AU-DELÀ DE LA POLÉMIQUE
Pour des considérations "politiques" dans l’affaire de l’emprunt obligataire de la Ville de Dakar, le Sénégal est en train de rater une opportunité historique de lever des fonds pour contribuer à la modernisation de la capitale
Les Sénégalais et autres acteurs africains du marché financier régional ont suivi le long feuilleton, tout en passion, du dossier sur l'emprunt obligataire de la Ville de Dakar pour un montant de 20 milliards FCFA. Une première dans la sous-région qui devait être saluée.
Auparavant, la Ville de Dakar a requis les services de l'agence Blomfield pour une notation financière, avec une note de A3 à court terme et BBB+ à long terme. Encore une autre innovation à mettre à l'actif du Maire Khalifa Sall.
Enfin, l'agence américaine USAID a accepté de garantir, pour moitié, l'emprunt de 20 milliards FCFA sur le marché régional. L'autre moitié devant être couvert par les recettes tirées de l'exploitation des nouveaux espaces commerciaux devant être financés par l'emprunt et qui seront versées dans un compte séquestre.
En posant son véto sur ce dossier, le ministre Amadou Ba, garant des finances publiques, a voulu porter un débat "technique". Notamment sur le haut niveau d'endettement de la municipalité de Dakar (19,7 milliards FCFA), sur la "discontinuité institutionnelle" de la Collectivité locale, depuis l'Acte 3 de la Décentralisation, sur le statut de la société collectrice des recettes des différentes mairies de Dakar. Bref, du pur "juridisme" et un véritable dialogue de sourds…
Il est vraiment dommage que pour des considérations "politiques", le Sénégal et les Dakarois sont en train de rater une opportunité historique de lever autant de fonds pour contribuer à la modernisation des centres commerciaux de la capitale et à son embellissement. A l'image des grandes capitales d'Afrique et du monde.
Une métropole moderne comme Dakar doit disposer des modes de financements innovants et structurants et non plus reposer sur les archaïques recettes locales, les fameux "djouti" qui vont plus dans la poche des collecteurs et de leurs chefs. Un système pourri de corruption généralisée et quasi-institutionnalisée…
Au lieu de négocier un compromis dynamique, une solution concertée pour faire avancer le dossier, on cherche plutôt la petite bête, le point qui fâche, on distille des petites phrases pour alimenter bataille médiatique et raviver la tension. Ce qui n'est nullement l'intérêt des citoyens sénégalais. Mais plutôt des politiciens du pouvoir ou des proches du Maire de Dakar, qui se voient déjà en futurs protagonistes pour la Présidentielle de 2017.
Plus fondamentalement, le débat devrait plutôt porter sur comment redynamiser le marché financier régional depuis la récente introduction en bourse des filiales sénégalaises du pétrolier Total et de la banque BOA, à côté du précurseur Sonatel. Surtout que ces dernières années, l'État du Sénégal est très actif sur le Marché avec ses emprunts obligataires, son Eurobond de 500 millions USD (250 milliards FCFA) en juillet 2014 et son Sukuk (emprunt islamique) de 100 milliards FCFA, juste avant, l'année dernière, et qui a été primé récemment à Dubaï.
D'ailleurs, l'État du Sénégal compte, prochainement, lever encore 250 milliards FCFA. Sous la forme soit d'un Eurobond ou d'un Sukuk. A voir… Dans le même sillage, l'Agence UMOA Titres accompagne les États à lever des financements de leurs politiques de développement sur le Marché.
En 2014, un volume total de 3 691 milliards FCFA a été mobilisé, dont 3 071 milliards, tirés directement de la BRVM. Donc, il faut structurer davantage le marché financier régional afin d'attirer de nouveaux investisseurs nationaux, régionaux, comme internationaux. Pour accroître une offre plus diversifiée et plus lucrative.
C'est dire qu'une nouvelle culture financière est en train de voir le jour. Il reste alors à l'accompagner par une pédagogie plus didactique et une vulgarisation des offres, des métiers et des potentialités de la Bourse régionale. Déjà, certaines business schools de la place ont leurs propres salles de marché.
Mais, il faut une plus large appropriation du marché financier par les acteurs économiques, les PME notamment, avec l'ouverture probable (?) d'un compartiment dédié à la BRVM. Soit autant de chantiers sur lesquels la BRVM et ses animateurs sont attendus pour une grande financiarisation de nos économies africaines.