“LA PRÉSENCE DE WADE AU TRIBUNAL ALLAIT CRÉER BEAUCOUP DE PROBLÈMES”
SERIGNE MBACKÉ NDIAYE, PORTE PAROLE DE L’EX-PRÉSIDENT
Serigne Mbacké Ndiaye explique les raisons de l’absence de l’ancien président Abdoulaye Wade au procès de son fils. Dans cet entretien accordé à EnQuête, l’ancien porte-parole Me Wade confie que la présence son mentor risquait de troubler la sécurité publique.
La Cour d’appel de Saint Louis a déclaré Racine Sy maire de Podor. Quel commentaire en faites-vous étant donné que le PDS a soutenu la candidature de Me Aïssata Tall Sall ?
Nous l’avons soutenue par une action concrète sur le terrain, avec la présence du président Wade à Podor. Maintenant, on ne peut pas reprocher à Racine Sy de faire un recours, s’il estime qu’il a raison. Nous sommes dans un pays de droit. Aïssata (Tall Sall) a fait la même chose. Nous attendons la décision de la Cour suprême. D’après les informations que j’ai reçues, Aïssata a gagné et a bien gagné. Aujourd’hui, les Sénégalais ont l’impression que le pouvoir est en train de faire un forcing. C’est le cas à Guédiawaye.
On n’a pas noté de contestation dans cette localité que vous citez ?
Nous savons qu’à Guédiawaye, l’APR n’est pas majoritaire, mais, c’est plutôt l’AFP. Et puisque Malick Gackou a voulu être loyal jusqu’au bout à Moustapha Niasse, il a préféré se sacrifier en se retirant des élections locales. Certaines populations lui en ont même voulu. Mais on a l’impression que l’APR use de moyens financiers pour avoir une majorité de conseillers, ou bien il met pression, comme cela a été dit sur la Cour d’appel de Saint-Louis. Maintenant, le dernier mot revient à la Cour suprême qui, j’en suis convaincu, donnera la bonne décision.
Le juge Antoine Grégoire Diop devra statuer ce 18 août sur l’exception d’incompétence de la CREI. Comment appréhendez-vous le verdict ?
Je sais que les avocats de Karim Wade auront gain de cause. Nous l’avions dit depuis le départ, il ne devrait pas être jugé par la CREI. Mais, si le juge en décidait autrement, ce serait dommage. Depuis deux ans, le pays reste suspendu à un procès. L’économie du pays est bloquée, socialement et politiquement, rien ne va.
En quoi l’économie du pays est-elle liée à l’affaire de Karim Wade ?
Quand un pays traverse une situation de cette nature, les investisseurs ne viennent plus. Les commerçants, les travailleurs sentent qu’il y a un marasme économique dans ce pays. Quand, dans un pays, un nouveau régime déclare qu’il y a 4000, 6000 milliards volés et planqués dans des pays étrangers, vous vous lancez dans une chasse aux sorcières, vous faites fuir les investisseurs.
Quelle est la place de la bonne gouvernance dans tout ça ?
La bonne gouvernance, c’est lorsqu’on vous confie une société d’Etat, et qu’au terme de votre gestion, on procède à un audit pour voir si vous avez bien géré ou pas. Or, dans ce cas d’espèce, aucun centime appartenant aux Sénégalais n’est reproché à Karim Wade.
Pourtant la gestion de Karim Wade à l’ANOCI a été épinglée. Et le livre de Latif Coulibaly (Contes et mécomptes de l’ANOCI) l’a largement illustré ?
Vous savez que Latif Coulibaly n’est pas ma référence. Aujourd’hui, il a montré aux Sénégalais qu’il n’est pas une référence.
Vous faites un jugement de valeur. Moi je parle du contenu du livre de Latif Coulibaly.
Si lui (Latif) n’est pas une référence, son ouvrage ne peut pas l’être. On dit que Karim s’est enrichi. Comment s’est-il enrichi ? Quand on accuse quelqu’un d’avoir détourné 700 milliards, c’est-à-dire qu’il est parti avec la moitié du budget du Sénégal. Tous les corps de contrôle de l’Etat, y compris le ministère des Finances et le Trésor public devaient être poursuivis. Cela prouve qu’il n’a pas touché à un franc de l’argent de l’Etat.
On accuse Karim Wade d’avoir créé des sociétés avec des prête-noms, dont le plus célèbre est Bibo Bourgi
Ces sociétés dont vous parlez ont été créées dans les règles de l’art. Tout le monde sait que la famille Bourgi est milliardaire, bien avant la naissance de Karim Wade.
Pour vous Karim est blanc comme neige ?
Le jour où je constaterai qu’il coupable, je le combattrais. Tous ceux qui s’activent pour qu’on aille en procès travaillent à la perte de Macky.
