AUDIO20 ANS D’AJUSTEMENTS OU LA ''DOCILITE'' D’UN ETAT VIS-A-VIS DU FMI ET DE LA BM
EXCLUSIF SenePlus : LES REFLECTIONS D'ABDOU FALL SUR LES ANNEES DIOUF, 1981 - 2000
Libéralisation non contrôlée et le désengagement de l’Etat des secteurs sociaux ont conduit les citoyens à développer d’autres formes de réseaux de solidarité sous les années Diouf, marquées par une grande ''docilité'' de l’Etat vis-à-vis des institutions de Bretton Woods. Cette analyse est d’Abdou Fall, le leader du mouvement politique citoyen'' Alternatives Citoyennes / Andu Nawle'' (ACAN) et ancien ministre d'Etat dans l'administration Wade. Deuxième partie de la série d'interviews accordées en exclusivité à SenePlus.
Les années de gestion du pouvoir par l’actuel président de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le président Abdou Diouf ont été marquées par des programmes d’ajustements structurels imposées par le Fonds (FMI) monétaire international et la Banque Mondiale (BM). Mais si ces programmes étaient ''nécessaires'' dans une certaine mesure, il aurait fallu tout de même les conduire autrement. ''Autant les ajustements étaient nécessaires, autant ils devaient être gérés en tenant compte de la dimension sociale'' car, ''on ne répètera jamais assez, le progrès social est la condition et le moteur du développement économique '' estime Abdou Fall qui évoque cette époque en parlant de ''docilité de l’Etat par rapport aux politiques imposées par le Fmi et la Banque mondiale''.
Cette docilité du régime de Diouf vis-à-vis des institutions de Bretton Woods a eu comme conséquences le désargentement de secteurs clé comme celui de la santé, de l'éducation, des services sociaux, etc. Le citoyen se sentant délaissé s’est ''cherché d’autres réseaux de solidarité'', notamment religieux, estime Abdou Fall, cet ancien militant de la gauche notamment du RND de Cheikh Anta Diop et du PLP de Babacar Niang. De ce désengagement de l’Etat, on se rappelle, s’en est suivie la mise au chômage immédiate de nombreux travailleurs suite à des licenciements dans plusieurs secteurs.
Même les acteurs culturels avaient beaucoup souffert à cette période. Cheikh Ngaido Bâ, président de l’Association des cinéastes du Sénégal, dans un entretien , accordé en 2010, à l'ex hebdomadaire économique Perspectives, accusait directement le FMI et la Banque mondiale d’être des fossoyeurs du cinéma africain, en référence au désengagement des Etats vis-à-vis du septième art.
Selon Abdou Fall, toutes les fois que l’Etat abandonne sa ''mission d’organisation de la solidarité nationale, les citoyens ont développé des réflexes de construction de nouveaux réseaux de solidarité : solidarité identitaire, solidarité communautaire, solidarité religieuse''. Ceci a été plus qu’évident pendant le magistère du président Diouf. ''On se rend compte que c’est dans cette période qu’il y a eu un regain des mouvements religieux à connotation politique'', analyse Abdou Fall.
Même si à l’arrivée, on a pu ''redresser les grands agrégats économiques'', il n’en demeure pas moins que les conséquences sociales de ce diktat des institutions financières internationales ont été lourdes de conséquences notre économie et notre société".
C’est ''l’effet conjugué de toutes ces politiques de renoncement qui ont créé les conditions de l’alternance en 2000''.
En effet, l’alternance est venue dans un contexte où le tissu social s’était complètement déchiré et l’Etat s’est retrouvé face à une demande sociale extrêmement forte qui n’a pas été prise correctement en charge et qui malheureusement attend toujours.
Rejetant les lectures caricaturales de l'histoire, Abdou Fall prône une approche historique équilibrée des questions et essaye de voir ce qu’il y a de plus positif dans le parcours de chacun des quatre présidents dont il analyse les années au pouvoir pour SenePlus.
De ce point de vue, le chef de file d'ACAN admet que Abdou Diouf a été "un prolongement de Senghor qui, lui, avait inscrit son projet politique dans le cadre d’un monde dit libre, en partenariat privilégié avec la France au plan politique et économique''.
Cela dit, il est important de noter que l'action de Diouf a créé les conditions pour qu'Abdoulaye Wade hérite "d’une démocratie consolidée, d'un Etat fort, une administration respectable et respectée et de bases macroéconomiques assainies'', reconnait Abdou Fall qui rappelle la fameuse formule : ''Les indicateurs étaient tous au vert''. Et cela est certainement l'une des grandes contributions du président Diouf.
Abdoulaye Wade fut l'allié d'Abdou Fall pendant quatorze années. Demain SenePlus.Com poursuit son périple au cœur de l’exercice du pouvoir avec Abdou Fall qui livre ses analyses sur les 12 ans de pouvoir de Me Wade : ses prouesses mais aussi de "ces péchés" qui l’ont fait s’écrouler au soir du 25 mars 2012.