ABDOULAYE WADE N'EST PAS ABDOU DIOUF
MOUSSA TOURE, ANCIEN MINISTRE, PRÉSIDENT DE CET ''JARIGNE SAMA REEW''

Du gouvernement de majorité présidentielle élargie de 1991, au règne de Macky Sall en passant le douloureux épisode de la dévaluation du franc CFA, son compagnonnage avec Abdou Diouf, Abdoulaye Wade… Bref dans cet entretien vérité, Moussa Touré, revient en Toute Vérité sur un pan entier de l’histoire du Sénégal, non sans, en bon politique envoyer quelques piques, pour égratigner ses adversaires.
Vous êtes en très en politique un peu tardivement. Est ce qu'avec le temps, vous regretter le fait de ne pas avoir fait de la politique un peu plus tôt?
Je ne regrette rien. C'est à cause de mon apolitisme antérieur, que j'ai quitté le ministère des Finances. D'ailleurs ça a été pendant longtemps une gêne pour le président Diouf parce qu'il a décidé en 1991, de rétablir le poste de Premier ministre d'une part, et d’autre part, de faire de ce qu'on appelait auparavant le gouvernement de large majorité présidentielle, en faisant entrer l'opposition. C'est ainsi que Wade est arrivé avec son équipe : Ousmane Ngom, Idrissa Seck, Aminata Tall. Ils étaient cinq au niveau du gouvernement. Le Pit est entré, Dansokho et Maguette Thiam. Et la Ld de Bathily est entrée plus tard avec deux ministres. A cette époque, on ne pensait pas avoir un gouvernement de 40 membres. Après, ils se regroupés en bureau politique au niveau du PS. Je pense que c'est après qu'ils sont tombés d'accord sur le fait qu’aucun d'eux, ne devait quitter le gouvernement. Il fallait donc faire partir les ministres apolitiques. Et on était que deux, Seydina Omar Touré aux Affaires Etrangères et moi aux Finances. Je n'ai pas regretté ça. Mais c'était dans la vie (…) Quand j'ai été nommé ambassadeur, ensuite président de la Commission de l'UEMOA, j'ai eu à faire des mises de point. Souvent certaines personnes notamment le gouverneur de la Banque centrale de l'époque, Charles Konan Banny et l'actuel président du Bénin, Yayi Boni, parce que dans la structure de l'UEMOA, le président de la Commission est en tête. Ça c'est les institutions spécialisées, rattachées. Et c'est le président de la Commission de l'UEMOA qui est la personne morale qui représente l'institution à l'étranger et partout. Je leur disais souvent que moi, je ne suis pas devenu président de la Commission, en tant que mercenaire, en tant que politicien qui cherchait un poste, parce que si le président Diouf l'a fait, c'était légitime (…)
Vous dites que vous êtes entré en politique pour aider les populations c'est-à-dire faire du social
Vous savez, on s’est mis dans le social. Mais tu as des problèmes pour te retrouver au fur et mesure que tu y vas. Car il y a trop de problèmes dans le pays et partout. Et comme j'ai l'habitude de le dire, même si Djily Mbaye vivait avec toute sa fortune, il ne pourrait pas régler le problème du Sénégal. Donc si tu tiens tellement à faire du social, ça t'amène forcément à la politique en passant peut être par des mouvements. Et le mouvement, ça n'existe pas juridiquement en politique parce que c'est une organisation à but non lucratif et les ASC et autres. Donc pour faire du social, il faut venir en politique avec un parti. C'est le seul moyen parce que tu dis avec tous les moyens, je ne parviens pas à tout faire. Cette intervention dans le domaine social, nous le faisons sans médiatisation. Car notre pays repose sur un corpus de valeurs et quand je regarde ce pays, je pense que cette base est en train de s'effondrer. Car rien qu’ici à la Gueule Tapée, si on regarde les dégâts qui ont été causés par un maire particulièrement nocif, qui louait des chambres à 10 000 francs ou 15 000 francs et qui ne parvenait pas à les payer. On le chassait de maison en maison. Aujourd’hui, il construit des immeubles... C'est pour ça que nous nous sommes dit que nous les anciens, il faut que nous allions au chevet de notre commune d'arrondissement en accompagnant les jeunes, en les encadrant, en les épaulant. Mais c’est chemin faisant que nous nous sommes dit qu’il y a un problème. Le problème c'est que le quartier Fass -Gueule Tapée était le plus difficile du Sénégal parce qu'entre les mains du président du Sénat et maire de Dakar qui avait donc une bonne fortune. Alors il nous fallait une présence beaucoup plus pesante, si vous voyez ce que je veux dire.
