“IL FAUT LAISSER À GIRESSE LES MAINS LIBRES...”
PATRICK VIEIRA, ANCIEN INTERNATIONAL FRANÇAIS
Après avoir raccroché les crampons, le franco-sénégalais Patrick Vieira s’active comme beaucoup de ses partenaires dans le métier d’entraîneur et aussi dans la lutte pour une meilleure éducation des enfants démunis. En conférence de presse, hier, l’ancien international français a décliné son ambition sur l’éducation des enfants, parlé du manque de réussite des footballeurs africains, de Giresse avec l'équipe nationale, mais aussi de la Coupe du monde 2014.
Qu’attendez-vous des équipes africaines pour cette Coupe du monde 2014 ?
J’attends qu’une équipe africaine gagne enfin une Coupe du monde. Je suis un des grands supporters des équipes africaines et j’espère qu’elles vont aller le plus loin possible. Et je suis convaincu que cela peut arriver parce que dans le continent africain, il y a beaucoup de talents. Côte d’Ivoire, par exemple, Yaya Touré, cette année, a été extraordinaire pour Manchester City. Le Cameroun a Samuel Eto’o. Il y a beaucoup de qualités dans les équipes de Ghana et de Côte d’Ivoire. Si on a besoin de gagner un jour la Coupe du monde, on a besoin plus de structures autour de ces équipes. L’équipe nationale manque d’organisation. On a des joueurs talentueux, des équipes talentueuses mais au niveau organisation, ça ne suffit pas. Je trouve scandaleux qu’à chaque fois qu’il y a une compétition comme la Coupe du monde, des problèmes autour des équipes resurgissent. C’est un manque de professionnalisme, de structure, de leadership. C’est ce qui manque à ces équipes pour gagner une grande compétition comme la Coupe du monde. Ce n’est pas un problème de talent. Au niveau mondial, le talent africain est pur. Mais cela ne suffit pas. La Côte d’Ivoire, une équipe expérimentée, mérite d’aller dans le dernier carré ou au moins en quart de finale. Si tout se passe bien autour des joueurs, cette équipe peut atteindre les demi-finales, car quand on regarde les joueurs individuellement, il y a la qualité, du talent. Et pour gagner une Coupe du monde, il faut du talent et que le reste suive, sinon ce sera compliqué.
Pensez-vous que la France a une chance d’aller loin ?
Je pense que oui. Car depuis que Didier est arrivé, il a fait du bon travail. Il y a beaucoup de qualités individuelles dans cette équipe. C'est qu’il faut se mobiliser pour faire un groupe, une équipe. Et après, quand on met son talent au service de l’équipe, il y a moyen d’être très compétent. La France, cela a été un peu difficile de se qualifier mais je pense que le plus dur a été atteint. Pour passer notre groupe, on a besoin de nos leaders à 200% (Ribéry et Benzema). Car sans les leaders, une équipe ne peut pas gagner.
Quels sont les favoris de cette Coupe du monde ?
Mon favori reste le Brésil. Quand on est le Brésil et on organise la Coupe du monde à domicile devant ses supporters, c’est forcément les favoris. Après le Brésil, je vois bien l’Argentine avec Messi. Après en Europe, il y a l’Allemagne et aussi l’Espagne. Ce sera une très belle Coupe du monde, qui va se baser sur un jeu vers l’avant et il y aura beaucoup de buts.
Quelle appréciation faites vous de la non sélection de Samir Nasri ?
Cela a été une surprise de ne pas voir Samir dans l’équipe de France. Et comme Samir l’a dit, il faut respecter le choix de l’entraîneur. Mais c’est vrai que Samir sort d’une saison extraordinaire avec Manchester City.
Zidane comme entraîneur à Monaco ?
Je ne sais pas vraiment ce qu’il y a de vrai, on parle de Monaco, de Bordeaux. Ce qui est sûr, c'est que Zidane a envie d’être entraîneur d’une équipe, je lui souhaite beaucoup de chances et beaucoup de bonnes choses.
Vous êtes actuellement dans la formation technique. Vous avez fait votre début. Quelles conclusions en tirez-vous pour le moment ?
Le métier d’entraîneur est très difficile et stressant. Mais quand on aime le football, on arrive à vivre avec.
Et dans le contexte africain ?
Je me suis engagé pour l’éducation, car c’est une chose à laquelle je crois. Je pense que le futur de nos enfants doit passer par l’éducation. C’est pourquoi j’utilise le football pour promouvoir l’éducation.
Quels sont vos objectifs ?
