma vie).
Avez-vous eu une déception avec votre ex-femme ?
Je peux dire oui. Je travaillais à Ama Sénégal, j’étais à l’abri du besoin, je percevais 230 000 francs, «na mu ma won dara» (j’étais à l’abri du besoin). J’ai constaté qu’après la fermeture de cette société, les problèmes ont commencé à surgir. Je suis une personne digne, j’ai préféré divorcer.
Etait-ce donc une femme vénale…
Non, c’était juste une mauvaise fréquentation. Car elle aussi était du milieu et elle a été influencée.
Avez-vous une copine ?
Oui, j’en ai deux. Et je suis en train de voir laquelle des deux pourra être ma femme.
Que vous inspire l’affaire de la drogue dans la police ?
Il y a de quoi avoir peur si ceux qui doivent nous protéger sont mêlés à des histoires de trafic de drogue. Vraiment nous devions avoir peur. D’ailleurs, je suis en train de travailler sur ça.
Est-il vrai que vous devez de l’argent à certains de vos artistes ?
C’était la pièce «Azou le beau» que j’avais tourné avec des artistes de Bargny. Mais au moment où on tournait cette pièce, je travaillais et je gagnais de l’argent, donc j’avais payé toutes les dépenses. Quand je donnais la pièce au réalisateur, je lui avais dit que même si j’ai une somme de 100 000 francs c’est bon. C’est parce que je ne savais pas comment ça se passait. Nous, tout ce qui nous intéressait, c’était notre amour pour le théâtre. Par la grâce de Dieu, la pièce a fait un tollé et les gens ont commencé à parler de l’argent. Même leurs proches ont commencé à dire que j’ai gagné beaucoup d’argent avec la pièce. Dieu sait que j’ai vendu la pièce «Azou le beau» à 1 500 000 francs et j’ai payé tous les artistes. Je ne dois rien à aucun artiste. Ceux qui disent que je leur dois de l’argent, ce sont les figurants et je ne les dois rien du tout. Ils croyaient que j’avais beaucoup d’argent, mais tel n’est pas le cas. «Ma Puce» était la seule qui est restée avec moi jusqu’à maintenant, car elle sait tout. A part mon caméraman, je ne dois rien à personne.
Donc Azou est devenu un homme riche ?
Je n’ai rien du tout. Peut être que les gens pensent que je suis riche, mais je rends grâce au Tout Puissant.
Pourquoi avez-vous mis une dent blanche en tant homme ?
La dent blanche, je l’ai depuis 1986 quand je faisais du «simb» (faux lion).
Que cachez-vous derrière vos yeux que vous barraient toujours avec des lunettes noires ?
Pour les lunettes, c’est parce que j’avais eu un accident à l’œil droit. Depuis lors, mon œil s’est gâté (il enlève ses lunettes et nous montre son œil). Finalement, c’est devenu un style.
Comment voyez-vous le maraboutage dans votre milieu ?
Nous sommes au Sénégal. Même en dehors du théâtre, on voit ça. Donc on n’y peut rien. J’ai subi ça quand je tournais «Tata Fina». On a dû le tourner à deux reprises. Quand je suis allé voir un marabout pour demander des prières, il m’a fait savoir que des esprits malfaisants œuvrent contre nous.
Votre relation avec Kiné Sow…
On s’était rencontré à un concert et elle m’a supplié de l’aider, ce que j’ai accepté. C’est pourquoi elle a participé à cette pièce (Tata Fina). Mais elle n’est pas reconnaissante, elle passait la nuit ici quand on tournait la pièce. Par reconnaissance, elle pouvait au moins me remercier. Mais non, elle préfère jeter anathème contre moi, en disant que la seule pièce qu’elle regrette dans vie c’est «Tata Fina». Alors que c’est grâce à cette pièce qu’elle est devenue célèbre. Dire certaines choses, c’est manquer de conseiller. On n’a pas de problème, on s’appelle de temps à temps au téléphone.
Comment se passe votre Ramadan ?
Je jeûne parce que je suis issu d’une famille musulmane. Pour le «xëd», je préfère prendre du «laax». Pour le «ndogu», je prends tout ce qui est bon. Mais je raffole du riz au poisson à la tomate pour le dîner.