ABDOUL MBAYE ROMPT LE SILENCE
LOBBY MIMRAN - DIFFÉREND AVEC L'ANCIEN MINISTRE DU COMMERCE - SON LIVRE - SES AMBITIONS POUR LE SÉNÉGAL...
Pour la première fois depuis son départ du gouvernement, le Premier ministre du Sénégal du 3 avril 2012 au 1er septembre 2013 rompt le silence. Dans cet entretien accordé de façon concomitante à nos confrères de Libération et L’Observateur, Abdoul Mbaye revient sur son passage à la Primature, l’expérience qu’il s’y est forgé, la méthode de travail du gouvernement d’alors, les obstacles auxquels il a fait face, le passif dont le nouveau pouvoir a hérité.
Abdoul Mbaye qui pense que les problèmes hérités de l’ancien régime ont été sous-estimés revient sur les premiers mois d’expérience au pouvoir. Il parle aussi de sujets qui ont fait l’actualité à l’époque où il trônait au neuvième étage d’où de puissants lobbies ont cherché à le dénicher. Le chef du premier gouvernement d’après-Wade revient sur ces épisodes de bras de fer avec les meuniers, la parenthèse du Comité internationale olympique (CIO), reparle de la crise universitaire et jette un regard sur la société sénégalaise dans son ensemble...
Vous êtes resté bien silencieux depuis neuf mois. Pourquoi avoir choisi de rompre le silence maintenant ? Et de le faire sous le format d’un livre qui est paru dernièrement, “SERVIR” ?
Je sais qu’au Sénégal, par tradition, quand on quitte une fonction, l’habitude est d’occuper les médias, de rester sous les feux de l’actualité. Tel n’a pas été mon choix, pour une première raison essentielle. Il était important que je ne gêne pas l’action de mon successeur et du gouvernement qui a été mis en place après mon départ. Je m’étais fixé une période de total silence, jusqu’au 31 décembre 2013, sans prendre l’engagement de m’exprimer au-delà de cette date.
Par contre, entré dans la période de propos possibles, j’ai choisi de ne m’exprimer que sur la base de choses concrètes. J’avais pris, pendant cette période d’hibernation et de réflexion, la décision de rédiger un ouvrage pour rendre compte de mon activité à la tête du gouvernement, également de contribuer avec des amis à la création d’un club de réflexion.
Et c’est parce que sur ces deux dossiers, j’ai pensé qu’il y a eu des réalisations, que je choisis aujourd’hui de m’exprimer. J’ai pris l’habitude d’être plutôt concret, d’évoquer des choses réalisées, plutôt que de simples projets. En la matière, nous sommes entrés dans une phase active pour la création du club et l’ouvrage lui-même a déjà été publié (...)
Ce livre ne constitue-t-il pas une sorte de programme pour un Premier ministre qui n’a pas eu le temps de finir le travail...
Il est certain qu’il y a des choses qui ont été engagées et qui n’ont pas été terminées. Il y a également des choses qui auraient dû être engagées et qu’on n’a peut-être pas eu le temps d’entamer, mais je crois qu’il était surtout question de rendre compte de ce que j’avais fait à la tête d’une équipe gouvernementale.
Ce n’est pas l’œuvre d’Abdoul Mbaye qui est écrite, c’est l’œuvre de deux gouvernements qui se sont succédé et que j’ai eu l’honneur de diriger pendant 17 mois. Mais je crois qu’il vaut mieux mettre l’accent sur ce qui a été fait, plutôt que sur ce qui aurait pu être fait (...).
Quand on est Premier ministre, on n’est jamais dans une fonction où on a la certitude de pouvoir tout dérouler. On est dans une fonction incertaine et l’important, c’est de fixer le cap, fixer le cap dans le cadre d’une vision qui est celle du président de la République, qui définit la politique de la Nation.
Décliner cela en différents projets, en instructions simples, en plans d’action et se mettre au travail. Le plus rapidement possible ! Je crois qu’il était également important, puisque j’ai quitté les fonctions de manière tout à fait normale, (...) de montrer la vitesse à laquelle nous allions, pour que demain comparaison puisse être faite.
Peut-on alors prendre votre livre “Servir” comme quelque chose qui annonce un programme de campagne pour une éventuelle participation à une élection présidentielle ?
