AN 1 DE MACKY
LA RUPTURE A L'EPREUVE DU STATU QUO
Plébiscité » à plus de 65% des suffrages, le 25 mars 2012, devant le Président en exercice Abdoulaye Wade, Macky Sall accède à la magistrature suprême sous le signe de la « rupture » dans la gouvernance publique et d’annonces fortes sur la refondation de l’Etat, la diminution du coût de la vie, la rationalisation de l’administration et de la justice, la réduction du train de vie de l’Etat, etc.
Après une année de gestion de l’Etat marquée dans un premier temps par tout un semestre de quasi statu quo, les Sénégalais semblent se retrouver en face d’un régime qui se cherche encore une boussole, sans cap ni vision.
Voire d’un Président rattrapé par la réalité politique, en bisbille avec certains de ses alliés de la mouvance présidentielle et soucieux désormais de massification de son parti.
Elu quatrième Président du Sénégal indépendant, après deux tours d’une élection présidentielle qui consacre la fin de règne pour le vieux «Pape du Sopi», Me Abdoulaye Wade, MackySall inaugure une ère de fortes attentes de populations désabusées par une douzaine d’années de magistère libéral qui a fini de les précariser. Le nouveau chef de l’Etat, porté par une coalition BennooBokkYaakaar qui regroupe tous les vieux briscards de l’opposition politique sous Wade et des partis fortement inféodés dans l’électorat (Ps, Afp, Ld, Rewmi, Aj et cie), engage son magistère sous le signe de la « rupture », en somme de la « gouvernance sobre et vertueuse » et de la transparence, voire de la rationalisation de la gestion pour ce qui concerne les affaires de la République.
Bénéficiant d’un relatif état de grâce et surfant sur des vagues de popularité assez significatives, Macky s’engage à mener la barque Sénégal à bon port, en se fixant pour objectifs le redressement économique et social du pays et le renforcement de la démocratie, par l’entremise d’une refondation des institutions. La réduction de la taille du gouvernement qui est opérée par le nouveau chef de l’Etat se voudrait, dans cette dynamique, premier signe expressif de la « rupture » préconisée. Le gouvernement installé par le nouveau régime, le 03 avril 2012, est seulement fort de 25 départements ministères.
La suppression de plus d’une quarantaine d’agences nationales participe au même élan de rationalisation de la gestion de l’Etat. Et sous la dictée d’Abdoul Mbaye, le gouvernement s’engage dans un processus néanmoins « chaotique » de réduction du prix des denrées de première nécessité. Pour cause, la baisse annoncée des prix à la consommation, peu suivie par les détaillants, ne parvient guère à soulager la bourse des citoyens sénégalais, largement rognée par le coût élevé de la vie. Pis, rattrapé par les avatars de la politique, l’attelage gouvernemental est ramené à une trentaine de membres, occasionnant par là interrogations et inquiétudes de citoyens qui soupçonnent une sorte de pilotage à vue, dans l’action gouvernementale.
Même si les raisons annoncées, de la part du régime, font état d’une recherche de l’efficacité gouvernementale. La suppression du Sénat, sous le diktat des inondations, après tout une levée de boucliers de certains alliés du Président sur l’utilité de la chambre haute du Parlement, ne parvient guère à lever les suspicions qui accompagnent l’action de MackySall. Un chef d’Etat qui s’engage pourtant à réduire son mandat présidentiel de sept à deux années et à amorcer une réforme institutionnelle en profondeur, afin de refonder l’Etat du Sénégal pour le conformer à l’évolution démocratique du pays.
Sans cap ni vision, le régime de MackySall semble de fait s’enfermer dans une sorte de statu quo qui contrecarre la dynamique de rupture annoncée, tout au long du premier semestre de mandat du nouveau Président. En l’absence d’un schéma établi de gouvernance en conformité avec les urgences de développement institutionnel du pays comme de lutte contre la précarité ambiante, voire de résolution des problèmes sociaux (crise de l’école, meilleur accès aux soins de santé, politique efficace d’emploi…), le nouveau régime s’enferme dans le pilotage à vue et l’approximation, au grand dam de citoyens désabusés.
Les premières critiques de l’action gouvernementale pointent le bout du nez, de la part même des alliés du Président. Rewmi d’IdrissaSeck, le mouvement Y’en a marre, le M 23 new look entrent presque en bisbilles avec Macky et son régime.
RETOUR DES VIEUX DEMONS ?
Face aux divergences qui petit à petit menacent d’implosion la mouvance présidentielle, et à l’approche des élections locales appelées à reconfigurer le paysage politique sénégalais, MackySall opère pratiquement un revirement sensible de sa posture.
La « rupture » rangée au placard, au plan politique, la massification de l’Apr prend le pas sur la gouvernance dite « vertueuse », selon des observateurs de la scène politique.
Les directeurs de sociétés publiques sont sommés, sans ménagement de gagner leur localité sous peine de perdre leur poste.Le Palais présidentiel devient une sorte d’officine de l’Apr (parti au pouvoir) alors que l’omniprésence de la famille du chef de l’Etat au cœur de la République est décriée par tous les opposants.
Pis, la transhumance, cette gangrène du corps politique sénégalais, est remise au goût du jour par l’Apr qui débauche, sans discernement dans l’ancien parti présidentiel (le Pds). Les Sénégalais qui ont élu Macky, le 25 mars 2012, assistent médusés au réveil des vieux démons qui éclaboussaient la pratique politique en vigueur avant la seconde alternance politique au sommet de l’Etat.
L’incurie interfère même au sein de la traque des biens mal acquis, cette demande citoyenne et sociale. Sous le jeu d’une communication gouvernementale baignant dans une cacophonie notoire, la médiation pénale est postulée pour recouvrer les deniers publics présumés spoliés par d’anciens dignitaires libéraux.
Moins d’une année après son élection à la tête de l’Etat, MackySall semblait ainsi remettre le citoyen sénégalais en phase avec la realpolitik. Un citoyen néanmoins armé d’une culture politique plus affirmée, à l’épreuve de la pratique et des contextes électoraux.