‘’FINI LE BASKET TANT QUE MBAGNICK NDIAYE RESTERA MINISTRE DES SPORTS’’
BABA TANDIAN, EX-PRESIDENT DE LA FEDERATION SENEGALAISE DE BASKET
Avant de se conformer à son engagement de ne plus se prononcer sur les questions sportives, Baba Tandian a accordé une dernière interview à TLS. L’ancien président de la Fédération sénégalaise de basket, dissoute et remplacée par le Comité de normalisation du basket (Cnb), ne livre ni un testament de dirigeant sportif, ni un bilan de mandats. Tandian ouvre son cœur en se prononçant sur tous les sujets brûlants qui ont jalonné son passage à la tête du basket. Une franchise qui lui a parfois causé bien des déboires, dans un monde où le politiquement correct et le langage policé sont loi.
OUSSEYNOU NDIAGA DIOP
«Je dois vous remercier de m’avoir donné l’occasion de m’expliquer sur ces questions. Pour l’affaire de la maison d’Ousseynou Ndiaga Diop, j’étais fraîchement élu à la tête de la fédération, j’avais émis le souhait d’être équitable avec tous, sans compromis. C’est en pleine réunion que tout le monde, à l’unanimité, m’a dit qu’Ousseynou Ndiaga Diop s’est octroyé une maison à laquelle il n’a pas droit. C’était sous le magistère d’Ass Gaye. Ils avaient gagné la coupe en 2009, le chef de l’Etat a donné des maisons et le directeur technique national n’en faisait pas partie. Il avait une maison avant, il ne va pas collectionner des maisons ici. En plus, il est venu juste au moment où les gens ont gagné. C’est l’arbitre qui avait droit à cette maison. J’ai demandé aux gens quelles sont les mesures à prendre. Ils m’ont dit de rétablir l’arbitre dans ses droits. Il n’y a que moi qui peux prendre cette décision. Tous les membres du bureau étaient là. Je l’ai fait. Pourtant, Ousseynou, c’était mon ami. J’étais un peu gêné. Quand je l’ai fait, les gens m’ont créé des problèmes à n’en plus finir. C’est comme si on m’avait tendu un piège. C’est pour vous dire que dans cette fédération, dès que je suis arrivé, j’étais l’orphelin au milieu d’un champ de patates.
OUSSEYNOU NDIAGA DIOP (BIS)
‘’Quand Ousseynou Ndiaga Diop, est rentré de la Coupe du monde de Prague, avec l’affaire de Diodio (elle avait reçu l’autorisation de retourner dans son club en pleine compétition, Ndlr), je lui ai posé une question dans la salle en pleine réunion. Quand on sait que le directeur technique est un élément du président de la fédération, je lui ai demandé pourquoi il a donné à Diodio son passeport. Si Diodio doit quitter une compétition internationale pour aller dans son club, l’entraîneur doit demander au Dtn, ce dernier s’en réfère à moi, et je vais rendre compte au ministre. Quand j’ai demandé à Ousseynou Ndiaga Diop s’il était solidaire de l’entraîneur ou du président, il a répondu : ‘’de l’entraîneur’’. J’ai regardé l’heure, j’ai vu qu’il était 21h30, je sais que tout le monde m’attendait pour sa sanction. Ses partisans étaient là, j’ai dit que ce n’est pas l’heure pour parler de sanction. J’ai attendu 23h30, une heure où les journaux ont bouclé, pour lui poser la même question. Il a donné la même réponse. Alors je lui ai dit « A partir de ce soir, vous êtes démis de vos fonctions ». Voilà l’histoire. Avec les évènements qui sont survenus, c’est difficile d’avoir encore de l’estime pour lui.
