AU NOM DE QUEL PEUPLE ?
Ils ont prétendu battre le macadam, au nom du peuple qu’ils ne connaissaient pas hier, pour exiger du gouvernement des conditions de vie décente pour des populations qui tirent le diable par la queue. Les libéraux et leurs alliés ont enfilé leurs habits de «défenseurs invétérés» du peuple. Ils exigent des bourses pour des étudiants, dénoncent la pénurie d’eau à Dakar et les coupures d’électricité, de même que la vie chère…
Derrière la façade de l'expression démocratique, ce qui se donne à voir, c’est l’extrême plasticité du discours politique, renforcée par le droit reconnu formellement à chaque citoyen de prendre la parole pour contribuer au débat contradictoire. Si les revendications sont légitimes - puisque le gouvernement a exprimé sa volonté d’accélérer la cadence – ceux qui les portent semblent souffrir d’un certain manque de crédibilité. Ils étaient encore aux affaires, il y a moins de deux ans et la majorité des électeurs a sanctionné, au soir du 25 mars 2012, leur gestion chaotique. Mieux, où étaient-ils donc lorsque le peuple qu’ils prétendent aujourd’hui défendre était esseulé dans la rue, à la recherche du liquide précieux, se débattant parfois avec l’aide de voisins qui, eux, n’ont jamais, un seul instant, pensé prendre le mégaphone pour crier sur tous les toits leur bonté ?
Alors de quel peuple les déchus du pouvoir parlent-ils ? Leur parole, à forte dose dramaturgique, trahit des comédiens pris dans le piège de la mise en scène. La stratégie pour les libéraux et leurs alliés, est de se conformer aux attentes des populations, en laissant apparaître qu’ils sont particulièrement attachés à la défense de leurs intérêts. Quelle comédie !
Nous sommes au cœur de ce que Noëlle Neumann a appelé la «spirale du silence», en montrant que les individus ont tendance à souscrire à ce qu’ils estiment être le point de vue majoritaire. Les déchus du pouvoir donnent à voir leur point de vue comme celui du plus grand nombre. Ils cherchent ainsi à imposer des modèles de comportement ou d’opinion, en essayant de leur donner un statut d’évidences. Si l’on réfère le discours des libéraux à leurs arrière-pensées, nous sommes en droit de nous interroger : qu’est-ce qui fait agir les déchus du pouvoir ?
La défense des intérêts du peuple est-elle réellement la finalité ? Nul doute que les libéraux jouent un personnage. Malheureusement les populations se font quelquefois gruger sur l’autel de prétentions de politiciens en mal de crédibilité. Tout cela…au nom de quel peuple ?