C’EST LE TEMPS DES DEPARTS "EMBELLIS"
Au Pds, les candidats à la transhumance multiplient les attaques contre Oumar Sarr, le coordonnateur. C’est, à l’apparence, juste une parade pour fuir la barque.
Oumar Sarr parle moins depuis quelque temps. Il y a une nouvelle donne qui le contraint au silence. Peut-être même à la méditation. La tourmente qui affecte le Parti démocratique sénégalais (Pds) y est pour quelque chose. Des caciques commencent à quitter le navire. Au mauvais moment. Ces départs étaient prévisibles. Ou les tenants du pouvoir les arrachent, ou ils font défection. Et depuis que le Pds a perdu le pouvoir, on ne dénombre plus les transhumants. Sauf si leur embarcation est interdite d’escale. C’est le cas de l’ex-ministre de l’Education sous Wade, Kalidou Diallo. Son adhésion à l’Alliance pour la République avait été annoncée en mars dernier. Le dernier ministre de l’Education sous l’ancien régime de Wade, sortait alors d’une audience avec Macky Sall.
A l’époque, on parlait même de deal. Très actif dans la Génération du Concret de Karim Wade où il avait réussi le pari de créer une association des enseignants concrétistes, Kalidou Diallo aurait même, selon les termes de l’accord ( ?), accepté d’occuper un poste de ministre-conseiller du président de la République chargé de la réforme des « daaras » (écoles coraniques) ou des langues nationales et de l’alphabétisation. Mieux, on commençait à spéculer sur son possible retour au Département de l’Education, engourdi par une série de grèves. La mayonnaise n’a finalement pas pris.
Youssou Touré, ministre-conseiller et Pca de la Bhs, a freiné net son envol. Il n’est pas le bienvenu, avait-il alors prévenu. Les responsables de l’Apr de Ogo, un village de la région de Matam, ont enfoncé le clou. Alors que Kalidou Diallo est originaire de cette localité. Là, c’est Mallé Ndiaye, un des responsables de la Communauté rurale et par ailleurs membre de la section dakaroise des cadres. Selon lui, Kalidou Diallo ne peut rien apporter à l’Apr, dans cette localité où il a été battu aussi bien à la Présidentielle qu’aux Législatives. Et selon Mallé Ndiaye cité par le quotidien l’Observateur, de nombreux émigrés ont menacé de déchirer leur carte si Kalidou Diallo venait à rejoindre l’Apr.
Autre transhumance jusque-là plombée, celle de Khoureïchi Thiam, ancien ministre de la Pêche sous Wade. Il a été plus malchanceux que Kalidou Diallo. Rallié très tôt à l’Apr, le véhicule de Khoureïchi Thiam a été purement et simplement bombardé de pierres par des militants de l’Apr de Tambacounda, incapables de souffrir la présence de l’ex-responsable libéral. L’ancien ministre de l’Economie maritime, récusé par les fidèles du président Macky, a persisté. Ainsi, venu battre campagne pour les Législatives en faveur de Benno Bokk Yaakaar, il a été accueilli par une pluie de pierres déclenchée par de jeunes républicains. Les projectiles ont sévèrement endommagé les vitres de sa voiture. Et comme si cela ne suffisait pas, les protestataires ont engagé une bagarre avec les éléments de sa garde rapprochée, provoquant un indescriptible tohu-bohu. C’est ce climat-là qui commençait à réconforter le Pds.
Des départs, il y en a eu, mais les têtes de pont de la formation libérale alors aux affaires, sont toujours « bleus ». Non qu’ils soient tous fidèles au Sopi, mais parce que la révulsion que leur défection aurait créée gâcherait leur déploiement à l’Apr. Macky Sall l’a compris. Il a demandé à ses camarades d’élargir les bases du parti à tous ceux qui veulent venir. Son compagnon des heures chaudes, Moustapha Cissé Lô, vice-président à l’Assemblée nationale, bannit de son langage le terme « transhumant ». Et comme pour donner la preuve de son engagement à ouvrir l’Apr à tout le monde, il a quasiment parrainé l’adhésion de l’actuel directeur général du Cosec, Abou Diop. Là aussi, il y eut des grincements de dents. Mais le plus dur se trouve ailleurs.
