«L’élection des maires au suffrage universel permettra l’émergence de grands leaders, très forts, reconnus et soutenus par les populations»
Cheikh Oumar Hann, responsable Apr à Ndioum
En direction des Locales, Dr Cheikh Oumar Hann, responsable «apériste» de Ndioum pense que la modification de la loi électorale, en vue de l’élection des maires au suffrage universel direct, devrait permettre «l’émergence de leaders politiques locaux soutenus par des équipes très proches des populations». Une aubaine, selon lui, pour l’émergence de très grands leaders politiques. L’ancien numéro 2 d’Aj ne manque pas, dans cet entretien, de réagir à la sortie d’un de ses anciens camarades de parti et théorise tout bonnement «la dissolution d’Aj».
Dr Cheikh Oumar Hann, vous avez été numéro 2 d’Aj, vous êtes passé à l’Apr, que vous inspire la sortie de Massirin Savané de Kolda qui s’attaque à la gestion du gouvernement de Macky Sall ?
La sortie de Massirin Savané, ça m’a ramené à un constat que j’ai fait sur les prétendus dirigeants du parti auquel j’ai appartenu et que j’ai quitté sans regrets, après plus de 30 ans d’engagement, tout simplement parce que j’ai fait partie de ceux qui ont constaté et accepté qu’Aj est défait. Malheureusement, pour Massirin et Landing Savané - qui est derrière lui - ils ne peuvent pas et n’ont pas les moyens d’accepter cette défaite d’Aj. Tout comme, ils n’ont aucun statut qui leur permette aujourd’hui, de critiquer le gouvernement de Macky Sall. Et cela est valable pour tous ces petits groupuscules qui se réclament d’And-Jëf. Je le dis parce que d’abord ils ne peuvent pas parler au nom d’Aj. Les leaders qui, au cours de ces quinze dernières années, ont porté Aj ne sont plus avec eux. Il s‘agit de Abou Guissé de Thilogne, l’équipe de Kahone et le département de Podor. Pour revenir à sa sortie, il n’y a rien de nouveau sous les cieux, c’est l’ancienne démarche d’Aj au début des années 2000 où à chaque fois qu’ils voulaient quelque chose de Wade, ils mettaient la pression, c’était soit les jeunes ou une fédération qui sortait une déclaration dans laquelle le président était attaqué. Mais là, c’est fini, tout le monde sait qu’il n’y a plus de base et ils n’ont aucune légitimité, comme en 2000, qui leur confère un statut de partenaire. Je demanderai à Massirin de comprendre que les Landing, Decroix et tous les autres-là, c’est de l’ancien. Je pense que l’axe, aujourd’hui, c’est d’aller vers un grand débat de fond qui devra conduire inévitablement vers la dissolution d’Aj. Mais je tiens à préciser que ceux qui devront diriger ce processus ne sont plus dans Aj, mais leur point de vue est essentiel dans la compréhension des différentes étapes qui ont conduit à la mort d’Aj qui n’est pas une mort subite. Par contre, ceux-là qui sont les principaux responsables de la faillite de ce parti qui avait donné beaucoup d’espoirs aux Sénégalais ne peuvent pas être au-devant du processus.
On va vers les Locales, comment réagit votre base par rapport à la nouvelle donne ?
La nouvelle donne, si c’est par rapport à mon engagement à l’Apr, je peux vous dire que notre base s’est renforcée, aujourd’hui les populations de Ndioum et Gamadji Saré collent bien aux démarches que nous menons. Que ce soit ceux qui étaient avec nous ou ceux qu’on a trouvés sur place. Maintenant, par rapport aux Locales, leurs ambitions sont bien maîtrisées et seront déclarées le moment venu. Par contre, si vous parlez de nouvelle donne par rapport à l’élection des maires au suffrage universel, les bases comprennent l’avancée démocratique, parce que ce sont elles qui choisissent leur maire. Seulement, il faudra gérer tout cela en rapport avec les programmes d’implantation, de massification et de structuration du parti. Et ce volet a une dimension nationale.
Voilà, d’ailleurs comment ce sera géré ? N’avez-vous pas peur que la structuration du parti débouche sur des frustrations de responsables et qui peuvent être grosses d’incertitudes ?
Des peurs ? Il n’y en a pas. Maintenant des craintes, qu’il y ait des frustrations par-ci, par là, ça se gère dans tous les partis politiques. Mais, personnellement je crois que cette modification de la loi électorale en vue devrait être considérée comme une situation propice pour permettre l’émergence de leaders politiques locaux soutenus par des équipes très proches des populations, à l’écoute de leurs préoccupations. Si le parti mène une bonne réflexion, je pense qu’on devrait aller vers la délimitation de secteurs politiques ne prenant pas nécessairement les contours des circonscriptions administratives et qui permettront l’émergence de grands leaders, très forts, reconnus et soutenus par les populations parce que prenant en charge leurs préoccupations. Je pense qu’on doit mener cette réflexion-là parce qu’à mon avis les enjeux actuels pour le développement du pays n’ont pas toujours une configuration en adéquation avec les frontières imposées par l’Etat. Et au niveau de ma réflexion, les petites querelles de leadership qu’il y a dans les partis au pouvoir sont liées au fait qu’on n’a pas su départager les uns et les autres en laissant à tout un chacun une circonscription politique en relation avec son poids. En tout cas, cela va obliger tous les partis à se massifier et à renforcer ses leaders locaux. C’est une bonne opportunité pour l’Apr, c’est une question qu’il faudra mener à bien, ce qui permettra au parti de massifier sa base, de laisser émerger des leaders, ce qui est d’ailleurs important pour se maintenir au pouvoir. Parce que, moi, je crois que les ambitions d’un leader politique national, c’est la synthèse des ambitions de leaders locaux très proches des populations.
Revenons un peu sur l’analyse que vous avez faite sur Aj, c’est à peu près le même constat de faillite des autres partis de la gauche ?
Superficiellement oui. Mais si on rentre dans les détails, on peut différencier ces différents partis. En tout cas pour moi, comme j’ai appelé à faire un bilan pour arriver à la dissolution d’Aj, je vais être plus nuancé en constatant l’échec des autres. Mais si on peut parler de quelque chose de positif, je le trouve dans la démarche d’Amath Dansokho et dans une moindre, la démarche de son parti le Pit. En allant se battre à Kédougou pour en être le maire, sans jamais être candidat à la présidentielle, Dansokho avait constaté la faiblesse en termes d’organisation et de massification de son parti. Ce qui lui a permis d’ailleurs d’être toujours très lucide et d’appeler toujours à de forts consensus sans jamais se mettre devant. Et aujourd’hui on constate que son parti est en train de revivre alors que les autres qui ont toujours mis leurs ambitions personnelles devant les intérêts de leur parti et non du pays se sont toujours retrouvés avec 2% ou ont eu un seul député et aux plus forts restes en présentant leur propre liste.