Non, ce n’est pas un programme de campagne. Un programme de campagne, c’est la description de la manière de mettre en œuvre des promesses de campagne, des engagements de campagne. Donc cela ne peut pas être un programme de campagne. On est plutôt dans l’application de promesses de campagne et ces promesses de campagne étaient dans le programme de Monsieur le président de la République, le Président Macky Sall. Donc on est vraiment dans le cadre post campagne, on ne prépare pas une campagne.
Vous dites que vous n’aviez pas le choix sur les hommes pour former votre gouvernement, pourquoi alors avoir accepté, à l’époque, le poste de Premier ministre ?
Écoutez, avant d’occuper les fonctions de Premier ministre, j’ai été mis en position de détachement à plusieurs reprises, en tant que fonctionnaire de la Banque centrale, pour diriger des banques qui étaient en difficulté. Cela a commencé avec la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS), ensuite il y a eu la BIAO (Banque internationale de l’Afrique de l’Ouest) qui est devenue la CBAO (Compagnie de banque de l’Afrique de l’Ouest).
Il y a eu ce qui a été plus une institution financière qu’une banque, la SOGECA (Société de garantie et de crédit automobile). Et enfin la Banque sénégalo-tunisienne (BST). A chaque fois, je me suis adapté avec le personnel que j’ai trouvé. Il faut pouvoir être en mesure de composer avec des personnes compétentes que vous trouvez...
Excusez-nous, mais le personnel d’une banque est différent du personnel politique
On parle de principes. Évidemment comparaison n’est pas raison et vous n’avez pas tort de le souligner, mais on évoque des principes. Il est toujours possible de travailler avec des personnes que vous n’avez pas vous-même choisies. C’est ce que je veux dire. Par contre, il est important également de pouvoir porter une appréciation, après s’être donné le temps de travailler avec ces mêmes personnes. Et je me suis même permis parfois d’attirer l’attention du président de la République sur quelques problèmes qui pouvaient exister au niveau de quelques départements.
Des exemples, pour être plus concret ?
Vous n’allez pas me faire donner ce genre de précisions, c’est évident. Nous sommes dans la totale confidentialité. Mais, j’ai pris ma fonction comme celle d’un coordonnateur. Il me revenait aussi parfois d’impulser, de pousser. Il est arrivé parfois que ce soit plus difficile dans certains départements que d’autres. Mais seul le président de la République a été informé de mon opinion sur ces différences et sur les aménagements éventuels à apporter.
Ne pensez-vous pas que votre méthodologie de travail ait été remise en question, puisque dès votre départ, l'on a émis le vœu d'accélérer la cadence ?
Je crois très sincèrement qu’il était important, dès lors que le Sénégal avait, pour la première fois de son histoire, un Premier ministre qui non seulement venait du secteur privé mais n’était pas fonctionnaire, d’apporter quelque chose. Et ce quelque chose, je l’ai très vite identifié comme de la méthode. La méthode du secteur privé qu’on pouvait peut-être appliquer à l’administration. C’est pourquoi, dans le livre, j’insiste sur cet aspect, une méthode qui prend en compte une vision, celle du président de la République.
Une vision qui elle-même est suffisamment détaillée, puisqu’elle a donné lieu à l’élaboration d’un programme. Un programme qui régulièrement est complété par des instructions présidentielles ; et à partir de ces éléments de base, il était évidemment essentiel de déterminer des plans d’action; de véhiculer des instructions et de veiller au rythme de mise en œuvre de ces instructions (...).
Comme je l’ai décrit dans le livre, tous les mois, ils étaient tenus de rendre compte du niveau d’exécution des instructions qui leur avaient été données. Un rapport de synthèse était fait, analysé au niveau de la Primature, mais également transmis à Monsieur le président de la République.
Personnellement, je pense très sincèrement que ce fut une bonne chose. Dès lors que c’est apprécié comme une bonne chose, vous accepterez que je me soucie du maintien de cette méthode de fonctionnement au niveau de l’administration.
Je pense que ce fut très apprécié. Il y a eu une véritable dynamique autour de cela et on le vivait au niveau de la Primature. Quand la fin du mois approchait, il y avait une sorte d’accélération dans le souci de faire aboutir certaines instructions ; et au niveau des ministères, c’était exactement pareil. J’ai eu des ministres qui sont venus me dire : “Il y a du rouge là, il faut que je le réduise.” C’était beau.
Pensez-vous qu’il y a eu rupture ou continuité par rapport à ce que vous décrivez. Qu’est-ce qui a changé ?
Nous sommes en train de parler de méthode de travail, c’est très interne. Je n’ai plus assisté à un conseil interministériel (...).
