Afrique du Sud: Desmond Tutu hospitalisé pour une "infection persistante"
LE CAP (Afrique du Sud), 24 avr 2013 (AFP) - L'archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix pour son engagement contre l'apartheid et conscience morale de l'Afrique du Sud, a été hospitalisé mercredi à l'âge de 81 ans en raison d'une "infection persistante", mais sa fondation a assuré qu'il était toujours actif et de bonne humeur.
"L'archevêque émérite Desmond Tutu a été admis dans un hôpital du Cap pour le traitement d'une infection persistante et pour subir des examens visant à en découvrir la cause", a indiqué la Fondation dans un communiqué, sans donner aucun autre détail de nature médicale.
"Le traitement non chirurgical doit durer cinq jours. (...) L''archevêque a passé la matinée (de mercredi) à son bureau avant d'être admis à l'hôpital", précise le texte, affirmant que le prélat, aujourd'hui retraité, était "de bonne humeur et très reconnaissant pour les soins qu'il reçoit d'une équipe médicale exceptionnelle".
La Fondation a joint une photographie prise selon elle mercredi matin, où on le voit souriant et visiblement en forme.
Nettement plus jeune que Nelson Mandela, l'ex-président de 94 ans hospitalisé plusieurs fois ces derniers mois, et qui ne s'est plus exprimé en public depuis des années, Desmond Tutu est toujours considéré comme la conscience morale du pays. Lui n'hésite jamais à dénoncer à haute voix les travers et imperfections de la Nouvelle Afrique du Sud, toujours écartelée par les inégalités et minée par la violence dix-neuf ans après la chute du régime ségrégationniste de l'apartheid.
Sa colère de fin 2011 est restée dans les esprits, lorsque le gouvernement sud-africain, pour ne pas déplaire à la Chine, s'était arrangé pour ne pas délivrer de visa au dalaï lama, qu'il avait invité pour célébrer son 80e anniversaire.
Dénonçant alors un gouvernement "pire que du temps de l'apartheid", un Mgr Tutu furieux avait pris à partie directement le président Jacob Zuma: "Je vous préviens que nous allons prier comme nous avions prié pour la chute de l'apartheid. Nous allons prier pour la chute d'un gouvernement qui nous représente si mal", avait-il dit lors d'une conférence retransmise en direct à la télévision nationale.
La violence criminelle, l'état pitoyable du système éducatif ou la mauvaise gouvernance font aussi l'objet de son courroux.
Ses célèbres coups de gueule ne s'arrêtent d'ailleurs pas aux frontières de son pays: dénonçant régulièrement les violences au Proche-Orient, ou les lois homophobes adoptées par certains pays africains, il avait aussi fait la Une de l'actualité en septembre 2012 en estimant que les anciens dirigeants américain et britannique George Bush et Tony Blair devraient être jugés par la Cour internationale de justice de la Haye pour avoir déclenché la guerre en Irak.
"La colère est mauvaise pour la tension"
Né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, à deux heures de Johannesburg, Desmond Tutu a souffert enfant de la poliomyélite. Marqué par cette expérience, il souhaitait devenir médecin mais sa famille ne pouvait pas payer ses études.
Il devint alors professeur, avant de démissionner pour protester contre l'éducation de moindre qualité réservée aux Noirs et d'entrer au séminaire, "par défaut" plus que "par idéal", selon une biographie autorisée.
Ordonné prêtre à 30 ans pour l'Eglise anglicane, il a étudié et enseigné en Grande-Bretagne et au Lesotho avant de s'établir à Johannesburg en 1975.
De plus en plus visible sur la scène anti-apartheid, il a été l'objet de brimades du régime raciste, mais son statut religieux lui a permis d'être relativement épargné.
C'est d'ailleurs dans cette lutte qu'il a acquis sa popularité, lorsqu'il a organisé plusieurs grandes marches pacifiques au Cap pour dénoncer la ségrégation et milité pour l'adoption de sanctions économiques internationales. Son action lui a valu le prix Nobel de la paix 1984.
Nommé archevêque en 1986, il est devenu le premier Noir à prendre la tête de l'église anglicane sud-africaine.
A l'avènement de la démocratie en 1994, celui qui a donné à l'Afrique du sud son surnom de "Nation arc-en-ciel" a présidé pendant trente mois la Commission réconciliation et vérité, créée pour aider à tourner la page des atrocités de l'apartheid.
"Le ressentiment et la colère sont mauvaises pour la tension et la digestion", lançait-il alors.
Un cancer de la prostate, diagnostiqué en 1997, a failli mettre un terme à sa carrière, mais cet homme d'une vitalité stupéfiante, bien qu'officiellement retiré de la vie publique, reste une figure majeure de la société civile sud-africaine.