LIMOGEAGE D’ADIDAS
‘’Je n’ai jamais licencié Adidas de ma vie. C’est pour ça que je dis que dama wékh dounkeu (je suis le mouton noir, en wolof). Adidas est le père de mes ‘’enfants’’ à Lille. Il n’est pas n’importe qui. C’est un ami de longue date, on a habité ensemble à Caen. A l’époque, ma fille qui s’est mariée samedi dernier (22 novembre) avait deux ans. Et quand ma femme partait faire des courses c’est la femme d’Adidas (Khoudia) qui gardait nos enfants et vice-versa. C’est pour dire que nos relations datent de Mathusalem. Deuxièmement, je le respecte en tant qu’entraîneur et je vois ce qu’il fait en France, c’est une fierté pour le Sénégal. Il y a eu l’épisode Tapha Gaye, car c’est la suspension de Tapha Gaye qui a amené le cas Adidas. Tapha a été nommé, il a été champion d’Afrique. Il a un caractère difficile, mais il est très professionnel, il maîtrise son sujet. C’était important. Quand je suis venu, le jour ou j’ai été élu, Aya Pouye en personne m’a dit : ‘’S’il y a une personne dont tu dois te méfier ici c’est Tapha Gaye. Il est indiscipliné, il est arrogant’’. Je lui ai répondu que s’il est indiscipliné, je le suis plus que lui. Que je suis son patron et je connais sa valeur. C’est ce que j’ai toujours fait. Malheureusement, Tapha Gaye a été démis de ses fonctions après la campagne de Bamako pour des problèmes personnels. Il me fallait trouver un bon entraîneur pour les filles. Pour les garçons, il y avait déjà Adidas. L’épisode de Libye, j’en voulais plus. Parce qu’en Libye, il y a eu des clans. Ça il faut le dire ; il y a eu des clans avec des joueurs, des entraîneurs. J’ai voulu assainir l’équipe masculine. Par exemple, un joueur professionnel qui reste 40 minutes sur le banc, n’est pas content, il y a eu d’autres choses. J’ai dit : « Adidas prend moi les filles en attendant d’y voir plus clair ». Et à ce moment j’étais en pourparlers avec Aimée Toupane. Mais le problème est qu’Aimé Toupane ne sait pas entraîner les filles, il me l’a dit. Je voulais prendre Toupane pour les filles et Adidas allait rester avec les garçons. J’ai pris mon téléphone, j’ai supplié Adidas de prendre les filles. Adidas m’a dit qu’il ne pouvait entraîner ni les filles ni les garçons, parce que dans son club il a des engagements. Je vous le jure. C’est lui-même qui m’a appelé, avec le sourire en plus. Si on m’accuse d’avoir renvoyé Adidias, c’est faux. Adidas n’est pas une personne qu’on renvoie. Malheureusement, les mêmes personnes l’ont appelé pour lui dire que Tandian a dit ceci et cela, alors que je n’ai jamais dit du mal d’Adidas. Il a fait une sortie. C’est ma femme qui m’a dit qu’Adidas a été brouillé, donc il ne faut pas répondre.
SUSPENSON DE TAPHA GAYE
‘’Je regrette la suspension de Tapha Gaye. Je l’ai fait à contrecœur. J’ai été surpris de sa sortie, des gros mots qui ont été exprimés, parce que je ne me sens pas concerné par ça. Tapha c’est un bon entraîneur, confirmé, il a fait du beau boulot. Malheureusement, les prédateurs sont passés par là. Tapha Gaye, pour des raisons qu’il est le seul à connaître, est revenu de Bamako et a sorti des mots. Je l’ai envoyé en conseil de discipline. Il a été suspendu. Et à un moment donné, je pensais à le gracier car le basket avait besoin de lui. Aucun membre de la fédération n’était au courant, seul un journaliste sportif était au parfum. Et je ne regrette pas de l’avoir gracié. Comme par hasard, aujourd’hui qu’on est en train de faire cette interview, Tapha Gaye m’a appelé. On est le jeudi 28 novembre 2013, il est 18h 33, Tapha Gaye m’a appelé à 15h44 pour me faire part de son soutien après ce qui s’est passé. Je me suis senti tout chose d’entendre Tapha me parler sur un ton humain. J’étais ému, je ne savais plus quoi dire. C’est une bonne chose car depuis le clash on ne s’était pas parlé. Et le fait qu’il m’ait appelé alors que je ne suis plus président, pour me soutenir, c’est vraiment important pour moi, car le seul point noir de mon mandat était de partir sans me réconcilier avec lui. Aujourd’hui je pars tranquille.
