BENNO BOKK YAAKAAR : POURQUOI TOUT LE MONDE EST GAGNANT ?
La coalition Benno bokk yaakaar a de beaux jours devant elle. Parce que dans cette affaire, tout le monde gagne.
Les gladiateurs de « Macky 2012 » ont de nouveau le couteau entre les dents. Ils veulent, on ne sait au nom de quel appétit politique, démolir la coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir. « Nous ne nous laisserons plus marcher sur les pieds », a martelé Ibrahima Sall, le coordonnateur de « Macky 2012 ». Pourtant, il y a une chose qu’on ne devine pas souvent dans la coalition Benno Bokk Yaakaar. Dans cette affaire, tout le monde gagne. Si bien que la dislocation annoncée est plus qu’incertaine, voire utopique.
Le Parti démocratique sénégalais (Pds) revigoré par sa marche réussie, en est conscient. Dès le début de la gouvernance et un peu avant la traque aux biens mal acquis, les libéraux commençaient à psalmodier les cantiques les plus maléfiques contre cette alliance. « Ça n’ira pas loin », « Ils ne pourront pas tenir », « Ils ne peuvent pas s’entendre ! ».
Que n’a-t-on pas entendu au sujet de Bby ? Un an après la chute de Wade, la coalition tient toujours. C’est très peu pour s’en glorifier. Mais, jusque-là, il n’y a aucun signe sérieux qui compromette l’affaire.
Véritable tour en acier, cette coalition passe pour imprenable. Impossible de concasser les alliés. Non que les liens soient affectivement soudés entre les leaders ou les bases politiques, que l’amour soit platonique et qu’il y ait parfaite convergence de vues, mais parce que chaque composante y trouve son compte. Le premier à en être conscient est le chef de l’Etat, Macky Sall. Arrivé aux affaires par cette formidable entente contre le pape du Sopi, Me Wade, Macky mesure bien les effets bénéfiques que lui procure cette tour. Le premier gagnant, c’est bien lui !
Ce que gagne Macky Sall se mesure à l’aune des difficultés qui s’amoncellent sur son parcours de président de la République. En premier, la difficile baisse des prix des denrées. Là, c’est clair, le « Yonu Yokkute » est prisonnier des seigneurs du marché. Impossible d’aller au-delà des barrières érigées par les commerçants. L’opposition - notamment les libéraux - s’en réjouit. Et cela donne l’air de promesses non tenues.
Le casse-tête enseignant est encore là. Difficile de satisfaire leurs revendications, aux conséquences financières intenables pour le trésor public. Le grand cadre unitaire des syndicats d’enseignants a lancé son deuxième plan d’action. Il est ponctué par des débrayages et grèves générales étalés sur tout le mois de mai. Cette décision découle de l’échec du dialogue avec le gouvernement sur la satisfaction des revendications des enseignants, a expliqué le secrétaire général du Cuse. Le programme d’actions commence à partir du mercredi 14 mai 2013 par des débrayages.
S’ensuivent d’autres débrayages à partir du mercredi 22 et d’une grève totale au jeudi 23 mai 2013. « Le plan d’action va se dérouler jusqu’à la fin du mois, avec un débrayage et une grève totale à nouveau pour les mardi 28 et mercredi 29 mai 2013. Et le tout sera bouclé par une marche nationale à Dakar et dans les autres régions », a laissé entendre Oumar Waly Zoumaro, Sg du Sels authentique. A cette funeste perspective s’ajoute l’insoluble équation des bacheliers non orientés. Une centaine observe une grève de la faim.
Deux d’entre eux ont déjà été évacués à l’hôpital. La question qu’on croyait réglée a brutalement refait surface, en dépit des quelque 4 milliards injectés dans les écoles privées pour recevoir le trop-plein. Au plan politique, la traque des biens mal acquis avec la nouvelle fièvre installée au Pds, est loin d’être banale. Les libéraux, principales cibles de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ont décidé d’investir la rue et d’en faire leur principal instrument de dissuasion.
La banlieue où ils semblent avoir découvert l’arme fatale, crée déjà le désordre au sein de la coalition. Pour une marche interdite, Macky Sall essuie les critiques d’Idrissa Seck et de Mansour Sy Djamil. Faut-il laisser marcher les libéraux ? Difficile de trancher. Le pouvoir s’expose ici aux effets dévastateurs d’une marche réussie, ou au saccage systématique des badauds qui peuvent infiltrer les manifestants. Autre équation : la Casamance où douze otages dont trois femmes, tous des démineurs, sont entre les mains de César Atoute Badiate. Ces éléments du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) veulent monnayer leur libération par un engagement de l’Etat à renoncer au déminage.