Mon seul but, c’est de donner l’éducation aux enfants pour qu’ils puissent réaliser leur rêve.
Pensez-vous entraîner un jour une équipe sénégalaise ou africaine ?
Peut-être, je ne sais pas ce qui peut arriver demain. Mais, ce qui est sûr, il y a un travail intéressant à faire au Sénégal, en Côte d’Ivoire, parce qu’il y a du talent. Ce qu’il faut faire, c’est essayer d’encadrer tout cela, mettre les joueurs dans de meilleures conditions pour qu’ils puissent s’exprimer.
Quand vous parlez d’encadrement, pensez-vous être écouté ?
Je ne sais pas si je suis écouté ou pas, mais à l’arrivée, je dis ce que je pense. Mais après les gens font ce qu’ils veulent avec. Mais bon, je réponds avec beaucoup de sincérité à vos questions. Moi, je suis là pour donner mon avis.
L’institut Diambars a joué cette année en Ligue des champions africaine et a été sorti dès le premier tour. Quelle appréciation en faites vous ?
Il faut se souvenir qu’il y a Diambars, il y a de cela que cinq (5) ans, six (6) ans. Pour être en Champions league et pouvoir percer, il faut de l’expérience et on en a pas à ce niveau de la compétition. Ce qui est important, c’est de regarder l’amélioration, de regarder les joueurs qui sont sortis, de regarder ceux qui sont à l’université. C’est ça la victoire pour nous, voir des gamins qui partent à l’école, des gamins qui veulent être professeurs de sport, des enfants qui veulent être docteurs, politiques. C’est ça ma victoire.
Quel enseignement tirez-vous du football sénégalais ?
L’image du football sénégalais c’est à l’image du football africain au total. Le manque de structures, d’organisation, d’encadrement et c’est difficile. Il faut avoir des structures claires, nettes et simples pour justement améliorer la performance des joueurs.
Comment trouvez-vous le travail de Giresse depuis son arrivée ?
Je n’ai pas beaucoup suivi. Ce sera difficile de donner mon avis clair et net. Mais ce que je sais, c'est que Giresse est un passionné. C’est quelqu’un qui aime son travail, c’est quelqu’un qui aime le football, qui connaît le football. Maintenant ce qui est important, c’est qu’il faut lui donner tout et le laisser travailler tranquillement. Il faut laisser ses mains libres, ses pieds libres, sa pensée libre pour qu’il puisse prendre ses décisions qu’il pense être les meilleures.
Comment voyez-vous la progression de Souaré et de Idrissa Gana Guèye ?
Extraordinaire ! J’ai eu Idrissa au téléphone pour le féliciter de ses cent (100) matchs en professionnel. C’est vraiment la fierté de Diambars. C’est un homme bien, un homme avec des valeurs, c’est pourquoi je suis très content de ce qu’il est en train d’accomplir à Lille. Souaré, quant à lui, est en train de s’imposer petit à petit. Je l’ai vu jouer dernièrement, il a un pied gauche extraordinaire. C’est un très bon joueur que j’aime beaucoup. Il me rend heureux et c’est une fierté pour Diambars.
Et Diambars ?
Ma relation avec l’Institut Diambars reste forte, c’est pourquoi d’ailleurs j’ai tenu à ce que Saër (Seck, président de l'Institut) vienne. C’est un engagement que j’ai avec Western Union et l’Unicef, mais cela ne retire rien à mes obligations et mes engagements envers Diambars et la famille Diambars. C’est la continuité des mes valeurs et ce que je crois. Et quand on regarde l’objectif de Diambars, Western Union et Unicef, c’est dans la continuité du travail que j’ai envie de faire au Sénégal. Je suis quelqu’un qui croit beaucoup à l’éducation, donc j’utilise le sport pour promouvoir l’éducation des enfants. Donc dans l’avenir, j’espère que Western Union et l’Unicef se joignent à la famille Diambars pour justement essayer de faire en sorte que le travail soit plus fort, plus grand. Et on touchera un nombre incalculable d’enfants.
Pour la fraude sur l'âge ?
Je vais utiliser un mot qui est assez fort. Pour moi, c’est tricher. Et tricher, un jour ou l’autre, on se fait attraper et on est puni. Pour moi, c’est un manque d’éducation. C'est ce qu’on a fait avec Diambars, en abattant un travail de fond pour combattre ce fléau. C’est un problème pas seulement au Sénégal mais en Afrique. Ce qu’il faut, c’est de les dénoncer et se battre contre cela. Et sur le long terme, je suis persuadé qu’on changera la mentalité des tricheurs.