"À DÉFAUT DE L’ÉRADIQUER, RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS DE FRAUDE"
SERIGNE MBOUP, PRÉSIDENT COMITÉ NORMALISATION BASKET
Portés à la tête d’une structure d’exception suite au scandale de la fraude sur l’âge chez les U18, Serigne Mboup et son équipe ont su, en si peu de temps, surfer sur la vague de la normalisation du basket sénégalais, avec au bout une qualification historique des Lions au 2e tour du Mondial espagnol. Avec Le Quotidien, le président du Cnbs revient sur cette première année de la normalisation et dégage des pistes pour l’avenir de la balle orange. Entretien.
Quel bilan tirez-vous de la première saison du Comité de normalisation du basket sénégalais ?
Je dirais que c’est un bilan positif parce que les objectifs de saison que nous nous étions fixés nous les avons, pour certains, atteints très largement. D’ailleurs, nous allons fêter dans quelques jours le premier anniversaire du Comité de normalisation du basket sénégalais (Cnbs).
Nous sommes venus dans un environnement de crise généralisée suite à une suspension administrative et financière de la Fiba, liée à l’histoire de la fraude sur l’âge chez les U18, filles et garçons.
Et la suspension devait même concerner d’autres dirigeants. Et là, je voudrais rappeler une chose, pour ceux qui parlent sans le savoir, que la Fiba a été généreuse. Même si l’amende a été extrêmement lourde, les textes de la Fiba prévoient 200 mille francs Suisse par personne. Cinq personnes ont été interpellées, donc l’amende aurait dû être de un (1) million de francs Suisse.
Compte tenu de beaucoup de choses, la Fiba ne nous a notifié que la moitié. Il faut savoir aussi que la décision a été prise par le Comité central. Pour ceux qui disent que l’amende aurait pu ne pas être payée ou négociée, ils ne connaissent pas comment fonctionnent ces organisations. Il était impossible au Sénégal de ne pas payer cette amende.
Cette histoire de fraude sur les sélections U18 a été une page sombre du basket sénégalais. Pour ne pas connaître les mêmes problèmes, qu’est- ce que le Cnbs propose ?
La fraude est un problème extrêmement compliqué. Ce n’est pas seulement le fait du basket. C’est généralisé dans le pays parce qu’il s’agit d’état civil. Ce que nous asseyons de faire au basket, qui ne va pas être une solution miracle, c’est d’automatiser la procédure, à savoir numériser l’existant. Il y a à peu près 2 000 licences. Et nous sommes en train de travailler là- dessus.
Est-ce à dire que les sélections de jeunes ne seront pas engagées tant que le problème n’est pas réglé ?
Pour les compétitions de jeunes, nous avons pris sur nous la décision de ne pas participer aux compétitions internationales compte tenu du fait que nous n’avons pas une maîtrise totale du processus, même si cela peut nous coûter des amendes.
C’est mieux que de refaire la même erreur qui a amené à tout ce que l’on sait. Au-delà du départ de l’ancienne équipe fédérale, c’est surtout la suspension, l’image ternie du Sénégal, les millions payés, l’indexation du Sénégal comme étant un pays où les procédures ne sont pas respectées. C’est de notre responsabilité de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Nous voulons nous donner les moyens pour qu’au moins on réduise la fraude, parce que sur l’état civil on ne l’éradiquera pas. Pour nous, il y a l’Uassu, le problème des Académies de basket... Au démarrage de la saison, on ne pourra pas dire qu’il n’y aura pas de fraude.
Parce que je ne suis pas sûr qu’on aura terminé tout le processus d’ici là. Même avec ce processus, on réduira la possibilité de faire des fraudes, mais on ne l’éradiquera pas. Il faut aussi, dans le cadre du code de conduite, faire une campagne de sensibilisation au niveau des parents, des formateurs... C’est à ce moment-là, au terme de plusieurs années, qu’on pourra être sûr que la fiabilité est totale.
Au-delà de ce chapitre, quels ont été les autres dossiers brûlants ?
Le plus difficile a été de repositionner le Sénégal sur l’échiquier international. Ensuite, comme je l’ai dit tantôt, il y a le paiement d’une lourde amende pour les finances publiques, mais également la mise en place de tous les Comités de normalisation.