C'est comme ça qu'ils (NDLR : les anciens) m'ont obligé à entrer de manière active en politique, pour ensuite être tête de liste. Et on a eu la chance parce qu'on n’avait pas de récépissé, et on a pris celui de Mansour Sy Diamil. On a eu aussi la chance, les gens ont créé Benno Siggil Sénégal au moment des locales de 2009 et publiquement on a dit, il faudrait s’associer à la société civile comme ça a été fait partout au Sénégal. Au final, ici à la Gueule Tapée sur les 19 bureaux, nous avions gagné les 15, à Fass sur les 20, on a gagné les 16 et c'est à Colobane qu'on nous a battus pour plusieurs raisons d'ailleurs. La première parce qu'on n’a jamais fait campagne là bas parce qu'à chaque fois qu'on se préparait pour y aller, un incident survenait. Nous n'avions pas des représentants là-bas parce qu'on était accompagné par des femmes qui ne pouvaient pas marcher, etc. Ensuite, la personne qui aurait pu être maire, c'est elle qui a tout organisé. Vous avez suivi l'affaire en direct parce que c'est lui qui a bouffé tout l'argent et ce déboire, lui a valu tout ça. Et comme vous le savez, le jour où il a été arrêté, les gens m'ont appelé pour me dire que ''Sa ax moko dale'' (c'est parce qu'elle t'a trahi). Il y a aussi le fait que les listes électorales à Fass et Gueule Tapée, comportaient dans chaque bureau en moyenne 300 à 400 électeurs. A Colobane, on a vu qu'il y en avait 600 (...) Cette année, nous allons avoir des listes à l'intérieur du pays et dans les grandes villes comme la Casamance et ailleurs dans la région de Fatick. Nous sommes en train de nous préparer pour ça. Nous sommes confiants à 100 % sur les locales parce que c'est essentiel pour pouvoir progresser par la suite.
Si vous nous permettez on va parler un tout petit peu de votre passage au gouvernement et c'est durant cette période que le Plan d'ajustement structurel a été appliqué au Sénégal. Avec le recul, ne pensez-vous pas que ce plan a contribué à désagréger notre tissu social et économique au Sénégal ?
En 1979, on a créé ce qu'on appelait le Programme de stabilisation et c'était Ousmane Seck qui était ministre des Finances à l'époque. Puis en 1980, je crois, il y a eu le Programme de redressement économique et financier (PREF). Et puis par la suite, il y a ce qu'on a appelé les Programmes d'ajustement structurel. Vous savez, les gens ne s’en rendent pas compte et aujourd'hui c'est encore le cas, qu’on ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens tout le temps. Il va arriver un jour où celui qui vous prête (le vendeur) vous dira : «je ne peux plus». Donc tu as besoin de revenir en arrière et de rester dans le cadre de cette bannière.
Le cadre d'ajustement structurel, ce n'est ni plus, ni moins que ça parce que le Sénégal vivait au-dessus de ses moyens pendant longtemps. Il s'est beaucoup endetté et en même temps, ça il faut le dire, il y a des ajustements qui sont un peu dans les situations comme ça, notamment la dévaluation sur la monnaie. Tu peux faire une dévaluation en laissant ta monnaie telle quelle. Tu sais, ça s'est fait dans beaucoup de pays comme le Ghana. Mais ça peut aller à des niveaux qui peuvent extraordinairement créer des problèmes sociaux. Je me souviens avant l'entrée de la Guinée Bissau dans l'Uemoa dans les années 1996-1997. Lorsque nous allions au restaurant, nous étions parfois deux, quatre ou six, il nous fallait un sac de voyage rempli de billets. Quand c'est comme ça, celui qui est milliardaire, celui qui est riche, lui, il ne le ressent pas. Mais, c'est les petits qui trinquent.
