ATTENDRE QUOI ?
«Les femmes soutiennent la moitié du ciel» ont dit des leaders politiques dans des temps et des espaces éloignés l’un de l’autre. Ça doit être vrai. Oui mais… «le ciel peut attendre» rétorquait un artiste, longtemps après. Ça doit être vrai aussi… Les femmes peuvent attendre !?
Une décision a été prise il y a quatre ans d’instaurer la parité absolue sur les listes électorales. Trop tôt ?
Une autre décision a été prise il y a quelques jours d’aller au vote sans liste paritaire à Touba. Surprise ? Pas tant que ça. D’une part, au Sénégal, il apparait nettement que l’horizon démocratique peut attendre indéfiniment sans que l’éviction de femmes de la scène politique pour cause de genre n’empêche beaucoup de monde de respirer.
D’autre part l’histoire nous enseigne que les conquêtes démocratiques ne se gagnent pas en une bataille. La bataille, voilà l’enjeu. L’avons-nous livrée ? Quel tribut sommes-nous prêtes et prêts à payer pour ces concepts et valeurs en bonne part empruntés à d’autres groupes, d’autres espaces, fruits de long processus sécrétés ailleurs et de batailles durement gagnées loin de chez nous. Batailles, victoires et leçons généreusement prêtés à l’Humanité par d’autres femmes issues d’un ailleurs.
Il faut accueillir, gérer et surmonter les crises pour l’Humanité. Les surmonter pour réorienter les valeurs et les énergies de la société. Ainsi va l’histoire de la démocratie.
Chez les Grecs, les Français, les Américains- dans le système que nous leur empruntons aujourd’hui- les systèmes politiques ont intégré les groupes marginalisés et discriminés par à-coups. Sous leurs coups de boutoirs. C’est au travers de crises politiques que les esclaves grecs ont conquis le statut de citoyens dans l’Antiquité. Idem pour les femmes chez ces mêmes Grecs. C’est aux prix de modes d’action provocateurs que les Suffragettes anglo-saxonnes ont conquis le droit de vote.
Un peu partout, les femmes sont héritières de ces battantes, mais il reste des pans entiers de justice sociale et d’équité à défricher et apprivoiser. Mais il faut livrer bataille.
Il y a mille manières de livrer bataille, selon sa culture politique. Les Européens- précisément les Français- ont historiquement souvent fait dans les ruptures violentes telles que les révolutions, les régicides. Nous, Sénégalaises et Sénégalais, sommes de la culture de la négociation. Peut-être de la philosophie de l’éducation. Une préférence respectable. Et cela coûte moins cher. Mais alors, où est notre stratégie de négociation ? D’éducation ? En quoi consisteraient-elles ?
La négociation suppose d’étudier la partie adverse, connaître ses valeurs cardinales et irréductibles, mais aussi voir les points sur lesquels elle transigera certainement.
L’éducation, clé de la transformation sociale au-delà de politiques qui n’affectent que les seules sphères publiques, demeure une stratégie inexplorée.
Or il nous faut investir la sphère du privé familial. Et même la sphère de l’intime, du couple qui imagine (ou non) et produit le futur citoyen. Investir l’intimité des croyances et de la foi. Défricher et créer des espaces de franchise intellectuelle et de ferment de progrès social.
Trop de jeunes s’avèrent conservateurs et même rétrogrades à l’âge de générosité où elles-ils devraient bousculer l’ordre social et corriger l’iniquité.
L’éducation politique disparue des écoles politiques, nous devons espérer et exiger de la jeune gouvernance actuelle qu’elle injecte le ferment de modernité : la pensée rationnelle qui reconnait que la Femme est un citoyen sujet de droit politique à égalité de l’Homme.
Une présidentielle, une législative, une locale. L’actuel mandat du président de la République est sur le point de boucler le cycle des niveaux d’élection. Il apparait bien que la présidentielle de 2012 tolérait plus les femmes candidates. Les candidates députés ont probablement bénéficié de l’effet de nouveauté. Mais le test semble bien se corser à mesure que les enjeux de pouvoir égalitaire se rapprochent du centre de gravité familial. Là où se joue l’égalité ultime multipliée par le nombre de foyers.
Les locales énervent. Et c’est bien. Nous approchons de l’arène où se jouent batailles et négociations. Nous devrons combattre nos propres travers et démons. Il n’est pas trop tôt. Il n’est jamais trop tôt pour être juste.