Cela n’a été pas facile de démarrer aussitôt la saison et de la terminer avec deux mois d’avance par rapport à l’ancienne fédération. Nous avons eu une année pleine avec beaucoup d’innovations comme les «All stars game», les résultats probants de l’Equipe nationale masculine au Championnat du monde de basket. L’autre satisfaction, c’est l’engouement populaire, l’organisation sans heurts de toutes les compétitions.
Par contre, la famille du basket attend toujours le gala qui va couronner les meilleurs acteurs de la saison. Ce sera pour quand ?
On n’est pas obligé de le faire juste à la fin de l’année. C’est une innovation et il n’y a pas de calendrier précis. On est en train de nous donner les moyens. Que les gens se rassurent parce que le gala se fera avec des innovations.
On nous a fait le reproche de ne pas élire un «Roi» et une «Reine». Pour nous, c’est le meilleur joueur de la saison en garçons et filles. Nous avons pensé qu’il faut mieux faire une autre forme de motivation.
Nous avons non seulement garder le Mvp garçons et filles, mais nous allons élargir cela aux autres acteurs du basket avec un cinq majeur, le meilleur coach, le meilleur arbitre, le meilleur espoir en garçons et filles.
En plus de cela, nous voulons promouvoir la femme avec un prix qui sera décerné au coach des filles. Nous n’avons pas encore calé de date. On voulait le faire en fin septembre dernier. Plusieurs raisons ont fait qu’on n’a pas pu l’organiser. On verra dans les prochains jours la date qui conviendrait.
D’ici mars 2015, le Comité de normalisation va travailler sur quoi ?
Nous travaillons bien évidemment sur la saison prochaine. Nous allons rencontrer tous les acteurs pour voir comment organiser cette nouvelle saison. Nous allons également nous pencher sur un des aspects sur lesquels il reste beaucoup à faire : ce sont les textes.
Nous avons réuni autour de la Commission juridique, dont c’est la mission, un certain nombre d’experts qui ont travaillé à intégrer les différents textes qui existent. Il s’agit des statuts de 2010 qui sont globalement bons, mais pour lesquels il faut apporter un certain nombre de choses.
C’est aussi les nouveaux statuts généraux de la Fiba suite au Congrès d’Istanbul de mars et celui d’août à Séville. C’est aussi beaucoup de réflexions telles que celles produites par les clubs à travers leur Comité scientifique.
C’est aussi les projets de textes soumis par les experts au gouvernement sur le statut du sport de haut niveau. Nous allons travailler à intégrer tout cela. Le processus est pratiquement terminé. Dès la reprise, nous intégrerons les réflexions venues de nos différentes commissions.
Ensuite, nous allons les mettre à la disposition des Comités régionaux pour que tout le monde, y compris les clubs, puisse donner son point de vue pour qu’enfin on ait une synthèse nationale, un séminaire de partage de tous les acteurs avec la Fiba.
Est-ce que la cooptation sera prise en compte dans les nouveaux textes ?
La cooptation est toujours là. Il y a beaucoup d’idées autour. Il y en a qui veulent sa suppression, d’autres son maintien. Et il y en a qui proposent des solutions intermédiaires. Ce qu’il faut savoir, c’est que le sport est un secteur délégué. C’est l’Etat qui définit la politique.
On sait aujourd’hui que malgré toutes nos ambitions, le principal bailleur c’est l’Etat. Je fais partie de ceux qui pensent que la délégation de pouvoirs, pour toutes les disciplines, doit être encadrée sur le profil de ceux qui exercent cette délégation, sur l’organisation qu’il faut mettre en place pour que cette délégation corresponde à la politique de l’Etat.
Je fais partie de ceux qui pensent aussi que le statut d’Asc est dépassé. Si on veut de l’élite, être conforme au sport qui est aujourd’hui plus une activité économique et sociale, qui est un facteur important d’intégration nationale, de stabilité, de sécurité, je pense que l’Etat doit avoir un rôle ou des représentants sur le pro- filage de ceux qui doivent décider.
Dans certains pays, on confie carrément le Secrétariat général des fédérations à de hauts fonctionnaires rompus à la tâche. Je ne parle pas seulement du basket, mais du sport en général. Dans d’autres, on coopte des profils pour que l’Etat s’assure que dans l’équipe dirigeante, il y aura des personnes de haut niveau. Et parmi ces personnes, ce ne sont pas toujours des pratiquants.
Au football, le problème a quand même été résolu avec un fonctionnaire (Victor Ciss) au Secrétariat général de la fédération...
