APE, MACKY SALL LÈVE LE VOILE
NÉGOCIATIONS UNION EUROPÉENNE/AFRIQUE DE L'OUEST
Il y a un peu plus de 10 ans, les pays membres de la Cedeao et de l’Uemoa refusaient de signer l’Accord de partenariat économique (APE), excepté deux d’entre eux. Après des négociations laborieuses, des compromis ont été trouvés avec l'Union européenne. Superviseur des pourparlers, Macky Sall en a présenté les divers points au comité ministériel de l’Ape hier au Palais présidentiel.
Superviseur des négociations de l’Accord de partenariat économique Union européenne/Afrique de l’Ouest, le président Macky Sall a reçu hier les membres du comité ministériel de suivi de l’Ape. C’était avant l’ouverture de la réunion de ces derniers et des commissions de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
“L’Ape était impopulaire en Afrique il y a quelques années. Et c’était légitime car l’Union européenne voulait vaille que vaille imposer une vision qui n’était pas celle de nos pays. Aujourd’hui, force est de constater qu’il y a un pas positif qui a été franchi”, a déclaré Macky Sall, avant d'exposer des points d’avancées dans ces accords.
D’abord sur l’offre de marché. Dans le premier accord, l’Ue réclamait 85% du marché ouest africain contre 70% proposé. “On est arrivé à s’entendre sur 75% de parts de marché sur une période de transition de 20 ans”, a rapporté le Président Sall. Ensuite, sur la clause de non-exécution, naguère gros point de divergence.
“C'était une clause attentatoire à la souveraineté de nos Etats contre laquelle nous avons opposé un refus catégorique de (soumission) à la sanction de l’Europe... Cette clause a été rejetée. L’UE a accepté de renoncer à cette clause et de faire juste référence à l’accord de Cotonou par rapport au dialogue politique”, a indiqué le superviseur des négociations APE.
A propos de la clause de la nation la plus favorisée, les négociateurs en chef se sont bien battus afin de préserver leurs intérêts vitaux respectifs. Dans ce sens, “l’Union européenne a accepté de ne plus recourir aux subventions à l’exportation des produits agricoles vers la zone Cedeao”, selon Macky Sall. Sur ce chapitre, des négociations sont prévues avec la Turquie pour un accord de partenariat économique.
L'autre écueil franchi est le programme de l’Ape pour le développement (Paped). L’Ue a accepté, en effet, de soutenir ce projet à hauteur de 6 milliards 500 mille euros. Mais le plus important sur ce point, selon M. Sall, n’est pas le montant mais plutôt les mécanismes de financement. L’Afrique de l’Ouest doit être en mesure d’absorber ce crédit dans les 5 ans et, après, de négocier pour l’allègement des mécanismes de financement.
En attendant, un cadre de suivi régional pour l’exécution du Paped sera mis en place. L’Afrique de l'Ouest définira ses priorités de financements et ses centres d’intérêts. Ce qui a fait dire à Cheikh Adjibou Soumaré, le président de la Commission de l'Uemoa, que les “compromis trouvés sur les points de divergence ouvrent la voie à une signature possible de l’accord”.
Les clauses qui fâchent la société civile africaine
L’Union européenne et les 15 pays de la Cedeao plus la Mauritanie sont presque parvenus à un accord sur les Ape grâce à des compromis. Mais la société civile invite les pays africains à rejeter les “clauses de rendez-vous” et surtout celle relative à la nation la plus favorisée.
Les négociations entre l’Union européenne et les Etats de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre des Accords de partenariat économique (APE) sont bien avancés, grâce à des compromis sur de nombreux points de divergence. Notamment l’offre d’accès au marché, le programme Ape pour le développement, la clause de la nation la plus favorisée, la clause de non-exécution, les subventions agricoles...
Selon le directeur exécutif du Centre africain pour le commerce et le développement international (Cacid), Cheikh Tidiane Dièye, le seul avantage de cet accord est qu'”il nous permet de sauver l’intégration régionale”.
“Si la sous-région avait une autre alternative, elle n’allait pas s’engager dans les Ape. Sur 15 pays de la Cedeao, les 11 appartiennent aux Pays les moins avancés (PMA). Ils n’ont pas d’obligation d’ouvrir leur commerce. S’ils le font, c’est simplement qu'ils se sacrifient pour l’intégration régionale”, renseigne-t-il. Mais “il y a encore du chemin à faire avant la signature de l’Union”, car beaucoup d’éléments sont à parfaire et certains engagements sont à revoir.
Parmi ces engagements, le directeur exécutif du Cacid cite les clauses de rendez-vous dont l'annulation a été demandée par la société civile. “Il ne faut pas négocier le commerce des services, l’investissement et toutes ces questions cruciales pour notre développement alors que nous- mêmes, nous n’avons pas de politiques communes sur ces questions”, dit-il.
La clause de la nation la plus favorisée : danger
L’autre point à revoir est, selon M. Dièye, la clause de la nation la plus favorisée (NPF). “Un mauvais signal envoyé aux pays en développement, notamment la Chine.” Cependant, explique le directeur du Cacid, avec cette clause, la “Chine va pouvoir se dire aujourd’hui, qu’elle n’aura plus jamais plus que ce que les Européens ont”.
“La clause a été un défi stratégique. Nous n’avons jamais voulu l’intégrer dans les APE. Et lors de notre audience avec le chef de l’Etat, nous lui avions demandé d'y prendre garde car c’est un mauvais signal que nous envoyons aux pays en développement. Tous ces pays peuvent nous reprocher de les avoir visés directement dans ces accords commerciaux et prendront leurs dispositions”, met-il en garde.
Ensuite, M. Dièye de poursuivre : “La clause de la nation la plus favorisée est une clause dangereuse. L’OMC ne nous oblige pas à l’avoir pour que les Ape soient juridiquement valables. Puisqu’il en est ainsi, rien ne nous oblige à le mettre dedans.”
Toutefois, la Plate-forme régionale de la société civile ouest-africaine, dans une déclaration rendue publique, attire l’attention du président de la République Macky Sall. Selon ces organisations de la société civile, les accords intérimaires de la Côte d’Ivoire et du Ghana imposés par l’UE a “amené les négociateurs à envisager l’Ape régional comme la seule alternative”.
Ainsi, la société civile appelle les chefs d’Etat à “prendre toutes les mesures appropriées pour lever les nombreuses entraves qui empêchent la libre circulation des personnes et des biens en Afrique de l’Ouest et ralentissent les progrès en matière d’intégration régionale”.