AVEC DOUDOU NDOYE, LA "SENEGALESE DREAM" POINTE À L'HORIZON !
Comme le rêve américain qui s'est construit sur la propriété privée, au Sénégal, "nous allons garder nos maisons parce que nous aurons un titre foncier bientôt et même si nous voulions le vendre, gardons-le un an et nous le vendrons au double du prix"
Dans cette dernière partie de l’entretien, Doudou Ndoye enlève le costume de président de la Commission nationale de la réforme foncière. Il met la robe de l’avocat qui défend Macky Sall dans son «procès» avec Idrissa Seck. Pour Me Ndoye, le maire de Thiès moo dokhoul (c’est lui qui ne bouge pas) et non Rewmi (le pays). Mais l’autre dossier qui indispose Me Doudou Ndoye, c’est celui dit de la traque des biens mal acquis et le caractère spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, délit qu’il s’abstient de citer. «C’est de l’inquisition parce que, souligne-t-il, le droit pénal sénégalais suffit pour mettre tout le monde en prison».
Vous dites que Macky Sall c’est vous, vous c’est Macky Sall. Est-ce qu’on peut dire aussi que l’Upr c’est l’Apr ?
Non. J’ai parlé de deux personnes. L’Upr et l’Apr ne se connaissent même pas parce que l’Apr fait partie de la quantité de Benno bokk yaakaar alors que l’Upr fait partie de la qualité écartée de Benno bokk yaakaar.
C’est qu’il n’y a que le «A» et le «U» qui différencient l’Apr de l’Upr…
De ce point de vue, ce sont eux nos enfants parce que l’Upr existe dix ans avant l’Apr ; c’est très bien que nous l’ayons inspirée.
Est-ce qu’il y a possibilité de fusionner ?
Mais bien entendu qu’il y a possibilité d’aller ensemble, de fusionner et même d’avoir le même parti.
Vous avez discuté de telles éventualités ?
Non, nous n’en avons pas discuté parce que c’est lui le président de la République, le maître du jeu et je le respecte comme tel. Quand il m’a dit : «Mon frère Doudou Ndoye, je voudrais vous confier la Commission nationale de la réforme foncière», il sait quelle a été ma première réponse. La dernière a été oui et moi, quand je dis «oui», c’est un oui complet.
Mais la première est importante ?
(Rires) C’est la dernière qui compte. Quand on va à la mairie et qu’on se marie, on ne dit pas quand est-ce qu’on faisait la cour. On est mariés et c’est tout. Donc, je ne mets pas de «oui mais» dans ma vie parce que j’ai la liberté de dire non sur chaque chose de mon existence. Dieu m’a aidé ; mon père m’a aidé, je me suffis de ce qui vient de mon travail. C’est lui le maître du jeu de son parti et peut-être même d’une partie de mon destin. S’il estime que nos partis peuvent fusionner, je le propose à l’Upr. Si elle dit oui, nous le ferons. Je ne suis demandeur de rien. Moi, je suis porteur de projets de société, même si cela reste au stade idéologique. Dans tous les domaines de la vie publique du Sénégal, j’ai mes propositions qui sont sensées et éclairées, qui viennent d’une longue expérience. J’ai eu beaucoup d’échecs et la voie du savoir vient des échecs renouvelés.
Comment jugez-vous son pouvoir ?
Il travaille très bien. Il a élaboré un programme énorme.
Sur le plan pratique ?
Sur le pratique, la Commission nationale de la réforme foncière et tout ce que je vous ai dit. Vous trouvez un programme plus important que cela, donner des titres fonciers à 200 000 maisons ? Dites-moi quel pays l’a fait en Afrique. On parle de programme! Le programme, c’est ce que nous avons l’intention de faire. François Hollande a un programme ; Obama en a : c’est ce qu’ils ont l’intention de faire.
Vous vous projetez ?
Pour rentrer dans votre journal dans cinq minutes, c’est un projet ; croyez-moi, je souhaite que votre projet réussisse.
Oui, mais on parle d’un an de bilan ?
