BON VENT, MADAME LE PREMIER MINISTRE !
C'était impressionnant lors du premier concert donné en juin dernier par le ministre du Tourisme Youssou Ndour au Cices, dans le cadre de la fête de la musique, de voir l'accueil que le public avait réservé à Mme Aminata Touré, "Mimi", Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Aux nombreux applaudissements qui ont spontanément retenti, il était loisible de mesurer sa popularité auprès du nombreux public présent à cette occasion. Youssou Ndour avait donc convié sur le podium différentes personnalités de l'Etat dont les ministres des Forces armées, du Budget; le Secrétaire général du gouvernement et le Directeur du Cabinet du président de la République.
D'accord partie, ces personnalités avaient convenu que ce soit le Secrétaire général qui parle au nom de tous. Habitué à chauffer les salles et doté d'un grand flair,"You" est allé à contre courant de ce protocole. Il avait tenu, tout en s'en excusant, à donner la parole à "Mimi" Touré. C'était bien senti car la salle jusque là timorée, avait fini par se déchaîner à faire pâlir de jalousie ses pairs.
A l'évidence, elle est un des rares membres du gouvernement quelque peu pléthorique de Macky Sall à ne pas être une inconnue pour la grande majorité des Sénégalais. Non pas qu'elle soit la plus travailleuse, la plus brillante, la plus charmante, mais plutôt parce qu'elle cristallise l'espoir dont on sait qu'il se nourrit de tous les fantasmes. A "Mimi", il est prêté un certain nombre de valeurs comme la rigueur, l'opiniâtreté, la transparence.
Sans y être contrainte, elle a été l'un des rares ministres à avoir rendu public son patrimoine, rompant ainsi avec certains discours préférant se réfugier derrière des pratiques attentistes, convoquant au besoin des traditions obsolètes de "soutoura", d'une société sénégalaise qui ne cesse pourtant de faire dans l'ostentation. Par sa démarche volontaire, elle affichait ainsi une modernité citoyenne, celle d'une femme de son temps, droite dans ses bottes et prête à bousculer l'ordre ancien pour enfanter un nouvel ordre en phase avec les aspirations et les attentes de son époque.
Garde des Sceaux, ministre de la Justice, elle s'est imposée dans l'imaginaire de ses compatriotes comme une dame intransigeante, n'ayant pas froid aux yeux, prête à aller jusqu'au bout dans la traque des biens supposés mal acquis. Nul n'ignore qu'alors que son ancien mari (elle s'est remariée depuis plusieurs années) et père de son aînée, a été cité dans des affaires pendantes devant la justice, elle n'a montré aucun signe de faiblesse, se disant déterminée à laisser les choses se faire dans les règles de l'art, loin de toute pression affective. Elle s'est faite aussi remarquer dans l'affaire Cheikh Bethio Thioune, interpellé pour plusieurs délits dont celui de complicité de meurtre, en encourageant la justice à suivre son cours. On ne la connait pas non plus comme adepte de ces drôles de manifestations de parrainage où l'argent coule à flots, passant entre les mains de griots qui se perdent dans des discours laudatifs.
Militante, elle a été au cœur du dispositif de conquête du pouvoir du président Macky Sall, sillonnant avec lui des milliers de kms, avalant la poussière, dormant chez l'habitant, découvrant avec lui les réalités d'arriération du Sénégal profond, la souffrance des populations rurales, le retard sur certains investissements. "Mimi" est donc un ministre politique. Ce qui est attendu d'elle, c'est de faire revenir la politique à ses vertus cardinales à savoir la gestion de la cité. Deuxième Premier ministre femme du Sénégal indépendant, née après les indépendances comme le chef de l'Etat, tout concourt à ce qu'elle prenne la pleine mesure de toutes ses responsabilités et la conscience de ses hautes missions. En tout cas, elle affirme accepter son nouveau poste de Premier ministre " avec beaucoup d’humilité" et s'engager à inscrire " ce nouveau défi, sous le sceau de l'accélération des actions entreprises depuis l'année dernière".
Accélérer la cadence, sortir le pays de la torpeur dans laquelle il semble être plongé est assurément un gros challenge à relever. Autant les gens apprécient la traque des biens mal acquis, autant le gouvernement ne doit pas donner l'impression de n'être mobilisé que sur cela. Il lui revient donc de savoir marcher sur ses deux jambes en accélérant en même temps la cadence dans le règlement des problèmes auxquelles les Sénégalais sont confrontés. Pourquoi pas un gouvernement resserré composé de ministres vertueux ayant le sens de leurs missions, conscients des multiples défis à relever. Et ils sont énormes. La Casamance qui n'en peut plus d'un conflit trentenaire qui plombe toutes ses potentialités de développement; la crise universitaire, les inondations; le chômage des jeunes, la tragédie des inondations comme en témoigne la région de M. Il est attendu de cette deuxième alternance qu'elle ouvre enfin une alternative, celle qui épouse les grosses attentes de populations qui piaffent d'impatience comme lassées de scruter des changements dans leurs quotidiens qui tardent à être au rendez-vous.
Il y a urgence !
Bon vent, Madame le Premier ministre.