Autant de problèmes qui anéantissent les légitimes appétits des apéristes sur les collectivités locales. Que vaut, en effet, pour Macky Sall, une main basse sur Dakar, Saint-Louis, Thiès, etc. et de devoir affronter, seul, la clameur née de la cherté de la vie, du harcèlement du Pds, de l’intransigeance des enseignants, des remous en Casamance ? Sans doute rien, sauf la perte certaine du pouvoir dès le premier mandat. Voilà qui ouvre inévitablement à Moustapha Niass la stabilité au perchoir.
Ce que gagne l’Alliance des forces de progrès (Afp) de Moustapha Niass, c’est donc d’abord les 5 ans à la présidence de l’Assemblée nationale. Au nom, au moins, de l’assainissement des mœurs politiques. Car, l’histoire du mandat du président de l’Assemblée nationale est tellement pourrie par les intrigues politiques, que Macky, lui-même victime des manouvres, devrait donner au patron de l’institution sa dignité. Ce que Niass et l’Afp gagnent c’est aussi le Ministère du Commerce, l’Asepex et ses députés. Le secrétaire général de l’Afp, plutôt contraint à être moins visible sur le terrain partisan, a la chance d’avoir El Hadj Malick Gakou. Démissionnaire du gouvernement, Gakou, libre, s’occupe en bon numéro 2 de la mobilisation de son parti. Même état d’esprit au Parti socialiste, l’autre grand allié de Bby.
Ce que gagne le Ps de Ousmane Tanor Dieng, ce sont ses deux ministres et ses députés. Nombre de ses cadres sont placés dans des positions de privilège. Il en est ainsi de Mame Bounama Sall, Pca de la Sicap, de Biram Ndeck Ndiaye, directeur du Centre régional des œuvres universitaires de l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Tanor qui continue à sillonner le pays, a deux fers au feu. Serigne Mbaye Thiam, le ministre de l’Education et Aminata Mbengue Ndiaye, la ministre de l’Elevage, sont deux poulains du secrétaire général du Ps. Ils sont en train de se faire une nouvelle santé dans l’occupation du terrain. En attendant l’inévitable bagarre pour la succession.
Serigne Mbaye Thiam en est tellement conscient qu’il s’est gardé d’affronter les assauts apéristes conduits par Youssou Touré et Amet Suzanne Camara. Invité à une cérémonie à un établissement scolaire de Grand-Yoff, Thiam a refusé de répondre aux questions des journalistes à propos des attaques de Touré et Camara. Il a l’esprit ailleurs. Et les agressions de ses deux responsables de l’Apr ne valent pas qu’il ruine son agenda. Et la gauche dans tout cela ?
Ce que gagne la gauche est incalculable. Aussi bien le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) que la Ligue démocratique (Ld) tire une bonne affaire de Bby. Les positions de ministre d’Etat du Pr Abdoulaye Bathily et d’Amath Dansokho maintiennent ces deux leaders dans une situation apte à consolider leurs positions dans leur parti. Avec leurs ministres et leurs députés, le Pit et la Ld gardent en perfusion des formations politiques vidées de leur substance. Dans cette ambiance, personne n’a intérêt à cracher sur Bby. Et ceux qui prédisent la mort de la coalition devraient garder leur mal en patience. Et purifier leur épitaphe.
Idy veut perdre aujourd’hui pour gagner demain
A la différence des ténors de la coalition Benno bokk yaakaar, Idrissa Seck cultive la rupture avec Macky Sall. Sa dernière sortie sur les caisses de l’Etat aurait pu lui valoir d’être défénestré du gouvernement. Il récidive avec la marche avortée des libéraux. Furieux, il attaque la mesure de l’autorité et s’en indigne. Son agenda à lui est sans équivoque : visiblement, Idy vise loin. Il cherche à occuper tôt un terrain que le Pds commence à remplir. Celui du fauteuil de patron de l’opposition. Terrain vide ? Assurément, car le Parti démocratique sénégalais (Pds) qui s’est vite déclaré parti d’opposition, n’a ni le temps ni les moyens intellectuels de s’y consacrer.
Le pouvoir va contraindre les libéraux à une opposition de jets de pierres et de courses-poursuites dans les rues de Dakar. Il délaisse un terrain où ils auraient pu inquiéter le pouvoir. Et éclairer l’opinion sur le discours des tenants du pouvoir, au regard de leur expérience des dossiers. C’est ce terrain que le président de Rewmi s’efforce d’occuper, quitte à perdre des positions au sein de Bby. Lors de sa sortie médiatique du 25 mars dernier sur la RFM, Idrissa Seck a ébloui son auditoire. Il est parvenu, le temps d’une émission à la radio, à se positionner en sérieux adversaire du chef de l’Etat. Une façon de perdre aujourd’hui, pour gagner demain.