CAN: IBENGE, LES DÉFIS D'UN CH'TI LÉOPARD
Lillois de Kinshasa ou inversement, le sélectionneur de la RD Congo Florent Ibenge porte un regard sans concession sur les défis rencontrés par les joueurs en RDC et les entraîneurs africains en France, avant sa demi-finale de CAN-2015 contre la Côte d'Ivoire.
Né dans la capitale congolaise et arrivé dans le Nord-Pas-de-Calais à 12 ans, "je sais vivre comme un Français et comme un Congolais, les deux mélangés sont une richesse", avance lundi dans un entretien à l'AFP cet ancien joueur franco-congolais (53 ans) de clubs semi-professionnels, médiatisé par son expérience baroque auprès de Nicolas Anelka en Chine.
Joueurs de RDC
Pourquoi y a-t-il si peu de Congolais dans les grands clubs au vu du réservoir (67,5 millions d'habitants)?
"On n'a pas de formation, les joueurs se forment dans la rue. Les gamins très doués, sans formation, continuent avec leurs défauts et ne découvrent pas le très haut niveau. La volonté politique n'y était pas avant, ça commence à venir. En investissant dans le foot, on investit dans la jeunesse et l'éducation. Ca vaut la peine d'y mettre les moyens".
"Notre pays n'est pas prospecté. C'est curieux parce qu'on est le pays où on joue peut-être le plus au foot. Le club de Lille, par exemple, m'a dit que c'était à cause de l'insécurité. Mais quand on met la RDC sur la carte de l'Europe, ça va du Portugal jusqu'en Pologne. S'il y a des troubles au Portugal, il n'y en a pas en Pologne !"
Entraîneur africain en France
"En France, dans les deux premières divisions, il y a énormément de joueurs noirs, et un seul entraîneur noir, Kombouaré. A quoi est-ce dû ? Est-ce que les postes de direction sont réservés aux blancs ? Je le dis sans que ce soit péjoratif, je ne mène pas du tout une guerre, c'est tout simplement un constat".
Explications: "Quand j'ai passé mon diplôme, on n'était pas beaucoup de candidats d'origine africaine. Ensuite, on ne nous fait pas suffisamment confiance. Pourtant, quand on nous met à l'épreuve, on arrive à avoir de bons résultats. C'est valable pour les entraîneurs comme dans tous les métiers".
A-t-il vu des portes se fermer? "Ah oui, c'est clair! On vous dit partout que vous êtes compétent, mais on ne vous prend jamais. Même pour entraîner une CFA, c'est compliqué. Pourtant, j'ai les mêmes diplômes que ceux qui entraînent d'habitude ! On est au XXIe siècle, et on est encore confronté à ces histoires de couleurs, noir, blanc, jaune. Ca dépasse mon entendement".
Adjoint d'Anelka en Chine
Son premier grand défi d'entraîneur, Ibenge l'a connu à Shanghai pendant quelques semaines en 2012 en tant qu'adjoint d'Anelka, éphémère entraîneur-joueur auquel il voue une "reconnaissance éternelle".
"J'ai connu Nicolas quand il avait 9 ans, et j'ai joué contre lui quand je jouais à Boulogne-sur-Mer et lui au PSG à ses débuts à 16 ans. Nos familles ont tissé des liens à Trappes. Mais si je n'avais pas été un entraîneur, il ne m'aurait pas appelé".
"C'était une expérience magnifique. Quand le club s'est séparé de Jean Tigana, ils ont demandé à Nico de prendre la relève. Il a pensé à moi pour le seconder, alors qu'il avait reçu des CV kilométriques. On aurait pu faire beaucoup mieux, mais les dirigeants du foot sont toujours un peu impatients".
"En ratio, on a eu plus de points que le groupe de Jean Tigana, qui n'a pas eu de temps non plus, et que celui qui nous a succédé, Batista (ex-sélectionneur de l'Argentine). J'ai pu rebondir ensuite en Afrique", à la tête de la RDC, donc, et du Vita Club, finaliste de la Ligue des champions africaine en 2014.