AU NIGERIA, L’ARMÉE ET SES ALLIÉS CLAMENT LEURS PREMIÈRES VICTOIRES CONTRE BOKO HARAM
Lagos, 13 mars 2015 (AFP) - L'armée nigériane et ses alliés régionaux assurent avoir enregistré des victoires majeures contre le groupe islamiste Boko Haram dans le nord-est du Nigeria ces dernières semaines, une carte que ne manque pas d'utiliser le président Jonathan, candidat à sa réélection le 28 mars.
Le Nigeria et ses alliés, le Tchad, le Cameroun et le Niger, ont lancé le 31 janvier une vaste opération contre Boko Haram, qui avait multiplié les conquêtes territoriales dans le nord-est du Nigeria depuis la mi-2014 et menaçait de plus en plus les pays voisins.
Les armées nigérienne et tchadienne ont ouvert un nouveau front dimanche, depuis les villes de Bosso et Diffa, au Niger, d'où elles ont pu reprendre la ville de Damasak, tombée aux mains des islamistes en novembre.
Le gouvernement nigérian a affirmé mercredi que 36 localités des trois Etats du nord-est du pays avaient été reprises depuis le début de l'offensive régionale, puis jeudi que les combattants de Boko Haram étaient désormais "chassés" de l'Etat d'Adamawa, l'un des trois Etats du nord-est du pays les plus durement frappés par les insurgés islamistes.
Les informations communiquées ces dernières semaines n'ont pas pu être vérifiées de source idépendante, mais selon Thomas Hansen, de l'entreprise de conseil en sécurité Control Risks, les récentes victoires de l'armée et de ses alliés sont "assez crédibles".
Le président Goodluck Jonathan avait promis, dans un entretien à Voice of America diffusé mercredi, que les Etats d'Adamawa et de Yobe seraient libérés d'ici la semaine prochaine, et Borno, le fief historique de Boko Haram, d'ici trois semaines.
Très confiant, le porte-parole du gouvernement chargé des questions de sécurité, Mike Omeri, a estimé plus tôt cette semaine que la récente allégeance de Boko Haram à l'organisation Etat islamique (EI), était "un acte de désespoir, survenu au moment où Boko Haram enregistre de lourdes pertes". Le serment d'allégeance du groupe islamiste nigérian a été accepté dans la nuit par l'EI.
- La présidentielle en ligne de mire -
Les avancées sur le terrain tombent à point pour le chef de l'Etat nigérian, très critiqué pour n'avoir pas su juguler l'insurrection islamiste, à quinze jours de l'élection présidentielle, d'autant que le scrutin s'annonce particulièrement serré. Un sondage d'Afrobarometer - un institut de sondage indépendant - paru fin janvier, peu avant la date initiale du vote, prévu le 14 février, donnait M.
Jonathan et son rival Muhamadu Buhari, du Congrès progressiste (APC) à 42% des voix chacun. M. Jonathan apparaissait sur toutes les chaînes de télévision, il y a quelques jours, en tenue militaire, félicitant ses soldats sur le terrain.
L'armée, qui avait peu communiqué, ces derniers mois, face aux avancées de Boko Haram sur le terrain, n'hésite pas à s'exprimer via les réseaux sociaux sur ses récentes victoires.
"Le président et son camps peuvent désormais afficher des succès véritables", affirme Imad Mesdoua, spécialiste de l'Afrique de l'ouest pour la société de conseil Africa Matters à Londres, alors que jusqu'ici "on était dans une narration très négative" rappelle-t-il.
M. Buhari, qui a dirigé le Nigeria d'une main de fer à la tête d'une junte militaire au milieu des années 80, avait promis d'user de sa poigne pour lutter efficacement contre Boko Haram, dont l'insurrection a fait plus de 13.000 morts depuis 2009.
Avec le report des élections, très controversé, le Parti démocratique populaire (PDP) de M. Jonathan a bénéficié d'une meilleure visibilité que son adversaire, notamment parce que l'opposition, contrairement au parti au pouvoir, ne dispose pas de moyens financiers illimités pour mener campagne sur de si longues semaines, et a dû ralentir le rythme de ses meetings géants et autres rassemblements dans le pays.
Mais pour profiter pleinement des retombées politiques des avancées militaires dans le nord-est, les autorités nigérianes vont devoir prouver que celles-ci ne sont pas toutes dûes à l'intervention du Tchad et du Niger voisin, qui jouent en ce moment un rôle-clé dans les opérations.
Aussi, sur le plan sécuritaire, la recrudescence d'attentats dans les gares routières et les marchés très fréquentés de nombreuses grandes villes du nord, au moment où Boko Haram est chassé de ses fiefs du nord-est, laisse à craindre des violences d'un autre type, plus difficiles à prévenir.