BEUREUNG BARIGO A REWMI : IDRISSA SECK PERD SA DANSEUSE
LÉNA SÊNE ÉMERGE DE SA LUNE MIEL POUR METTRE LES VOILES
Lèna Sène, l’égérie du p’tit vizir de Thiès, vient de lâcher son mentor… En 2017, que restera-t-il de Rewmi atteint de démissionnite aigue au sommet ? En plus d’un néologisme, osons un optimisme béat : dans «démissionnaire», il y a «missionnaire», position propice pour féconder l’avenir. Petit rappel : Idrissa Seck, dès 2013, se pose en contradicteur principal de Sa Rondeur Macky Quatre. Mais d’ici là, concernant son parti, tout est à reconstruire autour de lui. Le Rewmiste suprême semble une sorte de Sisyphe sénégalais qui roule son tonneau inlassablement vers le sommet. Comme fait penser la chanson qui fait fureur, Rewmi dafay beureung barigo…
En préemptant le créneau d’arbitre central («Rewmi doxoul !») dont le sifflet est jusque-là dans la bouche prophétique d’Amath Dansokho (celui-là même dans le salon duquel le cocktail politicien qui conduit aux deux alternances se concocte), Idrissa Seck assurément prend date pour être le patron de l’opposition et, surtout, l’adversaire du sortant Macky au deuxième tour de la prochaine présidentielle. Seulement, pour cette posture, comme le Père Wade à partir de 1988, il faut les hommes pour. Le Père Wade qui voit tous les laissé-pour-compte des années ‘80 grossir les rangs de ses électeurs en 1988.
Pour cela, il lui faudra des cadres qui sauront incarner le petit peuple, comme Boubacar Sall en 1988. Il lui faudra des baroudeurs, ainsi que les calots bleus prêts à donner leur vie pour leur idole en 1988. Il lui faudra autour de lui des gens qui ont faim et soif d’une autre philosophie de l’exercice du pouvoir, qui n’ont rien à perdre et sont prêts à tout lui donner… De ce point de vue, la saignée de généraux mexicains qui frappe Rewmi est une purge qui pourrait paradoxalement le revigorer. Il y faut moins de people et faire plus peuple.
Les marxistes connaissent bien la boutade… Quand l’histoire se répète, la première fois, c’est une tragédie ; et la seconde, une farce. Idrissa Seck, donc, le clone court sur pattes du père Wade, perd donc ses seconds couteaux, ses troisièmes cuillères et ses quatrièmes fourchettes de luxe. Après Pape Diouf, Omar Guèye, Youssou Diagne et Nafissatou Diop, c’est au tour de Lèna Sène, sa danseuse, de le lâcher. Pour la paix des ménages, c’est déjà ça de gagné.
Les folles rumeurs qui accompagnent depuis toujours leurs relations ne sont sans doute pas pour apaiser leurs conjoints. A ma droite, l’indéboulonnable Ndèye Tall ; et à ma gauche, le sourcilleux Me Mbaye Dieng. Léna Sène, à peine sortie de sa lune de miel, tranche dans le vif : sa carrière professionnelle et sa famille (comprenez son soupçonneux époux) sont incompatibles avec Rewmi… La pétulante Madame Dieng (les fallène vous diront que c’est un patronyme à …coucher dehors) quitte donc Idrissa Seck. Pour une nouvelle mariée, en effet, rester proche de celui avec lequel on lui prête des relations troubles (pour dire le moins) peut être un sujet matrimonial qui fâche, le casus belli par excellence. Me Nafissatou Diop, la dernière transfuge de Rewmi connue, en réponse à Léna Sène qui se permet alors un commentaire sur sa félonie, lâche quelques mesquines confidences sur les couloirs de l’hôtel Saint-James où le Rewmiste suprême a ses habitudes.
Ça nous rappelle la fin des années ’80 durant lesquelles le Ndiombor Wade, encore p’tit animal politique agité dans la basse-cour, à l’ombre de Cheikh Anta Diop, Majmouth Diop et Mamadou Dia, perd le gros de ses troupes. Doudou Ndoye ouvre le bal, pour se faire nommer ministre de la Justice. Ah, le denier de Judas... Serigne Diop, fait son baluchon ensuite. Motif ? Le One-Man-Chauve (premier du nom) passe du travaillisme de gauche au libéralisme de droite sans sourciller. Il est vrai qu’il n’a pas de sourcil, pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il n’empêche, Serigne Diop «Sadakhta» l’accuse de déviationnisme et le vire du …Pds. Grave erreur : c’est plutôt Sadakhta qui sera exclu de la maison nouvellement libérale.
Ensuite, coup dur s’il en est pour Ndiombor Wade à l’époque, Fara Ndiaye, son numéro deux, rend le tablier en même temps que son mandat de député. Suivra Alassane Cissokho, le patron de l’Usefi, une sorte d’Ong financée par la fondation Neumann et qui fournit au Pds les moyens d’entretenir sa clientèle. Il est accusé de détournements de fonds libéraux, ce qu’il prendra très mal. Bien entendu, son épouse, Sophie Ndiaye Cissokho, susceptible, émigrera également chez les socialistes. Passons sur les soupçons de coup d’Etat attisés par «l’affaire des armes libyennes» durant laquelle les rangs du Pds sont décimés et ses militants jetés au cachot.
