ABLAAY TELI, MAKY SAXAAR
Le défi du Président Macky Sall est de laisser une empreinte indélébile de son passage à la tête du Sénégal. Ainsi, voudrait-il des réalisations durables qui resteront dans l’histoire. Son prédécesseur Abdoulaye Wade a laissé sa marque sur les infrastructures routières. Abdoulaye Wade disait lui-même sa conviction que, dans quelques années, les Sénégalais l’appelleront «Ablaay têli» (Ndlr : Abdoulaye faiseur de routes).
L’ancien chef de l’Etat avait jeté son dévolu sur des chantiers d’infrastructures routières. A son actif, on mettra les nouvelles routes de la capitale dont l’autoroute à péage et les nouvelles routes de la Corniche et de l’aéroport de Dakar. Les populations, encore émues par les coûts faramineux de ces ouvrages et les manquements aux règles de bonne gouvernance qui ont éclaboussé leur réalisation, ne se félicitent pas moins de leur effectivité. «Au moins, Abdoulaye Wade a fait ça», entend-on souvent dire ! Il faut souligner que les Sénégalais avaient soif de réalisations en matière d’infrastructures car, depuis plus de 40 ans à la tête du Sénégal, les socialistes n’avaient pas réussi à changer le visage de la capitale. Leurs détracteurs se plaisaient à souligner que «s’il revenait à Dakar, Pierre Mesmer, dernière autorité coloniale française au Sénégal, ne se perdrait pas dans les rues de Dakar». Le Port de Dakar, l’aéroport, les hôpitaux, les routes, les immeubles publics, le chemin de fer et ses gares, les réseaux d’adduction d’eau et d’électricité, tout était installé du temps de la domination française. Le Sénégal indépendant est resté longtemps sans créer de nouvelles infrastructures et pis, n’a même pas su entretenir celles dont il avait hérité des colonisateurs. Les projets étaient pour la plupart ficelés mais dormaient dans les tiroirs. Abdoulaye Wade a eu l’opportune audace de casser ce qui tenait encore lieu de ponts et d’entamer les travaux. Aujourd’hui, d’aucuns se demandent si «le principal opposant à Macky Sall n’est pas l’autoroute à péage».
Le mérite de Abdoulaye Wade aura été donc de montrer la voie. Ainsi, un proche collaborateur du Président Macky Sall assurait que «Macky Sall fera autant en logements sociaux que tout ce que Abdoulaye Wade a réalisé en termes d’infrastructures routières». Pour autant, le Président Macky Sall ne va pas abandonner la poursuite des chantiers routiers commencés par son prédécesseur. La route de la Vdn devra longer la côte pour desservir Cambérène, Guédiawaye, Malika, le Lac Rose et au-delà. L’autoroute à péage devra aller jusqu’au-delà de l’aéroport de Diass et un autre tronçon devra conduire les automobilistes jusqu’à Thiès ; d’où partira une nouvelle autoroute qui mènera jusqu’à Touba. Mais le chef de l’Etat vient de s’engager à mettre une nouvelle corde à son arc. Macky Sall vient de se fixer un nouvel objectif de gouvernement, c’est la réalisation de nouvelles infrastructures ferroviaires. Il voudrait faire siffler les trains en enfilant une tenue de cheminot. Ainsi, compte-t-il mettre en service, une nouveauté, un tramway pour desservir la banlieue. Son prédécesseur avait déjà évoqué l’idée. Aussi, en vue d’une bonne desserte de l’aéroport Blaise Diagne de Diass dont l’exploitation devrait commencer en 2015, le Président Sall voudrait-il mettre en service un train rapide. Il ne voudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Compte-t-il également ressusciter la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako. Macky Sall semble ne pas vouloir sur ce projet, s’inscrire dans une logique d’une réalisation qui demanderait un quart de siècle de travaux ou qui engloutirait toutes les ressources du pays. Les plans pour faire un nouveau chemin de fer à écartement standard sont en passe d’être abandonnés pour privilégier la réhabilitation de la ligne ferroviaire déjà existante. On assure, du côté du gouvernement, que des partenaires, comme Alsthom, Bouygues ou des firmes chinoises, montrent leur impatience pour s’engager dans de tels projets.
Au-delà des impératifs de politique intérieure qui dicteraient au Président Macky Sall de chercher à brandir un bilan de réalisations concrètes, le Sénégal n’a pas trop le choix. La conduite de telles réalisations infrastructurelles devient une urgence au risque d’accuser des retards encore plus grands pour se positionner dans le marché sous-régional. Des pays comme la Côte d’ivoire, le Ghana, ou même le Togo, travaillent à assurer une desserte des pays qui n’ont pas un accès côtier à l’océan atlantique. Ainsi, ont-ils développé leurs infrastructures portuaires jusqu’à reléguer le Port de Dakar au dernier rang des Ports de la côte atlantique bien que les projets de Bara Sady et Karim Wade, aujourd’hui tous les deux en prison, aient englouti dans les eaux du Port des centaines de milliards de francs Cfa. La course est ouverte entre le Sénégal et la Côte d’ivoire notamment, pour desservir Bamako, Ouagadougou et Niamey. Le gouvernement de Alassane Ouattara a bouclé les financements pour prolonger l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro jusqu’à Bouaké et même jusqu’à Bobo Dioulasso. Dans le même temps, les Ivoiriens ont le Mali en ligne de mire. Il suffit de mesurer l’agressivité de la communication faite à Bamako par les autorités du Port d’Abidjan. Si on n’y prend garde, le Sénégal perdra tous ses atouts et finira par être enclavé vis-à-vis des pays voisins. En effet, la mobilité des personnes et des marchandises d’un pays à un autre de la sous-région est réelle or, au Sénégal, on éprouve encore du mal à rallier, Banjul, Conakry, Bissau, Bamako ou tout autre capitale d’Afrique de l’Ouest.
Sobriquets en langue wolof pour indiquer que l’un est faiseur de routes et l’autre faiseur de trains