ÉBOLA NE PASSERA PAS
DES VILLAGEOIS SÉNÉGALAIS REFOULENT UNE DIZAINE DE GUINÉENS
Dialadiang (Sénégal), 5 sept 2014 (AFP) - Une dizaine de Guinéens attendent leur expulsion dans un poste de la police sénégalaise, près de la frontière, fermée en raison d'Ebola. Ils ont été arrêtés avec le concours de villageois intraitables: "Nous ne voulons pas qu'ils amènent la maladie dans notre pays", dit l'un d'eux.
Le Sénégal est devenu fin août le cinquième pays touché par l'épidémie de fièvre hémorragique en Afrique de l'Ouest, avec la découverte d'un premier cas, un étudiant guinéen entré dans le pays juste avant la fermeture des frontières avec la Guinée le 21 août.
"Ils tentaient de franchir la frontière. Nous les avons arrêtés avec la collaboration des villageois. Nous attendons l'ordre de les reconduire" en Guinée, explique à l'AFP un agent de police à Dialadiang, un des derniers villages avant la frontière, à 7 km.
"Nous avions refoulé la semaine dernière un Camerounais et deux Sierra-Léonais. Des villageois les ont arrêtés à nouveau pour nous les remettre", ajoute le policier devant un bâtiment décati, prolongé par un préau en bambou où sont assis les Guinéens arrêtés.
Après Dialadiang, un dernier poste militaire mène en Guinée, sur une route déserte parcourue par des boeufs, des chèvres et des moutons dodus, profitant de l'épais tapis herbacé tout autour.
Le long de cette piste latéritique cabossée et gorgée d'eau de pluie s'étend une forêt dense laissant apparaître des champs d'arachide, de maïs et de coton, autour des cases en toit de chaume.
Dans le village voisin de Faroumba, sous une fine pluie s'abattant sur d'immenses étendues vertes, des comités de vigilance guettent.
"Nous arrêtons chaque jour des Guinéens pour les refouler à la frontière. Nous ne voulons pas qu'ils introduisent la maladie dans notre pays", affirme Séniba Camara, un responsable de cette commune de quelques centaines d'habitants, qui l'écoutent avec des mimiques d'approbation.
"Tous les villages environnants sont informés. Les habitants appellent régulièrement pour dire qu'ils ont arrêté des Guinéens pour qu'ils soient reconduits à la frontière", ajoute-t-il.
'Solidarité oui, contagion non'
A Linkering, autre village frontalier, près de Niokolo-Badiar, un parc transfrontalier, Ousmane Baldé, un enseignant, affirme surveiller "les mouvements des Guinéens qui passent pour les signaler à la sécurité".
"Le problème, c'est la nuit. Nous ne pouvons alors rien faire. Nous entendons simplement le bruit des motos qui passent", dit-il, assis au bord de la route parmi une bande de jeunes acquis à son discours.
Dans la capitale, à quelque 600 km de route, la peur d'Ebola est palpable.
Des jeunes ont voulu la semaine dernière envahir l'hôpital de Dakar où est soigné le jeune Guinéen pour s'en prendre à lui, avant d'en être empêchés par les forces de l'ordre, a révélé à la presse la ministre de la Santé, Awa Marie Coll Seck.
Le président sénégalais Macky Sall a appelé mercredi la population "à la sérénité" et l'a invitée à "éviter la stigmatisation, tout en faisant preuve de solidarité avec les autres pays voisins".
Mais pour Séniba Camara, les Guinéens "sont les parents des Sénégalais mais la solidarité, ce n'est pas dans la contagion" par l'épidémie.
"L'Etat du Sénégal a fermé la frontière avec la Guinée. Celui qui rentre illégalement dans le pays doit être ramené chez lui", plaide Sambou Niabali, un jeune de Faroumba.
Ousmane Baldé veut faire rempart pour tout le pays: "Nous voulons protéger nos parents qui sont à l'intérieur du Sénégal".
Pour Amadou Baldé, un autre habitant de Faroumba, "Ébola est dangereux. On a vu à la télévision que des médecins en meurent, à plus forte raison nous qui n'avons pas de moyens pour nous soigner".
"Nous n'avons peur quand nous ramenons des Guinéens. C'est dangereux de les prendre par la main mais nous n'avons pas de moyens", ajoute-t-il.
Mais cette fermeture indiscriminée ne fait pas l'unanimité.
"Nous appelons à une réouverture des frontières avec un contrôle à des points précis où les passants pourront se laver les mains et pour une prise de température et de sang", affirme Amadou Bâ, un transporteur à Diaobé, une commune qui accueille un marché hebdomadaire fréquenté par de nombreux Africains de l'Ouest, à présent déserté.