BUHARI DEFIERA JONATHAN DANS UN NIGERIA SOUS LE FEU DE BOKO HARAM
PRÉSIDENTIELLE DE FÉVRIER 2015
Lagos, 11 déc 2014 (AFP) - L'ancien dictateur Muhammadu Buhari affrontera le président sortant Goodluck Jonathan à la présidentielle de février 2015 au Nigeria, où la lutte contre l'insécurité s'impose plus que jamais comme un enjeu majeur en raison des incessantes attaques islamistes.
Les deux hommes, qui se sont déjà affrontés à l'élection de 2011, ont érigé la sécurité au rang de priorité, au moment où le nord du pays est presque chaque jour attaqué par le groupe islamiste Boko Haram.
Au moins 31 personnes ont été tuées jeudi dans un double attentat à la bombe à Jos, une ville du centre du Nigeria située à la jonction du Sud chrétien et du Nord musulman.
La veille, une fille de 13 ans munie d'une ceinture d'explosifs a été arrêtée à Kano, la plus grande ville du Nord, quelques heures après un double attentat-suicide perpétré par deux femmes qui avait fait quatre morts.
C'est dans ce contexte de violences continuelles que le décor est désormais planté pour l'élection du 14 février 2015, rendez-vous majeur pour le pays le plus peuplé d'Afrique, première puissance économique du continent.
L'ancien général Buhari, âgé de 71 ans, dont ce sera la quatrième candidature à la présidentielle, a remporté les élections primaires du Congrès Progressiste (APC) avec 3.430 voix, loin devant l'ancien vice-président Atiku Abubakar, 68 ans, donné comme l'autre favori parmi les cinq prétendants, qui n'a obtenu que 954 voix.
Le nouveau champion du principal parti d'opposition s'est engagé à rétablir l'ordre, s'il est élu à la tête de l'Etat, promettant de ferrailler contre la corruption et l'insécurité.
Celui qui a dirigé une junte militaire à la tête du Nigeria entre 1983 et 1985 s'est forgé au fil des années une réputation d'incorruptible, ce qui n'est pas rien dans cette puissance pétrolière gangrenée par les pots-de vin et détournements de fonds. Il a assuré ne pas vouloir "régner en maître sur le Nigeria".
"Je veux gouverner le pays de façon démocratique, avec votre aide", a-t-il lancé sous les applaudissements.
Défendant une "cause commune", il a appelé à l'unité ce pays prondément déchiré par les clivages religieux.
Les 7.214 délégués du parti ont voté jusqu'à 03h00 du matin (02h00 GMT) dans la nuit de mercredi à jeudi dans un stade de Lagos, où les bulletins ont été dépouillés puis comptés en public dans l'après-midi.
- Violences postélectorales en 2011 -
Au même moment, le Parti démocratique populaire (PDP) de Goodluck Jonathan tenait un congrès à Abuja, la capitale, et a ratifié la candidature du président sortant, son unique prétendant.
Le chef de l'Etat, 57 ans, a lui aussi promis de faire de la sécurité du pays sa "première priorité" s'il est réélu. Selon lui, la sécurité dans le Nord-Est "s'améliore légèrement".
M. Jonathan est donné favori pour 2015: au Nigeria, le président sortant a pour habitude de mobiliser d'importants fonds publics pour assurer sa réélection.
Pourtant, la prochaine présidentielle s'annonce comme la plus serrée depuis le retour à la démocratie en 1999, quatre partis d'opposition ayant choisi de se regrouper au sein de l'APC.
D'autant que M. Jonathan est très critiqué pour son incapacité à stopper la progression de Boko Haram, qui s'est emparé de pans entiers du territoire dans le Nord-Est.
Il s'est aussi montré incapable de faire libérer plus de 200 lycéennes enlevées en avril dernier à Chibok (nord-est) et toujours aux mains des islamistes.
Leur rapt a suscité une émotion considérable à travers le monde. Violences islamistes, tensions politiques: le scrutin de février s'annonce à hauts risques, selon les observateurs.
M. Jonathan avait remporté la présidentielle de 2011 avec quelque 59% des voix, contre 32% des voix à M. Buhari.
La défaite de ce musulman de l'ethnie fulani, originaire de Katsina, dans le Nord, contre M. Jonathan, un chrétien du Sud, en 2011, avait provoqué des violences qui avaient fait près d'un millier de morts, dans un pays où les tensions politiques réveillent souvent des divisions ethniques et religieuses.
M. Buhari peut en tout cas se prévaloir des éloges de l'ancien président Olusegun Obasanjo, pourtant un ténor du PDP.
Dans une autobiographie qu'il publie, M. Obasanjo estime que le champion de l'opposition ferait "un dirigeant fort, quasi-inflexible, courageux et déterminé".
En revanche, l'ancien chef de l'Etat, qui demeure incontournable dans le jeu politique nigérian, accable dans son livre son ancien poulain Goodluck Jonathan, qu'il juge incompétent et sans "charisme".