APRÈS LA TEMPÊTE
Les occidentaux proposent une coalition internationale contre le terrorisme. Pour y parvenir, il y a nécessairement des concessions à faire, dont la moindre est d’apprendre à respecter les diversités culturelles et cultuelles
Si l’on tient compte de la diversité confessionnelle des manifestants et de l’importance de la participation des musulmans, « Je suis Charlie » est un slogan rassembleur plus pour le rejet du terrorisme que parce que le sceau de la prophétie a été caricaturé.
Devant l’importance du flux d’informations avec internet, l’affaire des caricatures appartenait au passé depuis 9 ans qu’elle avait défrayé la chronique et reprise un an plus tard par l’hebdomadaire satirique français.
Elle avait, en 2006, entrainé un vaste mouvement de réprobation à travers la Oumah islamique, et les ambassadeurs des pays musulmans accrédités en Europe avaient relayé les protestations aussi bien en Norvège qu’au Parlement de Bruxelles pour mettre fin à la campagne de dénigrement de la foi de la deuxième religion du monde.
Il a fallu cette tuerie aveugle à divers endroits de Paris, par des jeunes à mal d’existence, pour sonner la mobilisation de la société française qui a testé en grandeur nature la volonté de toutes les communautés ethniques et religieuses qui la composent à vouloir préserver le modèle français et de redresser ce qui doit l’être.
Le Premier ministre Manuel Valls n’a pas manqué de le rappeler devant la presse, celle-là même qui a payé un lourd tribut dans cette affaire, soulignant que la France ne saurait se réduire au seul message de « Je suis Charlie » et qu’elle porte la liberté d’expression partout, mais défend aussi la paix, le respect des convictions et le dialogue entre les religions.
Des valeurs qui, au-delà de la France, sont chères à tous y compris les musulmans dont la religion est le réceptacle de toutes les autres. Il a appelé surtout à éviter le piège des amalgames des « identités irréconciliables » et que la France offre, au-delà de tout, un exemple de cohabitation confessionnelle harmonieuse avec près six mille mosquées et une communauté musulmane de cinq millions de fidèles en progression constante.
Le drame de Charlie a permis aux musulmans de se mobiliser à travers le monde pour déplorer, une nouvelle fois, les caricatures, mais surtout de clamer que leur religion appelle à la fraternisation et non à la destruction aveugle et méchante.
Comme en 2006 et 2011, ils ont fait preuve de responsabilité pour manifester leur indignation et aller poser, au niveau des responsables européens, la nécessité de respecter la foi et la référence des musulmans sans grande violence.
Un sens des responsabilités qui doit les amener à balayer devant leurs propres portes en prenant à cœur le cas des chrétiens d’Orient persécutés pour leur foi et la dislocation des territoires musulmans partagés entre de multiples groupuscules plus féroces les uns vis-à-vis des autres. Ils doivent avoir à l’esprit que l’une des règles majeures des préceptes islamiques demeure la cohésion de la communauté et la constante recherche du consensus entre ses différents membres.
L’illustration parfaite est le retour d’hégire du Prophète qui a mis trois jours à la périphérie de la Mecque à la recherche d’un compromis avec les responsables de la ville sainte pour une reddition sans effusion de sang, alors qu’il disposait de suffisamment de troupes pour perpétrer une entrée en force.
La destruction des différentes idoles pour le culte d’un Dieu unique est l’accomplissement de l’unité de la communauté. Le pèlerinage annuel à la Mecque en constitue le perpétuel témoigne, rassemblant en une fraternité universelle toutes les races et ethnies du monde.
La réprobation des caricatures a sans doute permis aux musulmans prendre conscience du levier puissant que peut constituer la mobilisation de près de deux milliards de croyants autour d’une cause commune.
Autant de consommateurs et un poids économique et financier capable de faire basculer n’importe quel marché en ces périodes de forte concurrence.
Conscients qu’il ne peut y avoir de profit dans l’insécurité, les occidentaux proposent une coalition internationale contre le terrorisme. Pour y parvenir, il y a nécessairement des concessions à faire, dont la moindre est d’apprendre à respecter les diversités culturelles et cultuelles.