2050, DAKAR COMME NEW YORK…
1960-2010 : 50 ans. L’âge mûr pour un homme. L’âge de raison pour une nation. Tout est question d’échelle !
Les chiffres ronds, les dates clé, les tournants repère sont souvent l’occasion de faire des bilans, de dresser des perspectives, de prendre de bonnes résolutions et de se projeter dans un avenir proche ou à moyen terme.
A l’occasion du cinquantenaire de l’accession à la souveraineté nationale, de nombreux analystes se penchent sur la question, défont et refont les années post indépendances, donnent leur lecture des grands virages historiques avec le recul que permet et légitime le temps.
Les témoins des grands événements donnent leur éclairage dépassionné, « décorrelé » de l’urgence et de l’actualité brûlante. Des indépendances (cha cha !) au naufrage du Joola (dont le bilan fut plus lourd que le Titanic même si moins retentissant comme si la valeur de la vie humaine pouvait être différente d’un hémisphère à l’autre), beaucoup de jalons ont ponctué la vie de la jeune nation Sénégalaise.
En l’an 2000 Dakar comme Paris. La prophétie du Président Senghor est caractéristique de son époque et de son contexte. Celle de l’euphorie un peu naïve aux relents de liberté retrouvée, partagée par nombre de pays, frères de misère. Les Cassandre diront qu’elle a fait long feu… Restons optimistes, disons juste que cette prophétie s’est en partie réalisée… si on prend comme repère Paris… en 1960.
L’exercice que je vous propose est de nous projeter dans un horizon plus lointain, dans cinquante par exemple, à un moment, où, la nature étant ce qu’elle est, nombre d’entre nous serons ailleurs et je le souhaite à tous, du bon côté. Prenons également un parti pris : celui de l’optimisme, de l’afro enthousiasme, des rêves et des espoirs fous…
Abdourahmane Waberi, mon talentueux confrère de la corne de l’Afrique titrait dans un de ses récents romans : Les Etats-Unis d’Afrique. Ce vieux fantasme aux accents de revanche a trouvé écho dans un film fiction d’un réalisateur non moins rêveur, qui met en scène une Afrique toute puissante, à la porte de laquelle tapent de nombreux migrants Blancs et qui se verraient confier des métiers subalternes. Et si ce jour était pour 2060 ?
Chaussons donc nos lunettes spatio-temporelles pour un petit saut dans le futur à la manière de Spielberg.
2020. A la faveur d’une alternance démocratique, un nouveau président jeune et instruit prend les rênes du pays. Il a quarante ans, de l’ambition pour son pays plus que pour lui-même et sa famille. Pas de chasse aux sorcières : il s’entoure de personnes compétentes de quelque bord soit elles, sur un mandat clair avec obligation de résultat. Ses réformes sont longues, profondes, douloureuses mais il s’y tient, sûr qu’il est d’être sur le bon chemin. Il n’a pas le temps en sa faveur, il le sait, lui qui est élu pour un mandat de cinq ans. Mais les citoyens, conscients du pouvoir de leur bulletin de vote, lui renouvellent leur confiance pour un deuxième mandat plafonné, sous réserve de bons résultats économique et sociaux. Il le sait, les acquis démocratiques sont irréversibles. Ils le savent, plus aucun dirigeant ne pourra désormais les prendre pour de la chair à canon électorale dont les préoccupations sont oubliées au soir des résultats pour être brandies à nouveau à peine époussetées dans le programme suivant à deux mois des nouvelles échéances.
2030. Le pays est enfin nettoyé de tous les maux qui rendaient impossible son essor et qui avaient pour nom, népotisme, gabegie, abus de pouvoir, abus de biens sociaux, abus en tout genre. Les corrupteurs sont mis au pilori. Les étrangers sont les bienvenus mais seulement s’ils ont leur pierre à apporter à l’édifice ou à l’étai de la Nation. Ceux qui viennent chez nous en terrain à conquérir pour s’enrichir et repartir les poches pleines seront boutés dehors sans ménagement et déclarés pour toujours persona non grata. La Diaspora, confiante, reviendra au pays, enrichie de son expérience et gardant la même ardeur au travail dont elle a fait montre ailleurs.
2040. Le Sénégal aura fini de manger son pain noir. De pays émergeant, nous passerons à un pays industrialisé, avec de vraies les infrastructures : routières, sanitaires, de l’éducation. Nos compatriotes auront investi le tourisme, à la place des grands groupes hôteliers mondiaux et bénéficieront enfin des mannes du secteur sans qu’elles soient consolidées dans des bilans du Cac 40ou de NYSE, en laissant des miettes aux nationaux sous-payés. Nous transformerons enfin nos ressources halieutiques et les vendrons au prix juste. Nous réinventerons le commerce équitable en n’étant plus juste qu’un hypothétique bénéficiaire ou un argument marketing pour pousser le consommateur occidental à acheter en déculpabilisant.
2050. Dakar comme New York… en 2050, mais sans la violence, sans l’indifférence. La prospérité est enfin à nos portes car nous aurons su exploiter et transformer nos propres ressources humaines (et Dieu sait qu’on en a), mais aussi minières, aurifères, agricoles etc. Le combat n’est plus à l’urgence mais à l’épanouissement social de chaque citoyen.
2060. Nous aurons somme toute inventé notre propre modèle de développement. Basé sur nos valeurs et avec pour socle notre Histoire, nos civilisations riches et colorées. Mais aussi nos errements et nos insuccès dont on aura définitivement tiré leçon. Enfin réconciliés avec nous-mêmes, nous aurons gommé définitivement les stigmates de la colonisation et parlerons à l’ex puissance comme à un pair.
Ceci n’est qu’une fiction. Peut-être ne serais-je plus là pour voir ces prophéties d’écrivain naïve se réaliser ou pas. Mais c’est en tout cas tout le mal que je souhaite à notre Cher Pays.