Mais vous restez informé. Que vous dit par exemple votre observation de la situation globale du gouvernement dans la façon dont il fonctionne ? Y a-t-il effectivement accélération de la cadence ?
Ce n’est peut-être pas à moi d’apprécier. Je crois que le livre, aujourd’hui, existe. Probablement, il y aura d’autres comptes-rendus par d’autres personnes et la comparaison sera faite par les observateurs. Moi, je suis juge et partie, je ne peux rien dire.
Aujourd’hui, certains parlent de pilotage à vue dans la manière de gérer les affaires de la cité. Partagez-vous ce point de vue ?
Je ne vais pas porter d’opinion, en plus négative, sur un successeur en fonction, qui fait de son mieux. Je suis convaincu que Madame la Première ministre est en train de faire de son mieux pour conduire cette équipe gouvernementale. Il ne faut pas compter sur moi pour lui faire une critique aussi sévère. Je pense que le président de la République suit, apprécie, compare sans doute.
Puisque non seulement lui-même a été Premier ministre, il a eu à travailler avec un Premier ministre, avec un deuxième Premier ministre désigné par lui, il lui appartiendra, le moment venu, d’apprécier et de prendre ses décisions. Ce n’est pas à moi de dire : je suis parti et rien ne marche plus.
Est-ce que Abdoul Mbaye, au vu de son expérience à la Primature, est piqué par le virus du pouvoir?
Virus du pouvoir, non, de l’ambition peut-être. A chaque fois qu’on me confie une mission, quelle qu’elle puisse être, c’était le cas quand on m’a demandé d’assurer les finances de la Fédération sénégalaise de football, c’était le cas quand on m’a porté à la tête de la Fédération sénégalaise d’athlétisme, c’était le cas quand on m’a confié des banques, quand on me confie une mission et que je l’accepte, je m’y donne à fond.
Il semble quand même qu’il y ait une certaine ivresse à diriger les hommes. Et les hommes politiques, quand ils l’adoptent, ont du mal à s’en débarrasser.
Je ne suis pas dans cette démarche d'un obsédé du pouvoir. J’ai pris beaucoup de plaisir à exercer cette fonction de Premier ministre. Ça m’a coûté, en efforts, en heures de sommeil manquées etc., mais j’ai pris beaucoup de plaisir, parce que j’avais ce fort sentiment de pouvoir être utile à une échelle beaucoup plus large que celles qui avaient pu être les miennes avant. Avant d’occuper cette fonction, j’avais le sentiment de pouvoir être utile à mes compatriotes.
Etes-vous dans les mêmes dispositions, si demain on vous demandait de revenir?
Non, je ne crois pas. Je crois que j’ai fait ma part du job et il faut que j’entrevoie autre chose et cette autre chose, c’est ce dont je parlais. D’abord être didactique sur ce que j’ai fait, ça peut servir. Et je dois d’ailleurs vous avouer que les meilleurs jugements que j’ai reçus, au-delà de ceux de Monsieur le président de la République lui-même, venaient des hauts fonctionnaires et ils ont apprécié cette méthode. J’ai écrit pour la rendre publique et espérer que d’autres, peut-être, pourront la mettre en œuvre.
Voilà ce que j’ai donné; j’ai donné de moi-même, j’ai donné beaucoup d’efforts. Je pense être parvenu parfois à des résultats, des résultats importants, en tout cas bien appréciés par mes compatriotes. On a mis fin à mes fonctions, maintenant, je tourne la page et je cherche autre chose, sans cesser d’essayer de rester utile à mon pays et, par le biais de la création de ce club.
Vous avez choisi d’occulter certains sujets dans votre livre, notamment les relations heurtées qu’on vous a prêtées avec certains de vos ministres, l’ancien ministre du Commerce par exemple.
Vous avez des relations de travail avec les membres du gouvernement. Un gouvernement, c’est un instrument collégial, vous travaillez ensemble, vous avez les mêmes objectifs, vous les partagez et il y a une responsabilité de coordination qui me revient et de relation privilégiée avec le président de la République.
M. Malick Gackou a été ministre du Commerce. Vous évoquez des relations heurtées avec le ministre du Commerce, mais il a été ministre des Sports avant cela. Il n’y a jamais eu de problème avec le ministre des Sports. Avec le ministre du Commerce, Malick Gackou, il y a eu peut-être un petit cafouillage à la limite très léger.
