AUX ORIGINES, UNE MEDITATION QUI VA AU-DELA DES ACTES ET DES PAROLES
LE ZIKR DANS LES RUES DE DAKAR
Le Zikr désigne tout acte nourri ou posé dans le but de plaire à Dieu ou de se rapprocher de lui. Cette récitation répétée d’une formule ou parole sacrée à voix sonore ou intérieure est l’une des principales activités de certains jeunes des quartiers populaires de Dakar. Certes, il est le sens de l’adoration, mais les religieux sont d’avis que le Zikr véritable va au-delà des actes et des paroles. Nous vous proposons un éclairage dans ce premier jet.
Le mot Zikr, en tant que tel, est un terme générique coranique par lequel Allah désigne le souvenir ou la mention de Lui en pensée ou en actes. Cette forme de manifestation a connu un succès croissant à Dakar. Dans les cérémonies, le Zikr a tendance à remplacer les «sabars», les traditionnelles séances de tam-tam, jugées parfois obscènes. Certes, le Zikr est le sens de l’adoration, mais selon les religieux, il va au-delà des actes et des paroles.
Imam de la mosquée «Firdawsi» de Keur Massar, Cheikh Mbaye Dramé est d’avis que le Zikr soutient et tranquillise le coeur du croyant. «Ce que nous pouvons retenir est que le Zikr est une source de bonheur en ce monde et dans l’au-delà. Il chasse Satan, il satisfait le Seigneur, il attire et facilite la substance, il habille l’évocateur de vénération. De plus, le Zikr fait revivre le coeur comme la semence revit par l’eau. Il donne la lumière à la réflexion, il efface les péchés. Il fait disparaître l’isolement entre le serviteur et son Seigneur», a listé le prêcheur.
A l’en croire, rien n’est plus honoré auprès d’Allah que le Zikr. «Le Zikr véritable va audelà des actes et des paroles, il est méditation permanente. C’est pour cette raison que le Prophète d’Allah (Psl) a dit que le Zikr (méditation) est la clé de l’adoration», a tenu à préciser le dignitaire religieux de Keur Massar.
«Celui qui aura tourné le dos à mes rappels (Zikr), aura une vie pleine d’amertume et de gêne»
De ses explications, il ressort que cette méditation, en tant que telle, est un acte majeur qui donne au culte tout son sens. «Allah a bien mentionné dans le Coran : ‘Invoque donc Allah, car l’invocation (Zikr) profite très certainement au croyant (Sourate 5 verset 55)». Et son messager de confirmer dans un de ses Hadiths : «le Zikr est le sens de l’adoration», a souligné le dignitaire de Keur Massar.
Quand à l’imam Lassana Seydi de l’Union des oulémas du mandé (Ouma), il a insisté sur le refus de s’adonner au Zikr qui est signe de malédiction. «Le Coran a bien dit : ‘celui qui aura tourné le dos à mes rappels (Zikr) et se serait refusé à m’évoquer par la pensée et par la parole, celui-là aura une vie pleine d’amertume et de gêne. Nous le ferons venir aveugle au rassemblement du jour de la résurrection». Et d’ajouter : «Celui qui se montre aveugle au Zikr du très Miséricordieux, nous lui suscitons un démon qui dévient son compagnon inséparable».
«Chacun des cinq piliers de notre religion est un Zikr»
Toutefois, ces religieux n’ont pas manqué de préciser que les adeptes du Zikr n’ont pas forcément besoin d’investir les rues pour s’adonner à cette pratique. «L’islam en tant que moyen de mettre l’être humain en contact avec son Seigneur est un Zikr. Le Coran en tant que parole du Créateur est un Zikr. Sa lecture, la conformation à ses préceptes et la confiance à ses pouvoirs font partie aussi des Zikrs. Chacun des cinq piliers de notre religion (l’attestation de foi, la prière rituelle, le jeûne, l’acquittement de la zakat et le hadj) est un Zikr. Donc, ce n’est pas par le geste qu’on peut forcément s’approcher de Dieu mais plutôt de l’esprit», ont souligné les prêcheurs.
UN PHENOMENE ET SES STARS - NDIOGOU AFIA, UNE ICONE INNOVATRICE DU ZIKR MODERNE
Le Zikr, comme tout phénomène de notre temps, a ses stars. Ndiogou Afia, 29 ans, est l’une d’elles. Ndiogou Afia Mbaye a une belle voix de ténor, intelligente et sensible. Ses chansons sont inspirées des poèmes de Serigne Touba, le fondateur de la Mouridiya. C’est un chanteur de charme très connu au Sénégal. Il chante l’amour de son guide, Serigne Afia Mbacké, la paix, l’unité, etc. Altruiste avec un grand coeur, il a un projet qui lui tient à coeur, c'est celui de hisser le «thiant» au sommet de la musique internationale. Père de trois enfants, Ndiogou Mbaye voit à travers le «thiant» (sorte de chorales de rue initiées par les Baye Fall, disciples mourides), une affaire spirituelle et un business rentable.
Après avoir mis un album sur le marché, il soutient que le Zikr sera la prochaine vitrine de la musique sénégalaise. «Les jeunes le préfèrent de plus en plus au ‘mbalax’ national. C’est comme si la tendance est renversée. C’est les sons de Zikr que les jeunes du Sénégal écoutent désormais. Que ce soit le Zikr ‘baye Fall’, tidjane, layenne ou niassène», confie-t-il, on peut dire que le succès croissant du Zikr est un symbole de la montée des valeurs religieuses dans la société sénégalaise».
Le leader de la musique «thiant» est de plus en plus demandé pour animer les veillées et les soirées religieuses à la télé ou dans des cérémonies partout à Dakar et ailleurs dans le pays. «Il faut savoir que dans les grandes cérémonies, le Zikr a tendance à remplacer ces choses mondaines et ces danses souvent obscènes, accompagnées de musique moderne. Moi, je pense que le Zikr est une musique qu’il faut impérativement développer afin de mettre fin à la dépravation des moeurs. Etant donné qu’il est plus prisé par la jeunesse», dit-il.
Cette icône du Zikr joue avec son orchestre presque tous les soirs. «Ce n’est pas aussi rentable pour le moment, mais on s’accroche bien. C’est normal qu’on ne puisse pas récolter le fruit de nos entrailles mais le moment venu, le Zikr sera au sommet. C’est mon métier, j’ai tout misé sur ça. Je veux en vivre», précise-t-il.