AVEU DE TAILLE
Moustapha Diakhaté, le président du groupe Benno, reconnait "une exagération dans le décompte des voix" lors du vote de la loi modifiant le règlement de l'Assemblée nationale
L'homme est connu pour son franc-parler. Moustapha Diakhaté est en effet de la race de ces hommes politiques qui utilisent rarement la langue de bois. Dans cet entretien, le président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (BBY ) reconnaît sans sourciller qu'il y a eu erreur dans le décompte des voix lors du vote de la loi portant modification du règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Il précise toutefois que cette erreur n'est pas de mauvaise foi puisque, dit-il, la proposition de loi en question a été votée par une très forte majorité qui s'est dégagée.
L'opposition parlementaire a introduit un recours auprès du président de l'Assemblée nationale pour demander l'annulation du vote de la loi portant modification du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, contestant ainsi les résultats du scrutin. Comment appréciez-vous une telle démarche ?
Ces gens-là se moquent du Sénégal. Le président de l'Assemblée nationale, que ce soit au niveau de la constitution qu'au niveau du règlement intérieur, n'a pas les compétences pour annuler un vote de la plénière. Je vous renvoie à l'article 87 du règlement intérieur qui dit de manière explicite : "Les rectifications de vote ne peuvent pas aller dans le sens du changement du vote proclamé à la plénière." A l'hémicycle, une fois qu'on dit que l'Assemblée a adopté, personne ne peut changer le sens du vote. Tout ce qu'un député peut faire alors, c'est de porter la mention de ses griefs ou de ses récriminations dans le procès-verbal de la plénière. Ces amis-là, ils ne l‘ont pas fait. Ils ont attendu la fin de la plénière pour faire ces contestations. Pour dire que c'est de la politique politicienne parce qu'ils savent bel et bien qu'on ne peut pas modifier un vote à l'Assemblée nationale. Ça, c'est la première chose.
Et c'est quoi la deuxième chose ?
La deuxième chose, c'est qu'ils ne peuvent pas contester le nombre d'abstentions, c'était 4. Ils ne peuvent pas non plus contester le nombre de votes contre, c'était également 4. Ce qu'ils contestent, c'est le nombre de votants. Et de mon point de vue, je pense que ce n'est pas 142 votants, c'est moins que cela. Mais ce qui est clair, c'est qu'une majorité forte s'est prononcée en faveur de la proposition de loi. Ça, ils le savent. Donc ils font de l'agitation politicienne pour encore continuer à exister parce qu'ils n'ont que ça comme moyen de survie.
Donc vous reconnaissez qu'il y a erreur dans les résultats du scrutin ?
Absolument ! Il y a une erreur dans le décompte et je crois que c'est une erreur de bonne foi. Parce que celui qui faisait le décompte n'a aucun intérêt à gonfler les résultats. A l'Assemblée nationale, il y a la votation par main levée. Et vous savez qu'il est plus facile de compter 4 mains qu'une centaine de mains. Dans le décompte, certainement il y a eu une exagération. Mais ce n'est pas de la mauvaise foi. Mais ce qui est clair, c'est que selon les dispositions en vigueur du règlement intérieur de l'Assemblée nationale, on ne peut pas rectifier un vote déjà proclamé par la plénière.
Quelles sont les voies de recours qui s'offrent à l'opposition dans ce cas de figure ?
En tout cas, ce n'est pas de demander au président de l'Assemblée nationale d'annuler le vote. C'est là où ils se sont trompés. Véritablement ils ont frappé à une mauvaise porte. La porte pour contester un vote à l'Assemblée nationale, ce n'est pas le président de l'Assemblée. A ce que je sache, ces parlementaires contestataires ne sont pas des ignorants. Je pense qu'ils sont tout simplement de mauvaise foi. Ce qu'ils veulent, c'est-à-dire l'annulation du vote, n'est pas possible.
Pour beaucoup d'observateurs de la scène politique, cette réforme du règlement intérieur de l'Assemblée nationale vise le Parti socialiste. Qu'en pensez-vous ?
Mais loin de là. Pourquoi vous pensez seulement au Parti socialiste ? Vous savez, le compagnonnage entre le Ps et le président Macky Sall ira au minimum jusqu'à la fin de la législature. Ceux qui espéraient assister aux funérailles de Benno bokk yaakaar (BBY) après le vote de la proposition de loi sont déçus. Et ils attendront longtemps encore pour assister à ce spectacle. Il n'y a rien dans les relations entre le président Macky Sall et le Ps. Il n'y a même pas de nuages qui puissent permettre aux gens de dire que nous allons nous séparer.
