Attention au manipulateur !
AVIS D’INEXPERT
Par deux fois, la presse s’est retrouvée prise dans ces entreprises de manipulation dans lesquelles le Pds est un maître depuis son expérience de parti d’opposition, surtout à l’époque d’Abdou Diouf. La presse, peu précautionneuse, est souvent tombée dans ce panneau dressé de manière crédible par le Pds.
Même dans l’affaire de l’assassinat de Me Sèye, il y a eu beaucoup de manip’ et la presse, très réceptive, à l’époque, se prêtait au jeu de Wade. Ce texte signé de tel leader, cette rumeur accréditant l’idée que certains des policiers tués lors du mercredi des cendres le furent par l’explosion d’une grenade actionnée de manière maladroite par un de leurs camarades, il y a eu tout ou presque. Tout cela pour effacer la responsabilité du Pds et ses alliés Moustarchidines dans le carnage odieux de ce jour-là, de février 1993. Une source est rarement «inintéressée» par la diffusion d’une information, enseigne-t-on aux étudiants en journalisme – on le rappelle aussi aux journalistes en activité.
Une source qui donne une information a, en général, un intérêt à ce que cette information soit connue. Quand un habitant de Grand-Dakar appelle une radio dakaroise pour l’informer de l’incendie du marché de quartier, son objectif est que ce média relaye l’alerte en diffusant cette information sur ce sinistre. Mais attention quand, par ces temps qui courent au Sénégal, un leader du Pds révèle ou fait semblant d’avoir reçu une convocation à se présenter à la police…
Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur, l’a fait, mardi dernier, «en marge de la marche du Parti démocratique sénégalais. Ce qui lui a d'ailleurs fait dire que c'était une menace pour l'empêcher de participer à cette manifestation», écrit le journal en-ligne Dakaractu.com. C’est plutôt l’Inspection générale d’Etat qui aurait convoqué M. Ngom. C’est cela mouvoir les réflexes victimaires pour s’attirer la sympathie du public. Mais, précise Dakaractu.com, «joint au téléphone par le journal Le Quotidien, l'ancien ministre de l'Intérieur précise que c'est une convocation de l'Inspection générale d'Etat (Ige)». Il y déférera en principe, aujourd’hui, jeudi.
L’ancien ministre de l’Intérieur est visé par les audits et la cour de répression de l’enrichissement illicite, il devrait éviter de politiser cette procédure. Mais, c’est de bonne guerre qu’il le fasse et cherche, pour cela, à manipuler la presse qui se croit tenue par un devoir de rendre compte, de se faire l’écho d’un homme politique qui veut se servir d’elle, à son insu. «La désinformation existe, tout comme existe l’information, écrit le site de Sat Amikaro. La désinformation peut être aussi le fait de gens de bonne foi qui, sans vérifier, sans comparer, sans aller au fond des choses, se contentent de répéter ce qu’ils ont entendu dire, parfois en se donnant l’air de connaître le sujet.» Des journalistes peuvent se retrouver parmi ces individus.
«Au contraire [de la désinformation, Ndlr], la manipulation de l’information est un acte volontaire et conscient de déformation des faits. Elle est l’expression d’une volonté de nuire, de dissuader les autres de se rendre compte par eux-mêmes où sont le vrai et le faux. Elle cache l’essentiel, entretient les idées reçues, donne du relief à la banalité, détourne l’attention de toute éventuelle piste qui permettrait à chacun d’entreprendre des recherches.»
On ne saurait trop recommander à la presse – et votre serviteur ne s’en exclut pas du tout – d’être plus vigilante devant les manipulateurs de l’information.