ÉVITER LA CACOPHONIE !
PROJET DE GRAND PARTI PRÉSIDENTIEL
La semaine écoulée à résonné de bruits assourdissants relativement à un éventuel projet de large rassemblement à la tête du pays, présenté par-ci comme devant réunir des forces dites libérales et, par-là, comme une union sacrée pour la massification du camp présidentiel. La nécessaire recomposition du paysage politique semble y avoir trouvé des exutoires pas toujours cohérents si l’on se réfère aux différentes déclarations qui ont fusé tous azimuts.
Le débat est relancé à la faveur des civilités échangées entre l’actuel président de la République et son prédécesseur (même par personnes interposées), jugées à la limite comme un non-événement par un analyste de la trempe de Mame Less Camara. Et ce thème ne manque cependant pas de meubler les discussions dans les salons, les grands-places, voire les états-majors.
Car il n’y a pas de fumée sans feu et si l’on sait qu’au sein de l’APR, au pouvoir depuis 2012, beaucoup ont fini par se convaincre que le renforcement de la coalition est la voie du salut, cette formation vit en même temps le paradoxe de compter également les opposants les plus irréductibles à toute ouverture vers d’autres partis : le cas de Khoureïchi Thiam en a donné la preuve. Et ce, en dépit de l’appel de Macky Sall pour accueillir les nouveau-venus.
Alors qu’à Macky 2O12, certains caciques de la coalition originelle ruent parfois dans les brancards, quand d’autres comme le maire APR de Médina Gounass semble s’y opposer. La lecture de l’administrateur de l’APR, Pape Mael Thiam, privilégiant la massification du parti présidentiel, est une tentative compréhensible de maintenir la cohésion, autour d’un parti dont le journaliste Alioune Fall a justement déploré la non-structuration.
Ce qui explique sans doute pourquoi les appels répétés et les gestes de bonne volonté n’ont pas créé le rush, les ralliés (à l’image d’Awa Ndiaye et d’Abdou Fall) ayant souvent été travaillés au corps par des proches du cercle restreint autour du pouvoir. Comme si le Benno Bokk Yaakaar lui-même était une sorte de repoussoir, que certains n’hésitent pas à récuser pour le portage de la candidature en 2017.
Du fait de certaines craintes vis-à-vis des cercles de gauche suspectés d’enfermer le président dans leur étau et/ou de l’emprise des tenants des Assises nationales. C’est certainement ce qui constitue l’objectif de ce grand rassemblement sur lequel les lectures sont pourtant tout aussi grandement divergentes.
Car là où les uns parlent d’Alliance autour de la majorité présidentielle (AMP), d’aucuns de grande alliance pour l’émergence, le cercle restreint s’en tient à la massification. Ce qui est sensiblement différent.
Un hiatus entre élargissement et massification
A commencer par Serigne Mbacké Ndiaye du PDS qui, dès les premiers murmures d’un rapprochement, a embouché la trompette des retrouvailles libérales prônées auparavant par les partisans d’Idrissa Seck, ce dernier apparaissant depuis un certain temps comme le leader "naturel" de cette vision.
Mais le projet souffre de tares de naissances, si l’on sait que Me Souleymane Ndéné Ndiaye a presque déclaré sa candidature, que Bara Gaye a lancé celle de Karim Wade, qu’Alioune Sow appelle à son propre agenda et qu’un allié et deux fois ministre libéral comme Abdou Fall a rejoint le camp de Mahmout Saleh, un plénipotentiaire de la massification derrière le président Sall.
Les scénarii sont loin d’avoir les mêmes visées, puisque l’ancien ministre des Collectivités locales ne veut plus d’autre maître après Wade, alors que le jeune Bara Gaye se présente en "parricide" ou, en tout cas, en redresseur d’une certaine vieille ( !?) manière de faire la politique.
Sa condamnation sans équivoque de la transhumance exclut toute idée de ralliement au grand rassemblement. Il propose, comme son aîné Idrissa Seck, une autre alternance en 2017, ni plus ni moins. En faisant étrangement un clin d’œil à Thierno Bocoum de Rewmi et à Barthélémy Diaz du Parti socialiste, avec lesquels il partagerait les mêmes principes, tout en insistant sur l’ancrage idéologique. Une entente libéralo-socialiste ( ?!) PDS/PS/Rewmi pour la relève générationnelle ? Sacré Sénégal !
Le jugement se fera par le bilan
Dans ce foisonnement d’originalités, l’élément le plus déterminant aujourd’hui semble cependant être que dans le camp de Macky Sall, les plus teigneux aient opté pour l’efficacité ou, comme l’a dit le président lui-même à ses partisans, le jugement des électeurs par le bilan. Même quand ses adversaires lui prédisent l’échec à tout bout de champ. Exit donc la politique politicienne qui amuse et divertit davantage qu’elle ne nourrit. En effet, le régime actuel a certes besoin d’être assis sur un socle de partis soudés capables de faire front aux attaques, aux tactiques et autres stratégies de déstabilisation, mais il doit surtout convaincre les Sénégalais.
Et ce ne sont pas les mesures de baisses à peine ressenties par les populations, encore moins les effets de manche et la communication politique tout azimut, qui produiront le bilan électoralement gagnant. Mais bien la matérialisation d’une relance effective des affaires, de l’entreprise et des secteurs les plus productifs. Parce que plus de 5 millions d’électeurs sénégalais attendent, dont seuls 2 millions 500 000 ont effectivement voté en 2012, auxquels viendront s’ajouter plusieurs centaines de milliers.
Et aucun discours ne peut plus les entraîner dans des voies hasardeuses. Toute tentative de les éblouir par des combinaisons sans emprise sur le réel et leur vécu quotidien est vouée à l’échec. C’est ce que semble avoir compris Macky Sall et ce que devrait vouloir dire le slogan du Premier ministre Ben Habiboullah Dione : au travail !