APRÈS LA CACOPHONIE, LE MALAISE
Le Centre international de conférence de Dakar à Diamniadio est sans nul doute une œuvre architecturale dont le Sénégal a besoin au cœur de son futur pôle urbain. Cependant, il est important de s’interroger au sortir de son inauguration par le président de la République sur trois questions fondamentales.
D’abord, quel est le montant réel de cette infrastructure et ses commodités ? Ensuite, quelles sont les conditions du financement et les engagements du Sénégal ? Enfin, quel impact le montage de ce Cicd aura sur l’entreprenariat national ?
Nous avons en effet assisté à une cacophonie au sommet sur le coût réel du projet. Si au niveau du délégué général chargé de l’organisation, le montant est de 51 milliards, le délégué général au pôle urbain de Diamniadio avance le chiffre de 57 milliards comprenant l’échangeur, les aménagements, la voirie et les réseaux divers, la mini-centrale solaire, et les équipements du centre.
Des chiffres de 58 à 60 milliards sont également avancés pour le coût de réalisation du Cicd. Cette situation démontre des errements au plus haut niveau et soulève moult interrogations sur la participation réelle de l’Etat du Sénégal en dehors du prêt consenti auprès d’Eximbank (Export credit bank of Turkey). Pis encore, les explications fournies sur le montage de ce projet restent à parfaire. En effet, la plupart des autorités ont insisté sur la participation de l’Etat du Sénégal à hauteur de 19 milliards «seulement».
Quelle simplicité ! Le complément des 31 milliards fournis par Eximbank sont un prêt que nous rembourserons jusqu’au dernier centime en plus des intérêts associés. Et sur quelle période ?
Ayant financé la totalité de ce projet, il est à dénoncer la légèreté observée dans ce montage avec l’exigence de la Turquie de faire construire ce Cicd par une de ses entreprises nationales. Si les 31 milliards étaient un don de l’Etat turc au Sénégal, cette exigence serait moins humiliante.
Si cet exemple est multiplié dans le cadre du Pse, l’émergence qui sera enregistrée sera au profit d’entreprises extérieures qui seront de redoutables concurrentes à nos entreprises nationales dont l’expertise n’est plus à démontrer.
En effet, quelle chance pourront avoir nos entreprises dans le cadre d’un appel d’offres international de la sous-région ou même en Afrique, si aucune d’elles n’a jamais réalisé une autoroute, une salle de spectacle ou un Centre de conférence ?
Ces entreprises pourront-elles se prévaloir d’un quelconque savoir- faire reconnu dans d’autres pays, quand on ne leur fait même pas confiance dans leur propre pays ?
La réflexion doit être plus profonde dans le cadre des orientations nationales que nos autorités prennent. Il ne s’agit pas seulement de réaliser des infrastructures pour un bilan à mi-parcours, mais surtout d’asseoir les bases d’un entreprenariat local solide capable de prendre en charge les défis majeurs de notre développement futur.
Nous osons espérer que le besoin de «faire un bilan» ne l’emportera pas sur le besoin de la mise en place d’une économie solide. Et une économie solide ne peut pas reposer seulement sur le savoir-faire d’entreprises étrangères, mais sur une expertise locale capable de relever tous les défis.