BURKINA : LA MEDIATION PROPOSE LE RETOUR DE KAFANDO
Ouagadougou, 19 sept 2015 (AFP) - Le président sénégalais Macky Sall, venu en urgence au Burkina Faso pour tenter une médiation après le coup d'Etat militaire de jeudi, travaille à un scénario "qui pourrait très fortement conduire au retour" du président de transition Michel Kafando, a annoncé Dakar samedi.
Selon un dernier bilan hospitalier, les violences qui ont accompagné le coup d'Etat ont fait au moins 10 morts et 113 blessés.
Les syndicats burkinabè évoquaient quant à eux "au moins une vingtaine de morts par balles", alors que la tension restait vive dans la capitale.
Arrivés vendredi à Ouagadougou, Macky Sall, dirigeant en exercice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), et son homologue béninois Thomas Boni Yayi ont rencontré samedi après-midi, pour la 3e fois depuis leur arrivée, le général putschiste Gilbert Diendéré "pour des consultations décisives sur un schéma de sortie de crise qui pourrait très fortement conduire au retour du président Kafando", selon un communiqué de la présidence sénégalaise envoyé à plusieurs médias.
Une source diplomatique étrangère à Ouagadougou a confirmé à l'AFP ce scénario. "Ce qui est envisagé et qui va être fait, c'est le maintien de Kafando à la tête de l'État et du gouvernement pour terminer la transition.
Diendéré devrait donc partir", a assuré cette source. Interrogé par l'AFP sur les efforts pour le retour du président de transition, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, a répondu:
"Oui, c'est ce qu'on tente d'obtenir". Rien ne filtrait en revanche sur les éventuelles garanties ou contreparties offertes aux putschistes.
Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité d'élite de l'armée forte de 1.300 hommes dirigée par le général Diendéré, un proche de l'ancien président Blaise Compaoré, a pris le pouvoir jeudi en accusant les autorités d'avoir dévoyé le régime de transition post-Compaoré, notamment en excluant les partisans de l'ex-homme fort des élections prévues le 11 octobre.
"Nous voulons tout simplement avoir des propositions pour aller aux élections dans la sérénité (...) et faire en sorte que les résultats soient incontestés et incontestables", assurait le général Diendéré sur TV5 Monde vendredi soir.
Plus tôt samedi, les deux présidents africains chargés de la médiation avaient enchaîné les consultations avec les acteurs politiques, syndicaux et de la société civile burkinabè, qui réclament à l'unisson le départ des putschistes et l'organisation des élections censées faire sortir le pays de la transition entamée fin 2014.
- Barrages routiers et pneus brûlés -
Les deux chefs d'Etat étrangers se sont également rendus à la résidence surveillée de Michel Kafando, le président du régime de transition.
"Tous ces entretiens ont porté sur les voies et moyens d'éviter l'impasse et d'aider à la poursuite de la transition pour aboutir à des élections libres, transparentes et inclusives", selon un autre communiqué de la présidence sénégalaise.
Un peu partout à travers le Burkina Faso, des habitants, souvent des jeunes, ont érigé des barrages routiers et brûlé des pneus, paralysant la circulation et le pays pour mettre la pression sur les putschistes.
"On a dit que c'est +ville morte+, donc personne ne passe ici!", expliquait Souleiman Kabore, un jeune posté à un barrage à l'entrée ouest de Ouagadougou.
"L'économie ne doit pas fonctionner tant que Diendéré est au pouvoir!" Même situation dans l'Ouest. A Bobo Dioulasso, les barrages empêchaient tout véhicule d'entrer ou de sortir de la ville.
Dès la nuit de vendredi à samedi, les maisons de deux anciens proches de l'ex-président Blaise Compaoré - Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou et Salif Diallo qui ont tous deux rejoint les rangs de l'opposition en 2014 - avaient été saccagées.
Le président de l'Assemblée du régime renversé, Cheriff Sy, avait appelé vendredi la population à la mobilisation, tout comme le mouvement "Balai citoyen", en pointe dans le soulèvement populaire contre M. Compaoré l'an dernier.
Dès vendredi, l'Union Africaine avait annoncé la suspension du Burkina Faso ainsi que des sanctions à l'encontre des putschistes, frappés d'une interdiction de voyager et d'un gel des avoirs dans tous ses États membres.
Le Burkina Faso a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d'État militaires. Le général Diendéré avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir Blaise Compaoré et s'était soldé par la mort du président Thomas Sankara.
Le général Diendéré, qui nie être téléguidé par Blaise Compaoré, a promis d'organiser "rapidement" des élections. On ignorait toujours samedi où se trouve l'ex-président, qui réside habituellement en Côte d'Ivoire voisine depuis son exil forcé.