«LES VICTIMES ONT ETE ARRETES SANS RAISON»
ME DOUDOU NDOYE SUR LA CREI

Tous ceux qui ont été victimes de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), ont été arrêtés sans raison. C’est la révélation faite, hier, par Me Doudou Ndoye.
La loi sur la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) n’existe plus dans la Constitution. Telle est la position défendue, hier, par l’ancien ministre de la Justice, Me Doudou Ndoye.
Me Ndoye - qui s’exprimait, lors d’une conférence publique sur la Crei - a déclaré que cette loi a été supprimée de la Constitution depuis 1984, et que c’est, lui-même, qui avait défendu sa suppression devant les parlementaires. «C’est moi, en tant que ministre de la Justice, de 1983 à 1986, qui a pris, à cette époque, la responsabilité de présenter à l’Assemblée nationale une grande réforme de la justice qui a enlevé, supprimé totalement, et de façon claire la Cour de répression et de l’enrichissement illicite », a dit le Pr de droit privé. Pour lui, une commission d’instruction a été installée dans une Cour qui n’existe pas.
«Toutes les personnes qui travaillent au sein de cette Cour travaillent au sein d’une Cour qui n’existe pas sur le plan légal. Maintenant, les autorités publiques regardent de plus près ce dossier et en tirent toutes les conséquences de droit, et puis les personnes qui ont été victimes devront prendre leur mal en patience et pardonner. Ils ont été arrêtés sans raison», a martelé Me Ndoye. Mais, l’avocat a soutenu que le délit d’enrichissement existe. «Le délit sur l’enrichissement est une loi scélérate, anormale, mal écrite, attentatoire aux libertés et aux droits pénaux, malgré tout, elle existe toujours », a déclaré Me Doudou Ndoye.
Avant de préciser : «C’est la Cour de répression, qui était une juridiction spéciale chargée de juger des personnes poursuivies dans le cadre de cette loi, que nous avons supprimée, de la façon la plus claire, en 1984».
Sur l’incompréhension de la loi par les gouvernants, le Pr de droit privé s’est voulu clair : «Si cette personne (Etat) avait été compétente en droit, si cette personne avait bien étudié le dossier, si cette personne avait la vrai sagesse de consulter les vrais experts de droit, cette erreur n’aurait pas été commise ».
Concernant la licéité, Me Ndoye de dire : «La notion de licéité n’a aucune définition dans aucun Code pénal du monde francophone. Le mot licite est un mot moral, un mot utilisé en droit civil, pour évoquer des règles morales et moeurs dans une société pour juger les affaires civiles et commerciales».
«On ne peut pas transposer ce mot en droit pénal. Le droit pénal, c’est le droit qui porte atteinte à nos libertés, parce que nous sommes libres par principe. Quand on doit nous mettre en prison, il faut que la règle soit tellement claire, telle qu’écrite, qu’on ne court aucun risque de violer le droit fondamental de quelqu’un», a-t-il informé.
«WADE A JOUE ET ÇA S’EST RETOURNE CONTRE LUI», SELON ME NDOYE
L’ancien Président Abdoulaye Wade est tombé dans son propre piège en modifiant sans cesse la Constitution. Selon Me Doudou Ndoye, Abdoulaye Wade a joué et a perdu. «En 2008, le Président a modifié la Constitution de 2001 et adopté l’article 92, en enlevant ce qu’Abdou Diouf avait apporté
(l’exception d’inconstitutionnalité), et en créant à nouveau la Cour suprême», a déclaré Me Ndoye, lors de la conférence publique qu’il animait sur la Crei.
Et de poursuivre de plus belle : «Abdoulaye Wade a joué, et ça s’est retourné contre lui. Mais, ce n’est pas parce que ça s’est retourné contre lui (ndlr : ce que Wade avait supprimé en 2008 est tombé sur la tête de son fils), qu’on doit l’accepter».
«PROBLEME CONSTITUTIONNEL»
Revenant sur l’exception d’inconstitutionnalité qui divise les avocats de Karim Wade et le Conseil constitutionnel, l’ancien ministre de la Justice a estimé que «le Conseil constitutionnel vient de faire quelque chose de gravissime». Selon Me Doudou Ndoye, cette exception qui a été mise en place par la Constitution et par les lois organiques en 1972 a été supprimée par une loi constitutionnelle du 7 août 2008, et ensuite par la mise en place d’une nouvelle Cour suprême qui ne comprend pas cette exception.
«Le Conseil constitutionnel qui vient de se prononcer dans l’affaire Karim Wade a évoqué comme fondement de sa décision de sa compétence, les lois qui donnent cette exception devant le Conseil d’Etat et devant la Cour de cassation», a argumenté Me Ndoye. Et d’expliquer : «Le Conseil constitutionnel fait référence aux textes du Conseil d’Etat, aux textes de la Cour de cassation, qui ont été supprimés en 2008. Le Conseil constitutionnel a regardé de travers les textes, a visé les textes des institutions qui n’existent plus pour entrer dans un débat qui n’est pas le tien».
Selon lui, le Conseil constitutionnel a jugé une matière qui ne relève pas de lui-même, qui ne relève pas de sa compétence. «Ça pose un problème constitutionnel, et c’est grave pour notre pays, extrêmement sérieux pour notre pays. Il s’est mêlé d’une question qui ne la regarde pas», a conclu l’avocat.