«Pour l’instant, nous ne sommes pas prêts à dépénaliser l’homosexualité»
MACKY SALL SUR L’HOMOSEXUALITE
La conférence de presse conjointe entre le chef de l’Etat Macky Sall et son homologue Barack Obama sur l’esplanade du Palais, a été une belle occasion pour les deux chefs d’Etat de régler des questions éminemment politiques, mais très sensibles. Si le patron de la Maison Blanche a soldé ses comptes avec ses homologues chinois et russe, Macky Sall a définitivement réglé le problème de l’homosexualité qui lui colle à la peau depuis son accession au pouvoir.
Pour une conférence de presse prévue à 11 heures, la presse a été convoquée à 7 heures. Malgré les mesures de sécurité draconiennes, l’attente sur l’esplanade n’était pas ennuyeuse. Il n’y avait aucun signe d’énervement tant du côté de la sécurité que chez les journalistes. Les gens taillaient bavette par affinité et ont eu droit un break-fast gargantuesque. Le café au lait, les croissants et autres biscottes ont accompagné l’assistance, charriant la bonne humeur en cette matinée chaude et humide.
Les officiels Sénégalais réduits aux ministères de souveraineté
A 11 heures, Abdoul Mbaye (Premier ministre), Aminata Touré (Justice), Mor Ngom (Directeur de cabinet du Président), Mankeur Ndiaye (Affaires étrangères), Amadou Kane (Finances) et Pathé Seck (Intérieur) se font guider par le protocole pour descendre les escaliers à côté du tapis rouge déroulé pour les chefs d’Etat. Quelques minutes après, on aperçoit la silhouette longiligne du Président américain et son homologue Macky Sall. Costumes et cravates bien noués, ils entament leur point de presse sous le signe du pragmatisme yankee et du nouveau partenariat entre Washington et Dakar.
Macky Sall qui a souhaité la bienvenue à son hôte a rappelé les bonnes relations de coopération et la convergence de vues sur les principes fondateurs d’un Etat de droit entre les deux pays. Le chef de l’Etat, visiblement très à l’aise, l’air décontracté, a abordé les questions d’intérêt commun, objet de son tête-à-tête avec son homologue américain. En sa qualité de Président du Nepad, Macky Sall a fait un vibrant plaidoyer en faveur du continent et invité les Etats-Unis à accompagner l’Afrique, un continent dynamique, à amorcer la marche pour le développement durable. Saisissant la balle au rebond, Obama a d’abord magnifié la Téranga sénégalaise : «Au nom de mon épouse Michelle, de mes filles Shasa et Malïa et à mon nom propre, je vous remercie de l’accueil chaleureux que vous nous avez réservé», dit-il avant de justifier les raisons de sa visite par l’exemplarité de la démocratie du Sénégal qui «n’a pas connu de coup d’Etat et surtout les efforts des autorités sénégalaises à combattre la corruption, à promouvoir la bonne gouvernance et la coexistence pacifique entre les religions. Nous avons été inspirés par les citoyens sénégalais, qui exigeaient que leurs votes soient respectés», a dit Obama avant de vanter le rôle de la presse et de la société civile dans le développement du pays : «il existe une presse forte et une société civile dynamique.»
Le vibrant message d’Obama à l’Amérique, à la Chine et à la Russie
Même loin de la capitale fédérale des Etats-Unis, les reporters accrédités à la Maison Blanche ont eu droit à leur briefing matinal. Plus de la moitié du temps de parole leur a été consacré. Donnant ainsi l’occasion à Obama de commenter la décision de la Cour suprême américaine sur les couples gays, mais surtout d’envoyer un message fort à la Russie et à la Chine qui tentent de couvrir Snowden, un fugitif américain accusé de haute trahison par la Nsa pour avoir distillé des informations confidentielles.
