A Bobigny, des mariages comme des contes de fées
BOBIGNY (Seine-Saint-Denis), 30 juil 2013 (AFP) - Marianne noire avec quatre yeux, fauteuils des époux flashy en forme de coeur, graffiti chinois aux murs: depuis sept ans à Bobigny une extravagante salle des mariages continue de transformer le passage devant le maire en conte de fées.
"Je tenais absolument à me marier ici !", dit Béatrice émue aux larmes après avoir dit "oui" à Olivier, au milieu des photographes et des invités. "C'est une salle multiculturelle qui me ressemble et il y a un côté
humoristique, j'ai eu l'impression d'être dans le monde d'Alice au Pays des Merveilles !".
L'adjointe au maire, Laurence Blin, adresse ses voeux de bonheur aux tout jeunes époux. "C'est une salle colorée et festive, à l'image de la ville, qui renouvelle le rite républicain du mariage", glisse-t-elle de son accent méridional.
Car Bobigny, préfecture de Seine-Saint-Denis, offre habituellement au visiteur son paysage gris de tours et de grands ensembles, avec en son centre son improbable hôtel de ville, comme en lévitation au-dessus d'une énorme dalle de béton. "L'ancienne salle des mariages datait de 1974 et était triste à mourir", explique Jean-Jacques Brilland, directeur de l'office du tourisme.
Dans cette ville aux mains depuis 1920 du PC, qui en a fait sa vitrine du communisme municipal, les élus ont donné carte blanche à l'artiste Hervé di Rosa, qui a transformé en 2006 la terne salle en-demi cercle en un improbable délire kitsch, tout en veillant à respecter les symboles républicains.
Le visage ornant le siège du maire est androgyne, avec un bonnet phrygien, dégageant une image de fermeté et d'autorité. La table des mariés, où l'édile et les époux signent les registres, est en forme d'une immense lèvre rouge fuchsia.
Les pieds des fauteuils des mariés, aux couleurs pimpantes, ont droit à des escarpins ou à des mocassins, avec au-dessus du dossier des tiges en fer en forme de coeur et d'éclair, symbolisant un coup de foudre. "Mais un enfant m'a demandé un jour si ça ne représentait pas les cornes de la mariée...", confie M. Brilland, jamais avare d'anecdotes.
"Ménage à trois"
Au milieu d'un mur bleu-blanc-rouge, une Marianne noire, conçue au Cameroun, a quatre yeux, deux regardant l'instant du mariage et deux scrutant vers un horizon radieux, avec un ventre proéminent, offrant voeux de fertilité aux mariés. "Il n'est écrit nulle part que Marianne doit être blonde aux yeux
bleus", plaide Mme Blin.
Mais le plus étonnant est sans doute les vitrines qui fourmillent de mille objets et photos plus incongrus les uns que les autres, certains offerts par les Balbyniens - les habitants de la ville. Aussi on retrouve une vieille carte en noir et blanc avec des hommes portant fièrement la moustache avec l'inscription "guerre au célibat, plus de vieilles filles, faites votre choix mademoiselle".
On découvre également une couverture du magazine "Le Crapouillot" des années 1960 professant le "Mariage ouvert", "Sexualité de groupe, ménages à trois, communauté et autres folies de
notre temps". A l'office du tourisme, on assure que la salle des mariages constitue une nouvelle attraction insolite, avec 5.000 visiteurs depuis son inauguration et des articles publiés jusqu'en Asie.
"Car si certains trouvent que ça fait centre de loisirs ou crèche, beaucoup aiment et on reçoit même des demandes de dérogation" de personnes n'habitant pas la commune mais souhaitant s'y marier,
souligne Rachid, adjoint à l'état civil.
Katia, 37 ans, venue de Laval assister au mariage de Béatrice, est elle aussi séduite. "C'est vraiment très original, avec toutes ces couleurs. Je trouve ça super qu'il y ait une Marianne noire... En tout cas ce n'est pas une salle des mariages standard, on n'en a pas des comme ça en Mayenne !"