APR-PS : SOUPÇONS D’INSINCÉRITE
Entre l’Alliance pour la République (APR) et le Parti socialiste (Ps), la fraternité affichée dans la gestion du pouvoir ne déborde guère dans la galanterie. Les mots pour décrire la nature de ce « partenariat », pour reprendre le terme d’Ousmane Tanor Dieng, empruntent très peu leurs formes à la « patte de velours ».
On entend souvent les mouches voler après certains échanges entre responsables des deux partis. Le dernier échange médiatique entre Barthélémy Dias et Abdou Mbow ne gomme pas cette impression. Loin s’en faut. Pour le député socialiste et maire de la commune de Sicap-Sacré Cœur – Mermoz,
« Si le Ps n’a pas de candidat (à la présidentielle de 2017), ce serait une insulte monumentale à l’endroit de ses pères fondateurs ». Une sortie qui n’a pas eu l’heur de plaire au patron des jeunesses républicaines qui ne s’est pas fait prier pour contester les attendus de M. Dias : « Nous travaillons pour réélire un candidat qui s’appelle Macky Sall. Si quelqu’un, dans la coalition, n’est pas dans cette logique, nous lui demandons de prendre ses responsabilités et de quitter Bennoo Bokk Yaakaar ».
Et il rappelle : « Nous partageons le pouvoir avec le Ps dans le gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Conseil économique, social et environnemental. On ne peut pas manger dans le plat de couscous et arguer qu’on n’a pas touché à la sauce ». Et vlan !
La vérité, la vérité bête, la vérité ennuyeuse est de reconnaître qu’il est difficile de partager le pouvoir avec un président élu, d’en assumer l’actif et le passif, ses grandes décisions et ses petits manquements pour, au moment du bilan et du renouvellement, se poser en alternative crédible.
A ce niveau, la démarche du Parti socialiste est réellement anxiogène pour l’APR qui, au moment d’engager la seconde moitié de son mandat, voudrait bien compter ses forces pour ne pas être surprise au moment du choix final. Il est vrai qu’en politique, les mots et les idées n’ont pas de valeur intrinsèque, ils ne sont que des moyens de conquête du pouvoir, mais les mots peuvent, aussi, être des engagements forts, des assurances dont on use avec plus ou moins d’habileté pour présenter une offre politique.
Après les assurances de l’Alliance des forces de progrès (Afp), une consanguinité des intérêts entre l’Apr et le Ps offrirait plus de certitudes à la majorité. A la place, c’est un parfum d’insincérité qui indispose, de part et d’autre, à la table des vainqueurs du 25 mars 2012. Le parti présidentiel aurait aimé que la formation socialiste soit l’un des piliers les plus sûrs de la rampe de lancement de la réélection du président Macky Sall.
Comme le soutiennent certaines voix, et pas des moindres au sein de l’Apr, le parti de Tanor Dieng ne se plaint pas trop des mets qui lui sont servis au banquet des alliés. Un traitement royal pour un sexagénaire en quête de la source de jouvence.
Car les 11 % de suffrages (les performances du Ps tournent autour de ce chiffre depuis qu’il a perdu le pouvoir en 2000) versés dans la sébile de « Bennoo Bokk Yaakaar » (Bby) au deuxième tour de la présidentielle de 2012 sont bien loin de la flamboyance des années fastes.
La participation à la seconde alternance a redonné des couleurs à ce parti et à ses hommes. Le tout, pour ses dirigeants actuels, est de peser et de soupeser le choix d’une embardée individuelle en 2017.
Cela ne sert à rien de débuter sous les fleurs pour cheminer dans les ronces. Dans une coalition, l’altitude et la rectitude commandent une sincérité et une loyauté sans faille.
La principale difficulté, cependant, réside dans l’Adn du Parti socialiste. Contrairement au Pds, à l’Afp, à l’Apr et à la majorité des formations politiques sénégalaises, le Ps n’est pas soumise à la volonté d’un puissant secrétaire général qui décide de tout, au gré de ses intérêts. Malgré les apparences, la collégialité n’y est pas un mot vain.
Ousmane Tanor Dieng, habitué à maîtriser son verbe, ne participe pas à la flagellation de Bby. Il sait que personne ne gagnerait, à part l’opposition, de faire de la coalition une « maison morte ». D’autant que le dernier séminaire auquel les leaders ont pris part a décidé d’insuffler un nouveau souffle à BBY. Cette nouvelle démarche, après l’absence décriée d’un cadre de concertation au sein de l’alliance au pouvoir, doit permettre au l’Apr et eu Ps de dépasser cette querelle d’autonomie et de loyauté.
Car, si l’on n’y prend garde, ces passes d’armes finiront en un goût amer impossible à vidanger. C’est le lot des polémiques où le jugement procède le procès.
L’écrivaine française Yasmina Reza n’a pas tort d’écrire que « les mots sont partie prenante du réel. Prononcés ou écrits, ils empruntent des chemins imprévus qui peuvent être destructeurs. Il faudrait les arrêter à temps. »