VIDEOABUBAKAR SHEKAU
PORTRAIT DU CHEF DE BOKO HARAM, UN ISLAMISTE ULTRAVIOLENT ET FANATIQUE ENTOURÉ DE MYSTÈRE
Lagos, 24 sept 2014 (AFP) - Abubakar Shekau, le chef du groupe islamiste armé Boko Haram, donné officiellement pour mort par l'armée nigériane mercredi, s'est taillé la réputation d'un homme extrémiste et violent, mais aussi avide de coups médiatiques.
Un certain mystère plane sur sa vie comme sur sa mort, car son décès avait déjà été annoncé deux fois, en 2009 puis en 2013, par des sources sécuritaires, avant qu'il ne réapparaisse dans des vidéos.
Mais est-ce bien lui qui proclamait un califat au Nigeria en août, qui revendiquait l'enlèvement de plus de 200 lycéennes en mai, ou bien était-ce d'autres responsables de Boko Haram se faisant passer pour lui et utilisant son nom comme une "marque emblématique", comme l'a déclaré le porte-parole de l'armée nigériane, le général Chris Olukolade, en annonçant sa mort de manière sibylline, sans donner aucun détail de date ni de lieu ?
Selon le département américain de la Justice, Shekau pourrait être né en 1965, 1969 ou 1975, dans un village d'agriculteurs et d'éleveurs proche de la frontière du Niger, dans l'Etat de Yobe (nord-est).
Il étudie la théologie auprès de religieux locaux à Maiduguri, la capitale de l'Etat voisin de Borno, et fait la connaissance du prêcheur Mohammed Yusuf, le fondateur de Boko Haram, il y a plus de dix ans.
Shekau décide alors de prendre part au mouvement lancé par Yusuf, qui séduit la jeunesse désoeuvrée de Maiduguri en accusant les valeurs occidentales, instaurées par les colons britanniques, d'être responsables des maux dont souffre le Nigeria, comme la corruption rampante et l'immense pauvreté de la majorité de la population.
Boko Haram, qui signifie "l'éducation occidentale est un péché", est un surnom désavoué par le groupe lui-même, qui lui préfère Jama'tu Ahlis Sunna Lidda'awati wal-Jihad, "le peuple engagé dans la propagation de l'enseignement du prophète Mahomet et du jihad".
- Impitoyable -
Shekau - et son mouvement - accède à une notoriété internationale après la diffusion d'une vidéo, dans laquelle il revendique, exalté, l'enlèvement des lycéennes de Chibok, qu'il promet de traiter "en esclaves" et de "vendre sur le marché".
Il est déclaré "terroriste à l'échelle mondiale" par les Etats-Unis, qui mettent sa tête à prix pour 7 millions de dollars (5,3 millions d'euros). Pour les Nigérians, cette nouvelle vidéo est à l'image du chef islamiste, à qui l'on attribue un grand nombre d'attaques sanglantes depuis qu'il a pris la place de Mohammed Yusuf à la tête de Boko Haram, après l'exécution de celui-ci par la police nigériane en 2009.
"Avec Shekau aux commandes, Boko Haram est devenu beaucoup plus impitoyable, plus violent et plus destructeur", note l'International Crisis Group (ICG) dans un récent rapport.
Du temps de Mohammed Yusuf, Boko Haram était déjà violent, mais surtout focalisé sur l'application rigoriste de la sharia, la loi islamique, dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.
Avec l'arrivée de Shekau à la tête du groupe, les attaques à répétition contre les populations civiles, chrétiens et musulmans, ont fait oublier les prêches de Yusuf contre le régime nigérian corrompu, selon les experts.
- Jean-Paul II et Margaret Thatcher -
Avec l'attentat contre le siège des Nations unies à Abuja, en août 2011, qui a fait 23 morts, Boko Haram est passé à un stade supérieur, laissant craindre une récupération du groupe par une mouvance djihadiste internationale.
Certains pensent que des cadres de Boko Haram ont alors reçu des entraînements en Algérie et en Somalie, mais les liens établis par le groupe à l'étranger, qui font l'objet de débats entre les experts, n'ont pu être confirmés.
Depuis 2011, les islamistes ont pris pour cible des églises, des mosquées et des symboles du pouvoir mais aussi des écoles, des universités et des dortoirs, massacrant des étudiants dans leur sommeil.
Ces derniers mois, Boko Haram s'est emparé de pans entiers de territoires dans le nord-est du Nigeria, y semant la terreur de manière indiscriminée, sans que l'armée nigériane soit en mesure de l'arrêter.
Dans ses interventions filmées, un Shekau vociférant et agité profère régulièrement des menaces contre des cibles nigérianes qu'il met ensuite parfois à exécution. En août, il attire à nouveau l'attention mondiale en proclamant un "califat" au Nigeria, à la suite d'une proclamation similaire du groupe jihadiste Etat islamique en Irak.
A d'autres moments, il paraît totalement déconnecté de l'actualité, menaçant des dirigeants mondiaux déjà morts, tels que l'ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher, ou l'ancien pape Jean-Paul II.