Alors ce plan avait pour objet, de baisser un peu notre train de vie. Malheureusement, cela n'a pas été possible parce que si vous le faites, il y a les syndicats et autres qui allaient dire que voilà on a contourné telle chose ou telle. Et je pense que nous n'étions pas les seuls la Côte d'Ivoire aussi était dans la même situation. C'est ça qui avait mis en place la dévaluation en 1994. Mais si on avait accepté socialement de renoncer à certaines choses, on n’aurait pas dévalué. Socialement, la dévaluation est la chose la plus grave que l'on puisse faire parce que les salaires en 1994 n'ont pas doublé, le prix des choses a doublé. Socialement, cela veut tout dire. Les gens n'avaient pas compris parce que pour beaucoup de gens c'est comme si on était au lycée. C'est comme si on les entravait. Mais c'était pour faire en sorte que le Sénégal et les Sénégalais vivent à la mesure de leur moyen. Et aujourd'hui, je pense que c'est le même phénomène qui en train de se répéter. Quel Sénégalais, salarié arrive à la fin du mois, sans s'endetter ou alors à faire d'économie. C'est extrêmement rare. La vie est trop chère. Je connais beaucoup de pays comme le Burkina Faso, le Bénin, le Togo etc. Leur niveau de vie est beaucoup plus acceptable. Je vous donne un exemple, quand j'étais ministre des Finances j'étais en discussion avec les syndicalistes et il y en a un qui a pris la parole, qu'est ce qu'il a dit ? Oui, le ''diallo keurigne'' (vendeur de charbon) s'il a besoin de manger son thiof (poisson), il se trompe de ne pas manger du ''thiof''. Je lui dis que le ''diallo keurigne'' peut se tromper parce qu’il y a une graduation de poissons parce que le ''thiof'', c'est le poisson le plus cher. Alors le vendeur de charbon, il ne peut pas manger du ''thiof'' quand il le veut parce que c'est le poisson le plus cher. Le lendemain dans Le Soleil, on disait que M. Touré est un ''classe'' comme si comme ça. En réalité, c'est ça le problème des Sénégalais. Vous voyez parfois des gens passaient avec des voitures de luxe, alors qu'ils n'ont pas 1000fr dans leur poche. Je me souviens quand j'étais ministre des Finances, et que j'allais au cinéma, j’y rencontrais des plantons du ministère. Alors qu’il y a de salles beaucoup plus à leur portée.
Vous avez eu à côtoyer le président Diouf certainement aussi Me Wade. Si vous aviez à caractériser les deux personnages. Qu'est-ce que vous diriez?
Le président Diouf est un homme de mesure, un homme d'écoute, un républicain, un démocrate, un homme d’État.
