À L’ÉPREUVE DE LA CONSTANCE
(Lomé) - Tous les plaisirs dont, paraît-il, le match des "Lions" a été si avare contre le Botswana, il faudra les chercher dans le résultat.
C’est la forte sensation qu’on éprouve devant un match qu’on n’a pas pu voir hier, depuis Lomé, et dont on ne mesure que l’importance du verdict final.
Devant la froideur des chiffres qui rapproche le Sénégal du Maroc, on n’a pas besoin de se pincer. On est devant une réalité dont le présent est laisse entrevoir des certitudes, alors que les tendances futures sont riches de promesses.
Mais on hésite à s’emballer par rapport à ce qui se dessine, car se projeter vers l’avenir est un exercice risqué. Surtout quand tant de limites sont évoquées dans le jeu d’une équipe qu’on pensait plus équilibrée, mieux à même de faire face à toute adversité.
Dominer l’Egypte à Dakar (2-0) était un accomplissement prometteur, aller à Gaborone pour mettre le Botswana au pas (2-0) est une confirmation qui rassure. Mais il aurait fallu que tout cela relève de la maitrise de son art par l’équipe nationale, contribue à l’affirmation de son potentiel et à l’expression de ses capacités.
Finalement, entre le match contre l’Egypte et celui disputé hier face au Botswana, les "Lions" ont perdu l’art de convaincre pour ne plus garder que celui de vaincre. On espère au moins que les deux victoires qui balisent encore mieux le chemin qui mène vers la Can vont conforter ce qui est encore si instable. Car ce sont des acquis qui comptent et qu’il importe de voir Giresse fructifier.
On s’est longtemps interrogé sur l’âme de cette équipe nationale, sur son bonheur d’être ensemble et de l’exprimer dans un collectif vivant au-delà des clichés du "groupe qui se sent bien" et qui répond avec "plaisir à l’appel de la nation".
Malgré les discours convenus, il manquait cette étincelle qui allume tous les clignotants en même temps et fabrique les feux d’artifice qui font du football une hymne à la joie. La solidarité et l’envie que dégagent désormais les "Lions" témoignent de ces énergies positives qui témoignent d’une foi ardente. On espère qu’elle restera pour s’exprimer encore mieux.
Il y a dix ans que cette flamme ne brûle plus. Depuis que "l’équipe de 2002" s’est perdue dans les ego démesurés et les perversités de la star system. Tares facilitées par les faiblesses notées dans le management structurel et dans la non assumation des mutations techniques qui s’imposaient à certaines époques dans le choix des joueurs.
On a longtemps refusé de tourner certaines pages et le livre du football sénégalais s’était refermé de lui-même. Cette équipe qui se bâtit sur les résultats acquis pas à pas est à bien tenir pour lui éviter les dérives fatales. Il est également important de voir les "Lions" dotés d’une identité technique consolidée. Les questionnements ont été souvent vifs, les critiques féroces et le débat latent pour savoir si l’équipe nationale avait une identité.
Ce 4-4-2 qui a longtemps été un mélange d’incohérences dans les chiffres, produisant un football qu’on avait de la peine à suivre à la lettre, on l’a porté comme une croix sur le chemin des errances. Le jeu des "Lions" n’était ni fluide ni intelligent et les hommes appelés à le porter pareils à des solistes d’un grand orchestre dont les partitions avaient été mélangés. On devinait leurs intelligences footballistiques, mais ils étaient aussi gauches que l’albatros de Baudelaire échoué sur le pont d’un grand navire.
La nouvelle expression identitaire que véhicule l’équipe nationale, dans son 3-4-3, a déjà montré une maitrise organisationnelle plus convaincante. Elle a été séduisante contre la Côte d’Ivoire en novembre dernier à Casablanca, conquérante devant l’Egypte la semaine dernière et réaliste devant le Botswana hier.
Mais elle n’est pas sans scories et mérite encore un travail de fond dans l’articulation des lignes et l’expression totale des intentions de jeu, voire du potentiel qu’on connaît à certains joueurs. En attendant, il est heureux de voir le Sénégal s’inscrire dans l’actualité évolutive du foot, avec un système de défense à trois qui, depuis que le Mondial brésilien l’a davantage sublimé, constitue l’armature la plus séduisante qui soit.
Dans cette configuration à trois derrière, avec des variantes au milieu et devant, les "Lions" font preuve d’une plus grande maitrise défensive, d’une meilleure approche offensive et d’une efficacité redoutable. Mais il s’agit de savoir réciter tout cela avec aisance, plutôt que l’épeler comme une lecture mal maitrisée.
Notamment s’il faut s’en sortir devant la Tunisie. C’est à Léopold Senghor que les "Lions" joueront ce match de la vérité. Un rendez-vous important quant à la confirmation de ce qui fait leur âme et leur identité. Un match crucial pour le résultat. Avec 9 points dans les phases aller, il faudrait que la lune heurte la terre pour que le Sénégal perde le chemin qui mène au Maroc.
Les "Aigles de Carthage" ont aussi la dimension qui fait que toute performance mesurée à leur aune a valeur de vérité fondamentale. On est pressé d’y être.