10 MILLIARDS SOUS LES DÉCOMBRES À REBEUSS
ARRÊT DES TRAVAUX DU CENTRE KAWSARA
Bloqué en faveur de l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, le projet Kawsara qui devait employer plusieurs centaines d’ouvriers sénégalais, est toujours en latence. Les promoteurs qui ne comprennent toujours pas l’attitude de l'Etat à leur endroit, s’offusquent de la décision prise par Macky Sall et Cie d’arrêter tous travaux sur le site. D’ailleurs, ils assimilent l’attitude de l’Etat a du «Wakh Wakhéte».
«Les hommes politiques passent mais les institutions demeurent». Cette maxime bien que populaire, Macky Sall et Cie semblent ne pas y trop attacher d’importance. Sinon comment comprendre que l’Etat puisse revenir sur sa signature. Alors même que son prédécesseur à la tête du pays avait donné son feu vert en décidant d’octroyer le terrain en un bail de 99 ans, transformable en titre foncier aux promoteurs sénégalais et chinois. «On connaissait le «Wax Waxeet» des hommes politiques mais pas celui de l’Etat», renseigne Abdoul Khadre Konaté, architecte du projet Kawsara qui s’interroge sur la crédibilité de l’Etat du Sénégal et sur ses conséquences. Pour ce dernier, prés de 10 milliards ont été mobilisés depuis la phase initiale du projet jusqu’à son arrêt momentané. Celui-ci pourrait impacter négativement sur la coopération et les relations diplomatiques sino-sénégalaise. «Ce projet qui a eu tous les accords est en phase d’exécution. Tout est en train de se dérouler sur le site avec des investissements assez conséquents depuis sa phase initiale», a-t-il expliqué.
CREATION D’EMPLOIS. La bête noire du régime actuel de Macky Sall, tout comme celle des autres régimes qui l’ont précédé. Pourtant, à travers l’ambitieux projet Kawsara, le chef de l’Etat pouvait trouver une bonne opportunité en termes de création d’emplois et d’opportunités d’investissements de la part d’opérateurs économiques sénégalais, en partenariat avec des opérateurs chinois. Un recrutement de 150 postes (30 manœuvres, 30 ferrailleurs, 8 soudeurs, 50 Maçons qualifiés, 30 charpentiers, menuisiers, coffreurs, 2 standardistes-vendeuses) ont ainsi été prévus pour les populations de Rebeuss ayant une certaine qualification. En plus des impacts non induits en termes de création de richesse, la partie chinoise a mis en contrepartie plusieurs projets.
LES CONTREPARTIES CHINOISES. Avec l’érection du projet Kawsara, l’Etat du Sénégal avait exhorté les opérateurs économiques sénégalais, en partenariat avec une société d’Etat chinoise (CEIES) et des privés chinois et portée par une société de droit Sénégalais ACCI (African Compagny for Constructions And Investments), de réaliser quelques infrastructures en contrepartie. A part les réalisations des études architecturales, techniques, financières et de marché de faisabilité, ACCI a effectué la réfection du stade Me Babacar Seye avec la pose du gazon synthétique ainsi que le drainage des eaux pluviales pour un coût de 200 millions. De même, un terrain a été aménagé à l’école de Rebeuss en substitution, avec toutes les commodités (salle de réunion, vestiaires, sanitaires, logement gardien et sanitaires pour l’école). La pose de gazon synthétique est même prévue. Les études architecturales pour la réalisation d’une arène municipale dans les sites du technopole ou prés du stade Léopold Sédar Senghor, sont terminées sans compter la réhabilitation du site du lycée Lamine Gueye…
TRAVAUX ARRETES A CAUSE DE KARIM WADE. Estimé à plus de 135 milliards de francs CFA, le projet a été arrêté sans aucune explication. Le projet Kawsara, qui pèse 130 milliards de FCFA, a été relifté. Il comprend outre un immeuble de 30 étages, quatre autres immeubles de 28 à 30 étages à usage de bureaux et des appartements. Il y est aussi prévu un centre de conférence ultra-moderne et deux niveaux de parking de 1500 places. «Un commissaire de police est venu trouver les ouvriers dans le site pour leur demander d’arrêter les travaux jusqu’à nouvel ordre. Cela a coïncidé avec un jour de vendredi où Macky Sall était venu prier à la mosquée omarienne», a-t-il pesté. Quelques jours après, les promoteurs chinois et sénégalais s’en sont ouverts aux forces de sécurité pour une notification écrite. Toujours rien. D’après les investigations des promoteurs, les nouvelles autorités ont pensé qu’avec la traque des biens mal acquis contre les dignitaires de l’ancien régime, Karim Wade et son père pouvaient être impliqués dans le projet. L’avenir semble montrer que le projet est financé par des partenaires privés et jusqu’à présent, aucune trace d’argent provenant de l’Etat du Sénégal ou des hommes précités n’ont été détectés par les différents corps de contrôle de l’Etat.
«DOING BUSINESS». Certes, si l’arrêt des travaux n’est pas définitif, M. Konaté, l’architecte de projet, soutient qu’ils ne veulent pas de bras de fer avec l’Etat du Sénégal mais comptent défendre leurs intérêts. Pour lui, «les autorités ne doivent pas s’étonner du dernier rapport Doing Business, lequel avait vertement critiqué l’environnement des affaires au Sénégal. Ce qui a fini par faire monter dans leurs chevaux les autorités étatiques qui contestent avec véhémence ce rapport». Mais pour l’architecte, «cet arrêt du projet en est une parfaite illustration et donne une mauvaise perception de l’environnement des affaires eux potentiels investisseurs. D’autant qu’avec la mondialisation, les informations sont transversales et les autorités diplomatiques rendent compte à leur pays d’origine». Pour étayer ses propos sur l’image négative de l’Etat aux investisseurs, M. Konaté de pointer du doigt l’affaire Dangoté-fils et les héritiers de feu Serigne Saliou Mbacké. Le milliardaire nigérian aurait déjà investi plus de 33 milliards dans le site, sans compter les 135 milliards prévus pour Kawsara. Toutes choses qui font dire que l’environnement des affaires au Sénégal est loin d’être nickel.
Les promoteurs qui s’attendent à un dénouement heureux de cette affaire, sanctionné par la reprise des travaux, brandissent des papiers en bonne et due forme. «Un terrain en bail pour 99 ans, une autorisation de construire, élu au code des investissements, sans compter un protocole avec le ministère des Finances, lequel le suspend de certaines taxes», liste notre interlocuteur. Un ensemble de preuves que l’Etat du Sénégal semble fouler du pied, sans aucune autre forme de procès.