Vous ne voulez pas parler de Me Wade donc
Je vous dis que Diouf est ceci. Vous savez j'aurais pu vous dire ce qu'ils sont tous les deux. Mais je vous ai dis que Diouf est ceci. Alors vous devez savoir que l'autre n'est pas ça, c'est tout. Je l'ai dit dans les médias à plusieurs reprises et je le redirais maintenant. Vous savez en 1964, quand je suis entré ici à en Fac, Wade était l'assistant de notre professeur de statistiques. Donc, c'est lui qui nous faisait les séances de travaux pratiques. A l'époque, tous ceux qui avaient le bac, trouvaient du travail facilement. Vu que beaucoup d'étudiants travaillaient, il avait fixé l'heure des travaux pratiques (TP) à 18 heures 30, pour permettre à tous ceux qui travaillaient, de quitter les bureaux et de venir à la Fac très tôt. Car l'université et la ville on le faisait en moins d'une heure trente. Wade qui nous faisait ces TP n'est jamais arrivé à l'heure, pas une seule fois. Il avait souvent ¼ d'heure de retard. Toute l'année, Wade est parti avant l'heure ou même ¼ d'heure avant. Et pourtant à cette heure-là, on aurait parlé de statistiques. En tout cas, il parlait de la Fédération du Mali qui éclaté en 1960, que lui était devait être ministre fédéral. J'ai fait ceci et cela. C'est lui qui m'a empêché d’être ça ou ça. Un tel grand économiste, c'est mon ami. Il faisait la même chose quand il était président. Il y a une réunion de parlementaires de l'UEMOA, il y est arrivé avec un retardé de 45 minutes. Je l'attendais avec Pape Diop et quand il est venu, je pensais qu'il allait directement en salle, tout le corps diplomatique était là. Il m'a dit : «M. le président, il paraît que vous aviez besoin de moi ? » Je lui ai dit que, oui. Il m'a dit : «Venez». Il m'a amené dans une salle. Alors qu'il était en retard de 45mn. C’était comme ça qu'il était quand il était professeur. Au mois de ramadan, une heure avant l'heure, il nous disait : «On est en ramadan, il faut que l'on rentre très tôt. Je sais que vous n'avez rien demandé, mais je vous libère». Je me suis dit que mais celui-là, c’est un farceur. Ce n'est pas sérieux. De plus, beaucoup d'Africains comme les Ivoiriens, les Togolais, les Béninois venaient ici pour étudier, et n'étaient pas des musulmans.
Vous pensez alors que le président Wade était un président par défaut ?
Non, c'est Macky Sall qui est un président par défaut. Wade a été un président qui a été élu de manière démocratique, transparente et claire parce que mon ami le Président Diouf, entre 1993 et 2000, s'est laissé aller. C'est vrai qu'il était fatigué sans doute mais son ami Collin, qui lui servait de bouclier, était parti. Et quand il est parti, il s'est laissé faire car ne contrôlant pas certaines choses. En plus, il y a eu des gens qui n'étaient pas loyaux. Je ne cite pas de noms. Donc le Sénégalais était exaspéré que leur président ne soit pas au courant de certaines choses. Il se trouve que les gens ont fait une coalition qui avait beaucoup plus d'importance que Benno Bokk Yaakaar, parce que c'est une formation en bonne et due forme pour le départ de Diouf et sur des bases thématiques avec des programmes et tout. Ça n'a pas été le cas de Macky Sall qui a eu 26 % au premier tour. Pourquoi ? Parce que j'ai été en campagne avec Macky Sall, ici, et à l'intérieur du pays, pour le départ de Me Wade. Pour des gens comme nous qui sommes des intellectuels, il y avait les travaux des Assises nationales. Moi, j'ai présidé une des 7 commissions thématiques en politique extérieure, internationales, africaines et migrations. Mais beaucoup de gens sont venus après tout simplement pour signer. Car tout a été achevé. Macky Sall en personne, mon ami et frère Ibrahima Fall qui était mon voisin en France, Amsatou Sow Sidibé, Arona Coumba Ndoffène Diouf, tous ces gens-là, Landing Savané….
Donc j'ai pu moi-même soutenir le départ de Wade. Et d'ailleurs c'est un peu pour ça, nous avons été les premiers à organiser un congrès d'investiture au Cices. Il y avait beaucoup de monde, des milliers de personnes qui sont venus de partout. Ibrahima Fall avait fait une semaine avant sa déclaration et quelques jours après, nous avons vu les candidatures se multipliaient, les chanteurs, les couturières… Et tante Marème Ndiaye qui disait que, il ne manquait plus que l'on dépose la candidature de Yékini. Chanteur, couturière et pourquoi pas un lutteur de renommée. Djibril Ngom qui a été mon premier collaborateur, mon conseiller. Je l'ai proposé à Diouf pour qu'il soit mon ministre délégué et tant d'autres. Et vous les communicants avaient l'habitude d'utiliser une expression le ''tassaro''. Ça n'avait pas de sens. J'ai une fois demandé au président Mbow qu'on se regroupe autour de quelqu'un. Mais après, le Benno s'est éclaté et chacun est allé de son coté. Je lui disais comme je l'ai une fois dit à un de vos confrères : «Idrissa Seck, Macky Sall et Abdoulaye Wade, choisir entre eux, c'est choisir entre la peste et le choléra».