Comment ?
On a arrêté Karim Wade dans les conditions que nous savons. Et c’était le cheval de bataille de Mimi Touré, car son objectif était de montrer aux Sénégalais qu’elle était présidentiable. Deuxièmement, il y a l’attitude de ses alliés dont la plupart étaient membres des Assises nationales et qui disaient que Macky Sall doit être un président de transition. Ils sont toujours dans ce schéma.
Vous vous êtes personnellement investi dans le dossier de Karim Wade avec d’autres personnalités comme Abdou Aziz Sy “Junior” pour qu’on n’en arrive pas à un procès. Etes-vous déçu aujourd’hui par la tournure des événements ?
Vous savez pourquoi je n’ai jamais voulu qu’on en arrive à un procès ? Parce que ce procès ne sera pas celui de Karim Wade, mais celui du pouvoir. Et ça entre dans la stratégie d’affaiblissement du régime de Macky Sall. Et c’est lui (Macky) qui va y laisser des plumes.
Pensez-vous que Karim Wade détient des informations compromettantes contre Macky Sall ?
Même si je le savais, je ne le dirai pas. Je sais que Karim est un homme d’Etat, il a été au coeur de l’Etat. Il ne peut pas ignorer un certain nombre de choses. S’il va en procès, il est obligé de dire tout ce qu’il sait.
Beaucoup de Sénégalais n’ont pas compris que le président n’ait pas rendu visite à son fils en prison, encore moins qu’il ne soit venu à son procès.
Il peut le faire à tout moment. Mais cela prouve tout simplement que Wade nous considère tous comme ses fils. Il a rendu visite à d’autres en prison. Ensuite, s’il avait pris une certaine posture, cela allait créer beaucoup plus de problèmes dans ce pays-là. Il a préféré avoir cette attitude de responsable et d’homme d’Etat.
Vous avez rendu visite à Karim Wade le lundi. Dans quel état d’esprit l’aviez vous trouvé ?
En excellente forme parce qu’il est sûr que la vérité va éclater.
Comment appréciez-vous la déclaration du président Macky Sall qui avoue avoir mis sous le coude des dossiers judiciaires concernant des dignitaires de l’ancien régime ?
C’est d’abord un problème de communication. De mon point de vue, il a mal communiqué sur cette question-là. Au fond, il n’y a rien qu’on peut nous reprocher. N’oubliez pas que le président de la République a des prérogatives qu’aucun Sénégalais n’a. C’est lui qui nomme à tous les emplois civils et militaires. Je peux avoir mille dossiers et que pour des raisons que je connais, moi, dire que je transmets tel dossier, je transmettrai tel dossier plus tard.
Vous reconnaissez donc que la justice agit à la tête du client ?
(Il coupe !) Il faut bien qu’on se comprenne bien. Engager une procédure et classer un dossier, ce n’est pas la même chose. On ne peut pas classer un dossier parce que tel est de votre camp. Si c’est le cas, c’est extrêmement grave. (…)
Idrissa Seck a lancé la plateforme de l’opposition. Le PDS se sent-il concerné ?
Cette question n’a pas été débattue au niveau de ses instances. Personnellement, je ne me reconnais que dans les initiatives lancées par Abdoulaye Wade. Mais je ne comprends pourquoi Idrissa Seck passe tout son temps à s’attaquer à Abdoulaye Wade et vouloir réunir la famille libérale ? Abdoulaye Wade est le père du libéralisme au Sénégal et en Afrique. Il n’a plus d’ambition politique ; il est donc tout à fait indiqué de rassembler la famille libérale. Mais qu’un autre prenne cette initiative, je suis contre. De plus, le chef de l’opposition ne se décrète pas. C’est à partir de critères précis que cela se définit.
Quels sont ces critères ?
Il y a d’abord la représentativité.
Idrissa Seck est quand même le leader incontesté de Thiès…
Oui, mais il n’est pas le leader incontesté de l’opposition. En termes de poids électoral, le PDS est le leader de l’opposition. Ce n’est pas parce que vous êtes rusé que vous êtes le chef de l’opposition. Maintenant, il peut arriver que pour des raisons stratégiques l’on vous désigne comme leader de l’opposition.
Est-ce qu’il n’est pas temps que Wade organise sa succession ?
Oui, c’est une réalité. Le PDS va perdre son leader, et il faut une équipe pour le remplacer. Mais il faut bien avoir un leader. Oui, il faut un secrétaire général du parti, mais il faut une équipe, surtout qu’il y a de fortes personnalités dans le parti.
Certains soupçonnent Wade de vouloir donner le parti à son fils.
On l’a soupçonné de vouloir donner le pouvoir à son fils. Donc, ce n’est pas surprenant.