BRISER LE SILENCE
ABUS SEXUELS SUR LES ENFANTS
« Abus sexuel sur les enfants, briser le silence », c’est le thème de l’Afrique citoyenne Numéro 30 initié par la fondation Konrad Adenauer ainsi que quelques acteurs. A travers une bande dessinée,ils ont tenu à sensibiliser les victimes sur ce fléau qui prend une ampleur considérable.
Violentée et menacée de mort par son oncle Omar, la petite Astou subit l’inceste en silence et tombe finalement enceinte. L’histoire incarnée par cette héroïne est le sort de milliers d’enfants. L’abus sexuel dont bien des enfants sont souvent victimes, est souvent entouré d’un voile de pudeur, surtout quand proie et bourreau sont de la même famille.
C’est l’avis de Mme Ute Bocandé, conseillère scientifique et chargée des programmes de la Fondation Konrad Adenauer. «Nous avons pris l’option de parler franchement et sincèrement de ces abus afin qu’ils soient dévoilés par les victimes elles-mêmes. En effet, dans la bande dessinée, nous constatons que le silence de la victime ne fait que prolonger son calvaire, alors que lorsque l’abus est dévoilé, tout l’entourage s’engage à le faire cesser et le responsable est mis aux arrêts », explique-t-elle.
Encourager des victimes
La bande dessinée est utilisée par la Fondation comme un moyen de donner courage aux victimes d’abus et de violences sexuelles. Car, estiment les promoteurs du projet, c’est seulement quand on parle ouvertement des abus sexuels qu’on peut les combattre. « Comme d’habitude, nous envoyons la bande dessinée à toutes les écoles et aux organisations de la société ; et, cette fois-ci, nous mettrons le point focal sur les activités de vacances, car ce ne sont pas des actions d’éclat qui aideront à résoudre ce problème, mais plutôt des activités de longue haleine », déclare Ute Bocande.
Conscients du fait que beaucoup de victimes ne savent même pas que les abus sexuels sont passibles de peines, les membres de la fondation veulent porter l’information et la sensibilisation dans les familles, dans les quartiers. Les victimes des abus souffrent en silence et ont honte d’expliquer à leur famille que c’est un parent ou un ami de la famille qui abuse d’elles. La bande dessinée donne du courage aux enfants victimes d’abus sexuels. Le courage de transcender leur sentiment de peur et de honte, le courage de dénoncer les coupables et de les livrer aux autorités compétentes.
Des pesanteurs qui persistent
Ces violences sexuelles exercées sur les enfants ne peuvent être expliquées sans que l’on se réfère à l’anthropologie de la société sénégalaise, faite de discrétion et de pudeur. Ces pratiques s’exercent au niveau de la cellule familiale, avant de se révéler au niveau macro dans la société. « L’on a pris conscience de ce phénomène, notamment par le dévoilement cru des médias qui, comme chacun le sait, ont explosé dans cette dernière décennie, révélant sans pudeur aucune l’ampleur du phénomène », analyse Sidy Dieng, président de l’Association sénégalaise de coopération décentralisée (Asecod).
Il ajoute : « Nous sommes choqués que des individus profitent de la pauvreté de notre société et de sa vulnérabilité pour faire de nos pauvres enfants des victimes de viols abjects. Nous souhaitons lancer une alerte à la société, pour que soient éradiquées ces pratiques détestables ». Les traumatismes infligés chaque année à plusieurs milliers d’enfants s’expliquent par la perte des valeurs et repères, que certains expliquent par les agressions culturelles dues à télévision, les Tics, la publicité.
A cela s’ajoute la véritable démission de certains parents. Avec la crise économique ambiante, les parents au quotidien sont dans des stratégies de survie. Ce qui fait qu’ils n’ont plus le temps de s’occuper de leur progéniture. Les cas de violences exercées sur les enfants et rapportés par la presse ne constituent que la partie visible de l’iceberg. Au Sénégal on a l’habitude d’étouffer et ou de maquiller certaines affaires pour éviter les scandales familiaux, ce qui fait que malgré tout l’arsenal juridique visant à protéger les enfants, les lourdeurs sociologiques ont encore trop souvent le dernier mot.
Si le droit à l’éducation est bel et bien inscrit dans notre constitution et s’il est également vrai que plusieurs initiatives ont été prises pour le bien-être et le développement, il n’en demeure pas moins que des pesanteurs subsistent.