«Je n’enverrai pas des avions à réaction pour arrêter un hacker de 29 ans, un pirate. Je ne vais pas demander son extradition personnellement. Je laisse le soin à la justice d’utiliser les canaux réguliers. Nous avons beaucoup de dossiers en commun avec la Chine et la Russie. Je ne vais pas faire en sorte qu’un seul dossier, concernant un seul suspect que nous souhaitons extrader, soit élevé à un niveau tel que je sois obligé de marchander tout un ensemble de dossiers», a-t-il dit. «Je n’ai pas appelé personnellement les présidents Xi Jinping et Poutine, parce que je ne dois pas le faire. Cette question est en train d’être gérée de manière routinière entre responsables de l’application de la loi. Cela n’est pas exceptionnel sur le plan juridique. Ils appartiennent tous à la communauté internationale qui est régie par le droit international».
Sur un autre registre, le «commander in chief» a invité la presse américaine, qui ne retient de l’Afrique que les crises et les fléaux, à revoir sa copie au sujet d’un continent fortement convoité par la Turquie, le Brésil, l’Inde et la Chine. «Le monde doit comprendre que l’Afrique est un continent jeune, dynamique et vibrant. C’est pourquoi nous allons renforcer notre partenariat avec le continent et avec le Sénégal».
Homosexualité : Macky clôt définitivement le débat
Ses contempteurs n’ont jamais cessé de lui prêter l’intention de dépénaliser l’homosexualité, pour l’enquiquiner. Hier, avec une aisance déconcertante, le président de la République a mis fin à cette rumeur pernicieuse qui laissait croire que le chef de l’Etat Américain est venu pour lui mettre la pression en vue de la dépénalisation de l’homosexualité.
La consœur américaine Jessica a donné une sueur froide à bien des officiels sénégalais, lorsqu’elle a demandé à Obama s’il allait plaider auprès de son homologue en faveur des homosexuels. Mais sa question a servi d’occasion à Macky Sall pour donner une position claire sur cette affaire. «Le Sénégal n’est pas prêt à dépénaliser l’homosexualité. Ce sont des questions de société, donc il faut laisser à la société le soin de les régler. Elle les règlera en fonction de l’évolution des mentalités et de ce que les gens considéreront comme acceptables ou pas acceptables.
Le Sénégal ne compte pas dépénaliser le délit d’homosexualité. Nous ne sommes pas pour l’instant disposés à lever cette disposition. Cela ne veut pas dire que nous sommes homophobes. Il faut que la société se saisisse de cette question et prenne le temps de la traiter sans pression». Toutefois, comme pour dissiper les inquiétudes du Président américain qui a plaidé pour le respect des droits des homosexuels par l’Etat, Macky Sall a rassuré son homologue: «Le Sénégal est vraiment un pays de libertés, où les homosexuels ne sont pas pourchassés. Mais pour le moment, il faut qu’eux aussi respectent le choix des autres de ne pas être homosexuels.»
Dans le même sillage, comme pour renvoyer à son homologue l’image de son pays, il a abordé la question de la peine de mort encore pratiquée dans certains Etats en Amérique, alors qu’elle est abolie au Sénégal.
Les promesses d’Obama
Le chef de l’Etat du Sénégal a salué les efforts de l’Amérique à travers les programmes tels que le Millenium challenge corporation, le Corps de la paix, l’Agoa qui appuient fortement le Sénégal pour asseoir son développement. Macky Sall a toutefois demandé à son homologue d‘aider davantage le Sénégal à résoudre la crise Casamançaise, en impulsant des projets économiques. Conscient des efforts du Sénégal, le Président américain a indiqué avoir demandé à son administration de travailler pour arriver à une reconduction de l’Agoa suspendu depuis quelques années.
En effet, ce programme facilite l’entrée de produits africains exonérés de taxes dans le marché américain. Il concerne plus de 6000 produits et pourrait être élargi à tous les pays africains qui empruntent le chemin de la démocratie.