ALPHA SYLLA
‘’Alpha Sylla, c’est moi, qui l’ai coopté. En plus c’est un parent à moi parce que d’origine soninké. Alpha Sylla nous l’avons coopté mais malheureusement, il ne connait que le football. Il ne maitrise pas le basket. Je n’avais pas le temps de réfléchir, je voulais de l’efficacité tout de suite. Alpha Sylla n’a pas été efficace. Ce n’est pas qu’il ne connait pas, mais il connait que le football. C’est un inspecteur confirmé. Au secrétariat, on paniquait un peu parce qu’on recevait un courrier et il ne savait pas répondre. Et je n’avais pas le temps de lui apprendre. Et on lui a fait faire des choses. On lui a fait faire des documents antidatés pour une personne qui voulait faire un concours à Fiba alors que la personne était forclose depuis huit jours. Pire, mes ennemis l’ont coopté dans leur camp et du coup je me suis retrouvé avec un ennemi de plus sans le vouloir.
COMPLOT CONTRE CHEIKH SARR
‘’Je n’ai jamais œuvré pour son départ. Aimé Toupane, c’est un bon entraineur et si j’avais l’occasion de l’amener au Sénégal, je l’aurais fait. Cheikh Sarr, c’est moi qui l’ai nommé. Je voulais donner la chance à l’expertise locale. Mais Cheikh Sarr, il a ses défauts. Nous les avons constatés. Le jour où il aura comprendra que ce genre de défauts ne fonctionne pas avec un responsable de fédération, il s’en trouvera bonifié. Il est hautain, il a tendance à snober les responsables du basket. Il se croit supérieur, mais il faut qu’il sache qu’on est ses patrons. Si j’ai des choses à lui reprocher, c’est dans ce sens-là. Quand un journal dit que je suis allé en France contacter Aimé Toupane, ce n’est pas vrai. On s’est parlé au téléphone, on ne s’est pas vu. J’étais allé regarder un de ses matches à Antibes et je suis même parti avant la fin du match. J’ai vu le résultat du match dans les journaux. Donc, par quelle magie aurais-je pu voir Toupane ? C’est incroyable, les gens racontent n’importe quoi.
AYA, MATHIEU FAYE ET LES AUTRES
‘’Pardonner Aya, Mathieu et les autres ? Jamais ! (Il se répète). Mathieu Faye était un ami de 30 ans. C’est la seule personne qui avait le droit d’entrer dans ma maison et de changer le menu de mon repas. Si ce monsieur clame haut et fort qu’il ne me connaît pas, je n’ai rien à cirer de lui. Je veux qu’il m’oublie, qu’il oublie mon existence. Parce que moi je l’ai oublié. Quant à Aya, franchement, c’est une personne que je ne souhaite plus rencontrer dans la rue. Je ne veux plus la revoir. Je pense qu’elle ferait mieux d’aller s’assoir dans sa famille. Mohamed Sy, je ne veux même pas parler de lui. Pour moi, la page du basket est tournée et ce ne sera plus sous l’ère de Mbagnick Ndiaye. Je n’ai rien contre l’homme. Je n’ai aucune animosité avec lui, mais je ne serai plus dans une fédération tant qu’il sera ministre des sports. Toutefois, si je le vois je vais le saluer, le taquiner comme je le faisais. On n’a pas le droit de tuer le basket. C’est dommage pour ces jeunes qu’on a dénoncés et qui ont vu leur carrière gâtée. Il faut que ces gens-là qui ont dénoncé payent pour leurs fautes. Ils ont terni l’image de la nation. Ils ont tendu un piège au Sénégal. J’ai eu des relations très tendues avec la presse. Je demande pardon à tout le monde et je pardonne à tout le monde. Les rideaux sont tombés. Je ne parlerai plus. Je remercie sincèrement le président de la République.’’
ENCADRE
Une vie après le basket
‘’Je vais reprendre mon travail. Au bureau, je venais travailler le matin jusqu’à 14h, je rentrais manger et à 16h je suis à la fédération. Je restais tard au basket. Et mon absence se faisait sentir dans mon entreprise, car des clients venaient l’après-midi et ne me trouvaient pas sur place. Je suis commerçant et ce n’était pas dans mon intérêt. Les résultats de mon entreprise se sont fait sentir. Mes employés criaient partout. Ma femme était aux anges le jour où j’ai été relevé de mes fonctions. Toute ma famille était contente. J’ai travaillé corps et âme pour ce basket-là. La fédération me doit 7 millions. Je pars soulagé. On a brisé notre élan. A quelle fin ? Je ne sais pas’’.