AFP : LA LIGNE CLAIRE ET LE TRAIT OBSCUR
C’est un mauvais procès qu’une frange de l’Alliance des forces de progrès (Afp) est en train de faire à son secrétaire général, Moustapha Niasse. Il lui est reproché de vouloir «tuer» son parti, de tenir la bride au coursier progressiste pour l’empêcher d’aller à l’assaut du pouvoir en 2017, d’étouffer toute ambition dans sa famille politique pour plaire à ses alliés de l’Alliance pour la République (Apr). Les mots sont grossis, les traits forcés pour critiquer une démarche politique cohérente et intelligente.
Deuxième fournisseur en électeurs à «Bennoo Bokk Yakaar» lors du second tour de la présidentielle de 2012 avec ses 17 %, Moustapha Niasse est un acteur clé du changement opéré le 25 mars 2012. Un investissement qui lui vaut aujourd’hui d’être la deuxième personnalité de l’Etat en tant que président de l’Assemblée nationale.
C’est peu dire donc que le patron de l’Afp est un rouage essentiel dans l’actuel régime. Un compagnon résolu du président Macky Sall dans la voie de l’émergence.
Comment, alors, lui demander de cornaquer une bande de jeunes loups avides de pouvoir pour aller à l’assaut d’une citadelle au sein de laquelle il occupe une des tours les plus réputées, avec une vue imprenable sur l’avenir de ce pays auquel il a tout sacrifié ?
Comment lui demander de se renier, de se dédire, pour badigeonner de taches noires ces mouchoirs blancs qu’il se plaît à agiter, symboles de sa probité morale ? Car contrairement à ce qui se dit et s’écrit, la droiture est bien compatible avec la politique.
C’est lui faire un mauvais procès que de penser et de dire que Niasse est un « homme fini » qui « cherche à enterrer » ses jeunes lieutenants. Il suffit d’interroger son parcours et l’histoire de son parti pour se rendre compte que les privilèges de la politique n’ont jamais suffi à infléchir sa démarche. Il aurait pu sauver Diouf en 2000 et prendre sa revanche sur la direction du Parti socialiste qui l’a poussé à la porte et obligé à créer l’Afp.
Il aurait pu aussi contredire la volonté de changement du peuple en 2012 en plantant un couteau dans le dos de la « révolution citoyenne » qui a eu raison de Wade. Il est, heureusement, allé dans le sens de l’histoire en servant de pilier aux deux alternances sénégalaises.
Comment donc lui reprocher de préférer un poste, fut-il aussi prestigieux que la présidence de l’Assemblée nationale, à l’avenir de son parti ?
Qui plus que lui a contribué à faire de ce parti ce qu’il est devenu ? Le politicien se fait homme d’Etat quand il oublie ce qu’il fut pour épouser la Nation. La grande affaire de Niasse, c’est d’être digne de son destin. Celui d’un leader toujours résolu à épouser la cause du peuple et à combattre les pouvoirs corrompus.
Il aura 77 ans en 2017. Un âge tardif, peut-être, pour courir derrière les honneurs, mais idéal pour partager ses expériences et servir de guide. Le patron de l’Afp a compris que cette période difficile qui succède à la présidence pour le moins difficile de Me Wade, appelle un chef de guerre et un storytelling qui court, non pas sur un jour, comme voudrait l’imposer le tempo médiatique, mais sur la durée.
C’est la ligne claire de son compagnonnage avec le président Macky Sall. Pourquoi donc sortir de nulle part un de ces roulé-boulé dont les politiques ont le secret pour faire face à son allié en 2017 ?
C’est le trait obscur des contempteurs de Niasse dans son parti : brûler ce qu’on a adoré, briser les idoles qu’on a célébré. Au risque de perdre le combat de la confiance et de la crédibilité.