C’est un cafouillage qui était né de l’arbitrage sur les prix de la farine, mais l’essentiel était de mettre en œuvre la décision du président de la République. Retenez qu’il était hors de question que le prix de la farine augmente. Parce que tout simplement, au-delà de conséquences sociales, politiques, etc., l’augmentation du prix de la farine et probablement celui du pain, des analyses objectives qu’on a pris le temps de mener montraient qu’il n’était pas nécessaire d’augmenter le prix de la farine et que les meuniers continuaient à bien gagner leur vie.
Il n’y avait pas précipitation en la matière. Nous avions même fait dans la prospective et les prix du blé allaient entrer dans une phase descendante au-delà des premiers mois de l’année qui suivait. Résultat des courses, avec le ministère du Commerce, celui de l’Economie et des Finances, sous la coordination de la Primature, nous avons réussi à bloquer les prix de la farine. C’est cela qui est important.
Au-delà de la volonté de baisser les prix de certaines denrées, d’aucuns ont vu dans votre différend avec Malick Gackou une guerre contre le groupe Mimran Qu’en est-il?
Bon, les gens voient ce qu’ils veulent. Malick Gackou avait ses amis, moi aussi j’avais les miens. L’un de mes meilleurs amis est meunier, il s’appelle Ameth Amar, cela ne m’a pas empêché de défendre l’intérêt général et surtout d’exécuter une instruction du président de la République, qui était totalement justifiée. La totale similitude de vue entre un ministre et un Premier ministre n’est pas une règle observée à cent pour cent.
Il arrive qu’il y ait des différences de conception, des différences de vue. On échange, on s’entend. Si on ne s’entend pas, on recourt à l’arbitrage du président de la République ; et c’est ça qui est important. Au bout du compte, quand la décision est prise, quand il faut présenter le décret ou prendre un arrêté, c’est le ministre qui signe, donc il est d’accord.
En définitive, ne regrettez-vous pas d’avoir engagé un bras de fer qui a quelque part précipité votre départ ?
Je ne partage pas votre opinion. Très sincèrement, je pense que ce différend avec le groupe (Mimran) et d’ailleurs... ( il ne termine pas sa phrase)
C’est un lobby puissant...
Oui. Bon c’est un lobby puissant, c’est vrai, mais pour moi l’intérêt général est plus puissant.
Un lobby puissant qui a la capacité de vous emporter
Oui, mais je pense très sincèrement qu’il n’y a pas eu ce pouvoir. C’est vrai que j’ai empêché certains bénéfices de se faire sur la base de prix qu’on pouvait présenter comme excessifs, mais je pense également que je connais M. Mimran, j’ai été quand même son collaborateur ; c’est un homme juste et quelle que peut être sa souffrance par rapport aux pertes de résultats, les arguments que j’avançais étaient difficiles à réfuter. D’ailleurs, je rectifie, je n’ai pas eu à me battre contre le secteur informel, au contraire. Le secteur informel a été d’une grande contribution pour la baisse du prix sur le sucre, puisqu’on lui a ouvert la porte aux importations de sucre.
Certes vous avez travaillé avec les commerçants et industriels mais une partie de l’Unacois n’était pas d’accord avec votre décision.
On a commencé par travailler avec le groupement qui est venu à nous pour nous dire : il est possible de baisser le prix. Nous avons échangé avec ce groupe, nous sommes tombés d’accord, nous avons signé une convention avec eux et nous avons tout de suite dit qu’il s’agit d’une convention ouverte. Et dans la définition des critères qui devaient permettre l’accès aux autorisations d’importations, les critères ont été objectifs et tout le monde pouvait y accéder, sous le respect de certains critères ?
D’ailleurs, à ce sujet, il y a eu ce dérapage que j’évoque également dans le livre. Parce que la porte s’est ouverte et, malheureusement, les opportunités d’importations ont fait que certains appétits se sont manifestés et il y a eu très sincèrement un problème dans la gestion des importations de sucre.
Et cela a gêné à un moment donné, en toute objectivité, l’écoulement de la production de la CSS (Compagnie sucrière sénégalaise). Mais, immédiatement, à ce moment-là, avec le ministre Alioune Sarr, puisque les dérapages n’avaient pas eu lieu sous son magistère, nous avons mis en place des procédures bétonnées qui ont permis de rétablir la norme, sachant d’ailleurs que la CSS avait été importatrice.