Un an de bilan, c’est quoi ? Aujourd’hui, je vais vous dire que tous les Sénégalais qui sont sur la Petite Côte, et qui ont des maisons qu’ils avaient l’intention de vendre, sont en train de se dire : «Nous allons garder nos maisons parce que nous aurons des titres fonciers bientôt et même si nous voulions le vendre, gardons-le un an et nous le vendrons au double du prix.» Mais cela, on l’a fait. Des gens espèrent aujourd’hui gagner de l’argent avec leur propre maison ou celle de leur grand-père. Vous avez suivi les évènements ces jours-ci ? Depuis deux mois, tous les Sénégalais et tous les groupements étrangers s’affairent autour des problèmes de réforme de la terre. Les gens commencent à se plaindre beaucoup plus maintenant. Certains trouvaient qu’ils n’étaient pas intégrés dans la Commission nationale de réforme de la terre. Est-ce qu’ils le disaient il y a huit mois ? Il y a une espérance quand même ! Maintenant, il (Macky Sall) est élu pour cinq ans, vous ne pouvez juger qu’au terme du mandat.
Les denrées coûtent cher et le chômage des jeunes est encore là ?
Mais les denrées de première nécessité coûtaient cher il y a trois ans.
Sauf que c’était une promesse électorale, Me…
Tant pis ! Même s’il n’a pas respecté cette promesse, il va respecter autre chose. Il va enrichir tous les Sénégalais qui n’auront plus besoin d’une quelconque baisse des denrées.
Il y a quelqu’un qui dit que deukk bi dokhagoul (le pays ne bouge pas encore)…
Kookou moo bania dokh. Moom ci boppam moo dokhagoul (Ndlr : C’est lui-même qui ne bouge pas) ! (Il insiste). Ceux qui se réveillent tous les jours et triment jusqu’à minuit, comme en Chine et dans tous les pays, ceux-là n’ont pas dit que le pays ne bouge pas.
Cela vient quand même d’un membre de la majorité, Idrissa Seck…
Mais il fut lui-même dans la majorité précédente. Qu’a-t-il fait ? C’est facile de critiquer. Personnellement, quiconque me demande ce que j’ai fait au département de la Justice, je répondrai que j’ai transformé le Sénégal de la justice en deux ans et demi. Ce sont ces transformations qui sont là jusqu’ici, même si j’ai encore des regrets de n’avoir pas pu faire mieux. J’ai fait ce qu’aucun Garde des Sceaux n’a fait dans l’histoire du Sénégal. Aujourd’hui, on prend quelqu’un, on le met en prison pendant longtemps sans aucun motif. Je n’ai pas pu régler ce problème.
Vous parlez de la magistrature ?
Naturellement. C’est la magistrature qui met des gens en prison.
Dans le fonctionnement de la justice…
C’est dans les codes et non dans le fonctionnement du magistrat lui-même. C’est le Code pénal et le Code de procédure pénale qui donnent le droit à un procureur de mettre quelqu’un en prison et le juge d’instruction le fait sans avoir même étudié le dossier. Je n’ai pas résolu cette question quand j’étais Garde des Sceaux parce que j’avais beaucoup d’autres choses à faire. Aujourd’hui, Macky Sall est en train de faire des choses particulièrement profondes pour notre Nation que personne n’a jamais faites dans l’histoire du Sénégal. Et je parle de la Commission nationale de la réforme foncière.
Parlons un peu des Locales. Vous y aller sous la bannière Benno bokk yaakaar ou de votre propre parti ?
Je répète qu’il y a un Benno bokk yaakaar de qualité et un autre de quantité. Les listes des Législatives ont été faites sans aucun membre de notre parti, même pas à titre de suppléant. Nous n’avons rien dit, nous n’avons pas présenté de candidatures par discipline et par loyauté à l’égard du Président Macky Sall que je souhaite conserver.