Tout ça pendant que le Père Wade se tourne les orteils à Versailles entre deux consultances au Soudan où il se constitue un fonds de campagne. Lorsqu’il débarque à Dakar en novembre 1987 avec sa Mercedes décapotable bleu pétrole, le Pds n’a plus que des seconds couteaux. C’est au cinéma El Mansour qu’il tient congrès d’investiture. Boubacar Sall, adjoint de Fara Ndiaye, passe numéro deux. Devant un parterre d’inconditionnels, celui qui deviendra le Pape du Sopi lui déclame :«je t’ai confié un parti, tu m’as rendu un parti et demi».
Le père Wade a dans ses valises un p’tit gars qui vadrouille alors à Sciences Po Paris, un certain Idrissa Seck, futur directeur de campagne en 1988. C’est un cousin à Alioune Badara Niang, présenté comme son conseiller financier, surnommé Foccart, et qui passe pour l’âme damnée du Ndiombor international. Le «bandit de grand chemin» Wade n’a plus autour de lui que des crève-la-faim, des gros bras et des fâchés de la comprenette. Ses nouveaux alliés dans la bourgeoisie locale : les communistes dissidents du Pai Amath Dansokho et Abdoulaye Bathily. La déferlante sopiste grosse de la fureur des rues s’apprête à ébranler la République. C’est à cette époque que le maître Wade devient le leader incontesté de la scène politique…
REWMI, CETTE ARMEE MEXICAINE QUE SES GENERAUX DESERTENT
Un quart de siècle plus tard, le scénario catastrophe devenu épopée triomphale en 2000 se reproduit. Idrissa Seck, One-Man-Chauve comme Lui (ainsi qu’il appelle son ombre tutélaire en 2001 aux législatives) est au creux de la vague. Les pronostiqueurs avertis misent sur sa mort politique tandis que les opportunistes prennent le large. En un mot comme en cent, tous ses chauffeurs de salle le lâchent. Le p’tit gars de Thiès se terre à Paris quand il ne gagne pas sa vie comme «auditeur-consultant» selon ses proches. Alors qu’à Dakar, ses troupes se décomposent, lui, on s’en doute, cogite.
En fait, c’est le casting de Rewmi qui pose problème. Lorsqu’Idrissa Seck crée Rewmi, il a le vent en poupe. Il est le Premier ministre sortant, martyr des chantiers de Thiès, bête noire du père Wade et ses affidés. Sa cote de popularité est à son summum. Ceux qui le suivent dans sa folle aventure sont persuadés de sa victoire en 2007. Le pays entier est convaincu que celui qui installe le Père Wade au Palais en 2000, peut prendre le pouvoir en 2007. One-Man-Chauve-Deux rate le coche de peu, certes, en terminant juste derrière One-Man-Chauve-Un avec 13% des voix… Rendez-vous est pris : on attend le Rewmiste suprême avenue Léopold Sédar Senghor en 2012... Ce sera le flop absolu (7% des voix à l’arrivée) accentué par l’élection de Macky Sall qui n’existe pratiquement pas en 2000, que lui-même sort du nombre et fabrique artificiellement.
Depuis cette date, plusieurs de ses rabatteurs de troupes quittent sa bannière. Faut-il vraiment s’en inquiéter ? Contraint par les reniements de ses affidés à un remaniement complet de son état-major d’ici 2017, Idrissa Seck peut se dire que tous les espoirs sont permis : les foules ne se donnent qu’à ceux qui ont été beaucoup trahis. Les belles toilettes s’en vont ? C’est l’occasion de procéder au toilettage. Il n’a jusque-là, en réalité, que des gens pressés d’occuper les allées du pouvoir. Les apparatchiks déserteurs de Rewmi sont plus des ronds-de-cuirs certainement aptes à l’exercice de fonctions au gouvernement et dans les directions de sociétés publiques, plutôt que des affoleurs de foule doués pour la conquête du pouvoir, la récolte tous azimuts de suffrages populaires et la célébration publique du corps divin du chef.
Dans l’opposition, Idrissa Seck a plus besoin des seconds que des premiers. Les technocrates, on a toute la latitude d’aller les chercher une fois qu’on est aux responsabilités et qu’on peut nommer à tous les emplois civils... Ils ne se donnent longtemps qu’à celui qui a déjà les attributs du pouvoir.
On a pu croire que Lèna Sène serait un pit-bull avec du rouge sang au coin des lèvres. Jusqu’à ce qu’elle ouvre la bouche. Pour se révéler n’être qu’une technocrate barbouillée de rouge à lèvres. Léna n’aura été que la danseuse du chef, l’égérie dont les militants passent le caprice au leader tout en sachant qu’elle ne lui est d’aucune utilité. Depuis qu’Idrissa Seck dit être à «l’an zéro» de sa carrière politique, les adjudants sont atteints de blues. Repartir à zéro ? Très peu pour eux !
Léna comme les autres ne peuvent plus attendre et désertent les rangs de Rewmi. S’opposer n’est pas leur vocation, encore moins leur ambition. Le seul moment où le mot «combat» leur parle, c’est quand il est question d’un «gouvernement de combat». Dont ils feraient partie de préférence. Ils partent tous vers le destin pour lequel ils pensent être préparés par leurs hautes études et leur pedigree professionnel : celui de gouverner. Léna Sène, dernière démissionnaire en date, quoi qu’elle en dise, finira dans les couloirs de Léopold Sédar Senghor. Une suite logique pour cette oie blanche qui débute sa carrière à la …Maison Blanche de Washington.