C’est un bon exemple. Les dirigeants de la Fédé foot ont déjà fait des pas importants et le basket doit s’en inspirer. Ce que nous avons fait d’ailleurs. Je crois que nous devons aller vers des sociétés sportives.
Ailleurs, ce sont des sociétés anonymes ou d’autres types d’organisation. Il faut savoir que la Fiba est extrêmement exigeante sur la gouvernance au sein des fédérations. Nous préparons des textes et nous les soumettrons à notre donneur d’ordre, l’Etat.
L’absence d’infrastructures pose également beaucoup de problèmes à la discipline...
On a beaucoup réfléchi sur cette question et nous avions une ambition d’accompagner l’installation d’infrastructures de proximité. Nous saluons le partenariat déjà réel sur le terrain de la Nba, de l’Usaid, de mettre en place une vingtaine de courts de tennis à travers le pays. A travers ce programme, nous aurons de terrains de proximité.
Nous ambitionnons aussi de discuter avec l’Association des maires du Sénégal dans le cadre de l’Acte 3 de la décentralisation, avec les Conseils départementaux, les communes pour avoir des terrains de basket de proximité. Nous avons également, avec le gouvernement, cette ambition de faire accompagner cette politique des infrastructures à travers une grande salle nationale, mais aussi régionale.
Pour l’existant, nous avons changé le parquet du stadium Marius Ndiaye. La toiture a été refaite. Au comité, on rêve en grand. Aujourd’hui, on a Marius Ndiaye, on va continuer à travailler pour avoir une salle multifonctionnelle comme à Bercy. L’Angola est un exemple, le Mali aussi. C’est comme ça qu’on pourra organiser à nouveau l’Afrobasket chez nous.
A quoi devrait-on s’attendre comme innovation pour la présente saison ?
Nous réfléchissons pour qu’à terme il y ait un championnat régulier. Il faut que la Coupe du Sénégal aille plus en profondeur, au niveau des zones. Il faut juste rappeler que beaucoup d’efforts ont été faits sur le plan des moyens.
Nous avons relevé de façon sensible toutes les bourses qui ont été mises à la disposition du basket. Soit au niveau du transport des clubs, qui est un vrai problème, pour les arbitres, les officiels de table... C’est à saluer. Nous avons également sensiblement augmenté la sécurité.
Au-delà du championnat, il y aura les éliminatoires de l’Afrobasket masculin avec les Lions en février prochain. Où en est le staff technique ?
Nous avons d’abord demandé des rapports qui ont été déposés. Nous allons nous réunir pour voir comment consolider les acquis dans le sens de renforcer l’organisation, la capacité de l’équipe. Que ce soit au niveau de l’encadrement, mais également des joueurs.
Nous devons mieux planifier les choses pour que tous ces petits problèmes africano- africains, notamment liés à l’improvisation, aux primes et autres, qu’on puisse les régler.
Mais aussi qu’on arrive à finaliser ce code de conduite et cette charte de l’Equipe nationale que chacun se doit de respecter. Pour ce qui est du staff, c’est la même chose, tant qu’une décision ne sera pas prise pour changer tel ou tel membre de cet encadrement. L’évaluation n’est pas encore terminée. Nous devons la faire très vite.
Comme vous le savez, nous devons rencontrer le Mali en aller et retour en février. Nous allons d’ailleurs prendre langue avec la présidente de la Zone 2 dès la reprise de nos réunions. Et puis, recréer les conditions d’avoir un groupe de performance pour assurer notre qualification à Tunis 2015.
Au contraire des Lions, les Lionnes sont presque laissées en rade, faute de compétitions. Y a-t-il quelque chose de prévu ?
Nous avons prévu de recevoir une équipe américaine avec un programme extrêmement important qui devrait permettre aux Lionnes de pouvoir se faire la main un peu. Malheureusement, comme pour l’Equipe des Etats-Unis, à cause de cette terrible maladie (Ebola), cette équipe américaine a annulé son séjour.
Nous avons quand même demandé à la Direction technique de travailler avec l’entraîneur et le manager de l’Equipe féminine pour voir comment faire pour avoir un programme. On sait que nos principales rivales, les Angolaises et les Mozambicaines étaient en Coupe du monde, mais aussi les Maliennes.
Pour les filles, on a quand même une bonne partie qui est à Dakar. Si on arrivait à avoir les moyens de permettre à l’entraîneur d’avoir des stages périodiques, autant sur le plan local et en Europe, cela serait une bonne chose.