Pourquoi ?
Parce que c'est Wade qui est leur papa. Il leur a transmis ses gênes. Est- ce que vous avez vu aujourd'hui ce que Macky Sall fait. Est-il différent de ce que Wade faisait ? Dans quel domaine ? Au contraire, tout ce qu'on reprochait à Wade, s’est empiré. Wade a essayé de caser ses calots bleus. Macky Sall de façon plus pernicieuse a pu caser 10 000 de ses calots marrons, en le faisant passer aux yeux des Sénégalais, pour des mesures sociaux. C’est l’histoire des avec des agents de sécurité. Et avec des handicapés, j'aime bien les handicapés et autres qui ne peuvent même pas attraper un voleur. Et je vois même qu'ils ne demandent pas de certificat. Je me demande si ces gens-là, peuvent prendre des Pv, etc. Et par magie, il a amené l'ancien gardien de la paix qui est allé en France pour revenir et devenir maître. Je ne sais pas maitre de quoi. Et entouré de parents à lui qui sont tous de Fatick, de conseillers et autres… On accepte le principe ça a été sincère. Et pour les bourses familiales, on les donne à qui ? Les exemples foisonnent. C'est pourquoi, je vous dis que Macky Sall est plus pernicieux, plus dangereux que Wade parce qu'il est jeune.
N’êtes-vous pas déçus de voir les documents des Assises nationales, rangés dans des tiroirs en dépit du travail abattu ?
C’est rangé. Et pour gagner du temps et ne pas se faire attaquer, on a voulu les réactiver en créant cette commission confiée à Amadou Mactar Mbow, qui, globalement a sorti les mêmes conclusions. Ce n’était pas utile de refaire tout ce travail-là. Combien cela a coûté peut être 700 millions ou un peu moins ? Car tout ce qui a été dit dans le dernier rapport l’a été dans le cadre des Assisses nationales sauf deux ou trois points. Que de gâchis, de temps et d’argent ?
Que va-t-il faire de ce rapport ?
On va voir (pensif). Peut être qu’il attend les résultats des locales pour réagir. S’il est en péril, il va trouver des astuces… C’est cela qui est dommage. Depuis plusieurs années, on n’a pas avancé contrairement aux autres pays de la sous-région. Ils savent d’où ils viennent. En 1973, Ouagadougou était un gros village avec des maisons en banco. Vous voyez aujourd’hui où ils sont. J’ai beaucoup rigolé pendant la période de Wade, cela ne se voit pas beaucoup aujourd’hui quand je voyais ces grands posters partout. Alors que tout au début de l’indépendance, on se moquait du Togo, du Benin, du Gabon… car leurs présidents avaient de grands posters comme ceux de Wade dans les rues. Alors que chez nous, on n’a jamais vu de grands posters de Senghor et de Diouf. Et on se moquait d’eux. Aujourd’hui, on voit que ces pays ont abandonné ces posters, ils ne le font plus alors que nous, on s’est mis aux posters. Voilà, l’histoire du Sénégal, ces dernières années. Tout est inversé. Malheureusement, je suis pessimiste, nous ne sommes pas sur la bonne voie.
Avec le taux de croissance qui a chuté est-ce-que le PSE n’est pas compromis?