Parlez-nous de votre candidature au Comité international olympique (CIO), sachant qu’il y avait déjà un candidat choisi par le président de la République et qu’aucun pays n’avait droit à présenter deux candidats ?
Je commence par une correction : un pays peut présenter plusieurs candidats et surtout, il y a des sortes de collèges. Si vous êtes candidat au titre des CNO (Comités nationaux olympiques), vous pouvez être candidat libre et vous n’êtes pas en compétition, parce qu’il y a des quotas pour l’accès au CIO. Donc il n’y a pas de confusion possible. Deuxième précision importante à donner : vous faites acte de candidature au CIO et vous avez un dossier qui est au CIO.
Et moi j’avais un dossier depuis 5 ans. Pourquoi voulez-vous que tout d’un coup, je dise bon, maintenant je suis Premier ministre, je renonce à ma candidature ? Non, j’ai laissé ma candidature, parce que ça m’intéresse un jour de pouvoir militer au CIO et c’est tout. Donc ma candidature était là et on aurait voulu que je la retire, pourquoi ?
Mais ça a été le pic de la confrontation avec M. Diagna Ndiaye
Mais je n’ai pas de confrontation avec lui... Vous voulez peut-être parler d’attaques de M. Diagna Ndiaye ? En tout cas, je n’ai jamais été en situation de confrontation avec M. Diagna Ndiaye.
Il y a eu un malaise avec le Palais à cause de cette affaire de candidatures au CIO.
Bon, la presse en a beaucoup parlé, il y a eu beaucoup de confusions, celle que vous venez de répéter. Peut-être la presse ou a été mal informée ou n’a pas cherché à s’informer, mais disons que la vérité a quand même été dite après et les choses ont fini par se calmer. Mais, personnellement, j’avais un dossier de candidature, c’est aussi simple que ça ; et il y est toujours. Est-ce que je vais y entrer, je l’espère, au titre de candidat libre. Je ne suis pas membre du CNO, un président de CNO présente une candidature au titre des CNO, ma candidature y est et il y reste.
Que pensez-vous de la crise universitaire ?
Sur la crise universitaire, je vais vous donner mon sentiment. A défaut d’une profonde réforme, l’université publique sénégalaise va s’arrêter, c’est aussi simple que cela. Il n’est pas possible d’entretenir ce système qui coûte très cher à l’Etat, qui n’a presque pour fonction principale que de distribuer des revenus et, finalement, produit pour l’essentiel des porteurs de culture générale, qui ne sont pas encore utilisables par la production économique.
Et tout cela évidemment, aux frais du contribuable, aux frais de la société. Nous ne pouvons pas ne pas mettre en œuvre des réformes et la crise universitaire va se répéter et un jour, les choses vont s’arrêter. C’est-à-dire qu’il faudra fermer les universités, c’est ma conviction. Alors acceptons les réformes ou allons vers une fermeture des universités, remettons tout à plat. Malheureusement, à ce moment-là, il sera difficile de faire l’économie de certaines décisions.
Vous savez ce qui a tué l’université sénégalaise publique et qui a conduit à la cessation d’une production de qualité, c’est cette décision, qui est une décision purement politique, de donner des bourses à tous les étudiants. Aucun pays au monde ne le fait, je crois, encore moins un pays aussi pauvre que le nôtre : donner une bourse, qui sort l’étudiant du seuil de pauvreté. C’est-à-dire : vous n’êtes pas producteur, dans un pays où il y a 48% de personnes en-deçà du seuil de pauvreté, dont des producteurs, des producteurs agricoles notamment, et vous donnez à l’étudiant un revenu supérieur à ce que ce producteur perçoit.
Vous mettez en place un système où l’étudiant a intérêt à rester le plus longtemps possible à l’université, où il organise ses redoublements pour percevoir le plus longtemps possible son revenu, qui n’est pas loin du Smig, lorsqu’on tient compte également des avantages qu’il a par ailleurs en termes de location, mais ça ne peut pas marcher, ce n’est pas possible. On a besoin d’une réforme et les concertations nationales ont dessiné de manière très claire l’ensemble des réformes qu’il faut mettre en œuvre. Alors, ou on y va, ou on ne les met pas en œuvre et alors il va falloir fermer l’université publique sénégalaise.
Il n’y a donc pas de marche arrière possible dans l'application de ces réformes?
Ce n’est pas possible. La distribution des bourses, par exemple, va être posée en termes de revendications ; ou en termes de programme, le Master pour tous, cela nous mène au mur.
À suivre...