ASSANE DIOUF, UN VRAI CHAMP DE RUINE
SITE DU FUTUR PROJET KAWSARA
Donné à des promoteurs privés par le régime libéral, le stade Assane Diouf devrait être remplacé par un centre d’affaires. En dépit de l’opposition de la jeunesse rebeussoise, le projet avait finalement commencé à sortir de terre, avec le démarrage des travaux par les Chinois. Cependant sur ordre du chef de l’Etat de l’époque, le chantier est depuis mai 2012, à l’arrêt. Depuis c’est le statu quo. Sur place point d’ouvriers. Seuls les gardiens veillent sur le matériel, en attendant le sort qui sera réservé à ce site, ce en dépit des dizaines de milliards de francs que le projet a déjà englouti.
Sis dans le populeux quartier de Rebeuss, le stade Assane Diouf, naguère aux oubliettes, occupe les devants de l’actualité depuis qu’il a été cédé à des promoteurs privés, dans le cadre du programme des investissements directs étrangers (Ide). Ces derniers comptent en faire un centre d’affaires. Une décision qui a suscité beaucoup de polémique. Une controverse qui a, pendant longtemps, animé le paysage médiatique sénégalais. N’empêche, le régime libéral resta sur sa position et refusa d’abdiquer. Résultat des courses : les travaux sont entamés, puis stoppés au grand dam des promoteurs.
Bye bye le volet sportif et bienvenu l’aspect commercial. Car en lieu et place d’un terrain de foot, un grand centre des affaires y était prévu. Poussant même l’ancien président Abdoulaye Wade à dire que Rebeuss sera comme Manhattan. Mais c’était sans compter avec la promesse de campagne de Macky Sall faisant part de son engagement à «restituer aux populations leur bien». Une promesse faite apparemment en toute méconnaissance du dossier Du coup, après son accession au pouvoir, les travaux sont arrêtés un certain vendredi, sur ses instructions. «Macky Sall est venu un vendredi prier à la mosquée omarienne. Après la prière, un gendarme est venu dire aux ouvriers d’arrêter les travaux. Depuis c’est le statu quo», nous a expliqué Ablaye Guèye, un des préposés à la surveillance des lieux.
PATTE BLANCHE.
Vêtu d’un tee-shirt blanc, une casquette sur la tête, il est la personne à qui ON s’adresse pour pouvoir accéder aux lieux. Chose similaire à un véritable parcours du combattant. En effet, ici les entrées sont filtrées au strict minimum. Il a fallu des appels par ci par là pour avoir patte blanche. Bref c’est tout un protocole pour franchir le seuil. «Vous pouvez entrer, c’est ok», nous lance le gardien, en nous ouvrant la porte en fer, peinte en bleu et sur laquelle on peut lire des slogans hostiles à l’érection du centre d’affaires. A l’intérieur, l’étendu de l’espace impressionne. A gauche, est installé un grand baril en fer accompagné d’une pompe qui servait à l’approvisionnement en carburant, pendant qu’à droite les gardiens avaient leurs chambres. Faits de ciment avec des toits en ardoise, les bâtiments ne sont pas peints. Comme d’ailleurs les autres qui servent de dortoirs aux ouvriers chinois et de locaux pour stocker les matériaux de construction. «Les Chinois dormaient ici, ils avaient fini d’en faire leur maison le temps du chantier», explique Ablaye Guèye. Devant l’une des chambres, un véhicule 4X4 est stationné, un pano solaire et des climatiseurs étaient même installés pour le confort des ouvriers. Sans oublier les lignes en fil de fer pour sans doute, étaler le linge.
INVESTISSEMENT ANEANTI. Au fond du chantier, juste sur le côté en face de la mosquée omarienne, les travaux y étaient déjà amorcés. La fondation creusée jusqu’à sept mètres, des fers de 22, 18 et 16, posés par terre. Supplantée par une longue échelle. Non loin, des fers barbelés en forme de poteaux sont visibles. De même que les machines utilisées pour la coupe. Selon le gardien Ablaye Guèye, «ces poteaux devraient être posés dans les trous creusés pour la fondation». Des trous aujourd’hui dévastés par les eaux de pluies. Impossible même de les identifier. De grosses pertes financières.
L’autre fait qui ne laisse pas indifférents les visiteurs du site, c’est la quantité de fer stockée. Coupés ou attachés, ils sont posés par terre et soumis à la sévère critique de l’érosion. Certains sont même cachés par les herbes qui ont fortement poussé dans les lieux. Ainsi, l’endroit n’a rien à envier aux champs de par la hauteur des herbes, qui ont poussé sur des monticules de sable, en certains endroits. «Ce sable est sorti des trous creusés pour la fondation. Les ouvriers l’ont mis ici», nous renseigne le gardien. Avant de nous indiquer du doigt le reste du matériel de construction, en grande partie, constitué de bétonnières. En somme, c’est un décor de chantier abandonné qui prévaut à Assane Diouf. Son sort reste maintenant suspendu à la décision du président de la République. Ce dernier est entre le marteau d’une promesse de campagne et l’enclume de faire échouer l’implantation d’un grand centre d’affaires, et du coup de priver de nombre de Sénégalais d’un éventuel gagne-pain. Un sacré mauvais coup pour un gouvernement qui tient à ouvrir une comptabilité d’emplois promis et jusque-là pas encore tenus. A Macky Sall donc de décider, la balle est dans son camp.