Maintenant les dissonances que nous avons observées au sein du Ps, sont des dissonances qui sont antérieures à la proposition de loi. Les parlementaires du parti socialiste qui sont contre la proposition de loi, à savoir Idrissa Diallo, Aïssata Tall Sall ou Aminata Diallo, ne sont plus dans la ligne générale du Ps. On a vu qu'Aïssata avait déjà défié le secrétaire général Ousmane Tanor Dieng en voulant lui succéder à la tête du Ps, Idrissa Diallo fait souvent des sorties assez dures contre le secrétaire général du Ps. Il y a aussi Aminata Diallo qu'on entend de temps à autre prendre des positions qui ne vont pas dans le sens de la direction donnée par le secrétaire général Ousmane Tanor Dieng. C'est le cas aussi de Barthélémy Dias adepte des sorties à l'emporte-pièce. Ces dissonances que nous avons entendues à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi ne sont pas consécutives à celleci. Ce sont des réalités qui existent à l'intérieur du Ps. C'est pourquoi mon collègue Cheikh Seck parle de militants indisciplinés. Aïssata, Idrissa Diallo et Aminata Diallo n'ont pas commencé à manifester leur indiscipline vis-à-vis de leur parti avec la proposition de loi.
Après le vote de la proposition de loi, Mamadou Lamine Diallo de Tekki a démissionné du groupe parlementaire BBY. De même que la députée du Fsd/Bj. Comment appréciez-vous cela ?
La démission de Mamadou Lamine Diallo, c'est la démission la plus bizarre. Parce qu'il nous reproche de nous dévier des Assises nationales alors que toutes les réformes que nous avons introduites dans le règlement intérieur de l'Assemblée nationale sont inspirées des conclusions de ces Assises et des recommandations de la CNRI. Je crois quand même qu'il s'est trompé peut-être de texte. Il était dans le même cas qu'Imam Mbaye Niang et Serigne Mansour Sy. Ces derniers, dans un premier temps, pensaient que ce que nous proposions n'allait pas dans le sens des conclusions des Assises nationales. Quand je leur ai montré le rapport des Assises nationales et de la CNRI, les parties qui demandent à ce que ces réformes soient faites, ils ont été convaincus et ils ont voté la loi. Franchement je pense que Mamadou Lamine Diallo s'est trompé de combat parce que nous, ce que nous avons introduit dans le règlement ne va en aucun cas dans le sens contraire des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la CNRI.
Qu'en est-il pour la députée du Fsd/Bj ?
Elle, elle est instable. C'est l'année dernière qu'elle avait démissionné du groupe BBY quand Idrissa Seck lui avait proposé le poste de vice-président du groupe parlementaire qu'il a tenté en vain de créer. Quand cela n'a pas abouti, elle n'est pas revenue. Elle m'avait adressé une lettre pour me dire qu'elle démissionnait ; elle ne m'a pas encore écrit pour me dire qu'elle revient dans le groupe que je dirige. Donc moi je ne la considérais plus comme un membre de mon groupe. Je suis étonné d'entendre qu'elle m'a envoyé un courrier pour démissionner. Elle a une instabilité politique. Au cours de la plénière, elle avait dit qu'elle allait voter la proposition de loi parce que cela allait dans le sens des Assises. Mais moi je suis très tranquille parce qu'une réforme qui met le quinquennat, qui permet de lutter plus efficacement contre le nomadisme parlementaire, une réforme qui introduit la parité dans le règlement intérieur, supprime les incohérences entre le règlement intérieur et la constitution et le Code électoral, c'est une réforme de progrès.
L'Etat a annoncé l'acquisition d'une centrale de charbon pour remédier aux délestages. Mais le transport de ladite centrale risque de poser problème. Comment vous comptez-vous y prendre ?
Nous n'avons pas de route où on peut transporter les tribunes de ladite centrale. Si on passe par l'autoroute, on est obligé de casser des passerelles. Si on passe par la nationale, on est également obligé de casser des passerelles. Malheureusement il y a un journal qui n'a rien compris. Comment peut-on dire qu'on va construire une centrale électrique sur l'autoroute à péage ? Cela n'a pas de sens. J'ai dit au journaliste, le jour où je te dirai de pareilles choses, dis à mes proches de m'amener à l'hôpital Fann. Pour le moment, je pense que l'option qui est prise, c'est de transporter les tribunes par la nationale (1) même si on doit casser les passerelles.