Depuis quelque temps, en effet, c’est Oumar Sarr le coordonnateur du Pds, qui essuie les critiques de ses frères de parti. Le dernier coup lui a été asséné le week-end dernier. « Il y a un problème pour la direction du Parti démocratique sénégalais. Nous essayons autant que faire se peut de redresser ce que nous pouvons faire. Mais, pour ce que nous ne pouvons pas redresser, on préfère se taire », a martelé l’ancienne ministre du Travail, Mme Innocence Ntap Ndiaye. « C’est un problème de management. C’est un problème de direction. Il n’est pas donné à tout le monde de diriger des hommes. Ça requiert des qualités », a rapporté l’Aps. Mme Ndiaye s’exprimait en marge de la 1ère Assemblée générale du Réseau des femmes innocentes. « En tout cas (…), j’ai décidé de faire mon chemin, de faire mes activités de femme, de travailler pour le développement et le retour de la paix en Casamance, parce que j’ai des résultats tangibles pour çà », a-t-elle insisté.
La responsable libérale qui se dit déterminée à changer les choses dans le Pds, a soutenu que la désignation d’Oumar Sarr comme coordonnateur du parti était « provisoire ». « Il a fallu trouver quelqu’un pour diriger le parti pendant la période post élection présidentielle et les élections législatives. C’est le mandat qu’il avait, mais ce n’était pas pour qu’il reste à la tête du Pds », prévient Innocence Ntap Ndiaye. Un discours qui cache mal l’hostilité à l’actuel coordonnateur du Pds. Une inimitié que l’ex-conseiller du dernier Premier ministre de Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, a exprimée en des termes plus clairs, voire plus musclés. Youssou Diallo, responsable libéral à Saint-Louis, a claqué la porte, suite à la nomination d’Ahmet Fall Braya comme coordonnateur départemental par Oumar Sarr.
Après la vague de départs (Pape Diop, Thierno Lô, Abdou Fall…), c’était au tour de Youssou Diallo de déposer sa lettre de démission sur la table du coordonnateur du parti libéral, Oumar Sarr, dont les « agissements » l’ont poussé à claquer la porte. « Le motif immédiat de ma démission est l’acte pris, hier, de désigner Ahmet Fall Braya comme coordonnateur départemental de Saint-Louis, à l’issue d’un meeting qui n’a regroupé que la section communale de Saint-Louis. Aucun grand responsable n’était présent », dénonce Youssou Diallo.
Ce qui révolte surtout M. Diallo dans cette affaire, c’est que « Oumar Sarr n’est que délégataire de pouvoir. Donc, il n’a pas les prérogatives de subdéléguer des pouvoirs à quelqu’un d’autre sans l’avis du Comité directeur ». Pour Diallo, le coordonnateur du Pds s’est engagé dans une « vaste opération de balisage » qui, à terme, devrait lui permettre de constituer son puzzle. « Il est en train de tisser sa toile pour s’imposer à la tête du parti », alerte-t-il. Au rythme de ses attaques contre Oumar Sarr, les candidats au départ finiront par trouver le beau prétexte pour fuir la barque. La brèche ouverte que constitue son escapade vers la Mauritanie, en dépit de l’interdiction de sortie du territoire qui frappe le coordonnateur du Pds, rend les choses plus faciles. Le coup, mal inspiré, a indigné plus d’un.
L’ancien ministre aurait pu se passer d’un tel travestissement pour défier les autorités. Est-ce l’acte de trop pour ses frères de parti, qui commencent à lui rappeler son statut « provisoire » ? Tout porte à répondre par l’affirmative. Nombre de caciques ont, en tout cas, perdu la voix depuis quelque temps. Il en est ainsi de Me Ousmane Ngom. Naguère au premier rang du combat contre la traque des biens mal acquis, Me Ngom a quasiment disparu de la circulation. Il a réduit ses sorties médiatiques et ne donne presque pas signe de vie. Même ligne de défense chez Modou Diagne Fada. Lui aussi ne parle presque plus. Par contre, Farba Senghor n’a pas mis de gants pour s’attaquer à la gestion d’Oumar Sarr. Prépare-t-on finalement un coup contre Oumar Sarr ? On peut bien le croire. Car, désormais, les candidats à la transhumance ont trouvé le moyen d’embellir leur départ.