Il faut être sérieux. C’est ce que je disais à propos de l’ajustement structurel. Nous avons la chance d’avoir au Sénégal, un service des statistiques qui est sérieux, de tout le temps et qui n’est pas manipulé par l’Etat. Je le sais. Qu’on réfute ces 2,6% cela ne sert à rien car c’est cela qu’ils ont trouvé. Le problème qui se pose c’est qu’il ne faut pas que je restreigne cela sous l’ère Wade ou Macky. Dans ces plans comme dans la stratégie nationale de développement économique et social, ou tous les autres plans. C’est comme si on dit à quelqu’un de courir les 100 m en 11 secondes et dans deux ans, il faudra le courir en 9 secondes. Ce que Usain Bolt n’a pas encore fait. Vous voyez ces projections qu’ils font : 7% de croissance…. C’est irréalisable dans l’état actuel des choses. Cela suppose une orientation claire et précise. Cela suppose une vision. Cela suppose une mise en œuvre sérieuse en matière d’agriculture, le problème du riz, de l’arachide, la pêche, le tourisme… A l’école on apprenait que la richesse du Sénégal reposait sur quatre piliers : l’arachide, la pêche, le tourisme et les phosphates. De ces quatre secteurs aujourd’hui, lequel fonctionne normalement ? Comment pouvez-vous imaginer que l’on produise de l’huile d’arachide qu’on exporte et qu’on importe à la place de l’huile végétale. D’ailleurs le terme végétal est suspect car l’huile d’arachide est une huile végétale. Pourquoi ne dit-on pas cela ? Quand on dit végétal, on ne sait pas sur la base de quoi cela est fait. Qu’est-ce qui a été mélangé à quoi etc. ? C’est un non sens. C’est ce qui fait que de 6, 4, 5%, on tombe à 2,6% pendant ce temps la Côte d’Ivoire est à 9 ou 10%. Pendant ce temps, la Gambie dont on se moque tout le temps, est au double. On projetait à 3,7%, la Gambie était déjà au double c’est-à-dire 6,6% de taux de croissance. Aujourd’hui, nous sommes à 2,6% et ce n’est pas sûr que l’année prochaine, cela aille mieux. Tous ces plans m’énervent. Pour les faire, on dépense beaucoup d’argent, on me parlait de 2,5 milliards FCFA. Ce qui est un scandale. Tout cet argent est payé à un cabinet étranger alors que nous avons ici au niveau de la direction de la statistique au ministère du Plan, des gens capables. Ce sont des pratiques de voyou. Et tout cela piloté au plus haut niveau par Macky Sall, président de la République.
Donc vous ne croyez pas au PSE ?
Ils sont en train de brader tout le patrimoine foncier de Diamniadio avec des entreprises étrangères marocaines. Le Sénégal fait tout, donne tout et l’autre n’a aucun engagement. Je n’ai jamais cru au PSE, je l’ai dit et répété. Je ne l’avais pas dit car l’avais-je fait, les Sénégalais m’auraient insulté. Quand ils sont revenus de Paris, tous vos confrères qui avaient été invités, je ne sais pas d’ailleurs comment cela s’est passé là-bas. Ce qui était suspect c’est que le groupe consultatif devait se tenir le 24, ils étaient partis le 21. C’est quand même un peu tôt non. Quand les journalistes sont revenus, dans les journaux à la télévision, les radios relayaient que tout a été génial, formidable, fantastique. Je me suis alors dit que si je me mets à parler pour dire ce que je pense on va me dire que ce monsieur n’aime pas le Sénégal. Et comme je fais de la politique maintenant, je fais attention à ces choses là. Tout cela est du bidon. Quand vous le lisez, le PSE est mal écrit, mal fait. El Hadj Abdou Sakho de l’UEMOA a même dans un article sorti à Direct infos, relevé des fautes d’orthographe… Quand j’ai fait une sortie là-dessus, on me dit que l’entourage du président de la République a estimé que je n’ai pas été élégant parce que le ministre des Finances m’a envoyé le document pour faire des observations, des propositions comme patriote, je critique. D’abord, il raconte n’importe quoi. Cela ne s’est pas passé comme cela. C’est après que j’ai fait l’interview que j’ai reçu le 06 février, une lettre du ministre des Finances datée du 04 février à laquelle était jointe une clé USB qui contenait le PSE. De 06 février, il me demande de lire et de faire des observations, des contributions etc. Or, le groupe consultatif avait lieu le 24 février, c’est-à-dire dix huit jours pour un document qui aurait dû être envoyé fin prêt au moins un mois en avance aux partenaires. J’ai dit alors à quoi cela sert. Ces gens avaient-ils l’intention de souhaiter des contributions ? Si c’est le cas, ils devaient le faire, il y a deux mois. Quand j’ai reçu le document j’ai dit quelque part que je refusais de le commenter car par courtoisie, le ministre me l’avait envoyé même si c’était dans le cadre d’un jeu.