C’était aussi sur la base des résultats obtenus au premier tour de la Présidentielle…
Ce n’est pas la quantité qui mène le monde. Napoléon Bonaparte disait que les foules permettent d’avoir la force, mais si vous n’avez pas l’esprit, vous retournerez néant. Les élections locales approchent, les discussions peut-être se passent et notre parti est oublié totalement encore par la force mécanique de Benno bokk yaakaar. Pour l’instant, nous observons encore, c’est dans un an. D’ici là, nous verrons ce que le Président fera.
Serez-vous candidat au poste de maire de Dakar ?
(Catégorique) Non ! C’est moi-même qui ai offert la mairie de Dakar à Mamadou Diop.
Comment ?
En 1984, j’avais été désigné pour être candidat à la mairie. A ce moment, il n’y avait que le Parti socialiste dont j’étais le Secrétaire administratif. Si j’avais dit oui, j’aurais été le maire de Dakar. J’ai fait venir Mamadou Diop dans mon bureau pour lui dire : «Je ne veux pas être maire de Dakar ; je veux que tu le sois.» C’est une affaire qui est derrière moi depuis longtemps. Je soutiendrai le plus jeune pour diriger le pays, comme pour diriger la mairie de Dakar.
La gestion de ce dossier des biens mal acquis, qu’est-ce que vous en pensez ?
Vous savez, d’abord la notion de «bien» en droit latin, c’est le «res». C’est un élément matériel objectif, palpable. Un bien aussi, sur le plan juridique, peut être assimilé à une propriété. Faudrait-il encore prouver qu’untel a tel bien, sinon j’aimerais qu’on dise que je suis le propriétaire de Dakar. Alors l’autre notion, «mal acquis», c’est l’origine morale, éthique ou légale de l’acquisition du bien. Donc, il faut prouver aussi l’éthique du mode d’acquisition. Ce n’est pas du droit pénal ça ; c’est de l’inquisition. Je suis un homme de droit et pour amener quelqu’un en prison en matière de droit pénal, il ne faut pas faire de l’inquisition. Je ne connais rien d’autre que la définition de l’expression «biens mal acquis» et de son sens sémantique et historique. Je dis que l’explication de l’expression «biens mal acquis», telle que je la conçois, conduit à de l’inquisition. Et l’inquisition conduisait aux lettres de cachet qui amenaient les gens à la Bastille. Et il faut éviter au 21ème siècle de rentrer dans un monde inquisitorial. Il faut faire du droit commun dans lequel tout le monde est égal. Et le droit pénal du Sénégal suffit pour mettre tout le monde en prison. Donc, pourquoi aller chercher ce dont on n’a pas besoin ? Je n’ai pas dit que les personnes poursuivies ne doivent pas l’être, il faut que cela soit clair. On peut poursuivre sans qu’on ait besoin de canons pour tuer des mouches qui peuvent être tuées par un coup de souffle (et il souffle).
Tout comme la Cour de répression…
(Long silence)
Alors parlons du privilège de juridiction
Le président de la République n’a pas de privilège de juridiction.
Il a une immunité ?
Il n’a pas d’immunité, il n’a pas de privilège de juridiction. Il n’a rien ! Je l’ai démontré par écrit ; personne ne l’a encore enlevé.
Ah oui ! Et comment ?
C’est de la technique et de la science.
Quelle est alors l’utilité de la Haute cour de justice qui n’est compétente que pour connaître des personnes protégées par leur statut ?
Il n’y a pas de privilège, cela ne veut pas dire que la Haute cour de justice n’existe pas. Je répète qu’aujourd’hui le président de la République n’a aucun privilège.
Cela n’existe pas dans nos textes ?
Le droit est plus compliqué que cela. Tout existe dans nos textes mais ça dépend ; quand, où, pourquoi, comment ?
Est-ce que c’est ce qui vous a fait dire que Wade doit remercier le ciel pour avoir eu comme successeur Macky Sall ?
C’est vrai.
Vous insinuez…
Je n’insinue rien. Il sait mieux que moi de quoi je parle. C’est un vieux routier de la politique et du droit. Abdoulaye Wade, quand Doudou Ndoye parle, il sait. Donc, je n’insinue rien ; je suis très clair. On se connaît.