CAN: LES FOURMIS, LE BARÇA ET CENDRILLON, LE DRÔLE DE CONTE DE BECKER

Ses hommes sont "des fourmis" qui "jouent comme le Barça" et écrivent "un conte de Cendrillon": volubile et spontané, l'Argentin Esteban Becker, inconnu bombardé sélectionneur de Guinée équatoriale à 10 jours de la CAN, va vivre une demi-finale à la tête du pays-hôte.
"Moi, je viens des quartiers, et le fait que j'arrive ici, c'est un encouragement pour les jeunes entraîneurs", explique-t-il à l'AFP avant la demi-finale contre le Ghana jeudi. Né dans une banlieue modeste de Buenos Aires, cet entraîneur de 50 ans aux faux airs de Maradona l'assure: "Quand on travaille et qu'on étudie beaucoup, on est récompensé!"
Et c'est un bon élève qui le dit. Son histoire avec la Guinée équatoriale commence quand il croise Juan Micha Obiang lors de sa formation d'entraîneur à Madrid. Il prend ce coach équato-guinéen comme adjoint à Fuenlabrada, club naviguant entre deuxième et troisième divisions espagnoles.
C'est ainsi qu'il est repéré par le vice-président de la Fédération équato-guinéenne (Feguifut), Andrés Jorge Mbomio, qui lui confie l'équipe féminine. Succès, avec le titre en Championnat d'Afrique dames en 2012, déjà organisé à domicile.
Devenu président de la Feguifut fin 2014, M. Mbomio bombarde l'Argentin sélectionneur du Nzalang nacional à la place de l'Espagnol Andoni Goikoetxea, à onze jours du match d'ouverture de la CAN-2015. Dix jours passés à Madrid et Lisbonne pour une préparation expresse. Dès l'entame de la CAN, il dit rêver d'emmener la sélection à sa première Coupe du monde en 2018.
- Corset pour verbe fleuri -
Démonstratif, il bouillonne dans sa zone technique pendant les matches; paternaliste, il donne accolade et bise à chaque joueur remplacé; passionné, il donne dans l'emphase et le verbe fleuri.
A l'entraînement de mardi, ses remplaçants "ont joué comme le Barça !" Et il compare ses joueurs à des "fourmis" par rapport aux grands Burkinabè vice-champions d'Afrique en titre.
Comprend-il l'énervement des joueurs tunisiens à la fin du quart de finale marqué par le penalty très litigieux accordé à la Guinée équatoriale ? Réponse: "Je comprends que la Tunisie doit venir pour gagner, pas pour jouer à cinq derrière. Nous, nous avons joué avec deux défenseurs et huit attaquants (sic) !"
Il chérit tant le langage qu'il a publié deux livres, un recueil de nouvelles et un roman, tous deux autour du ballon rond.
Mais parfois, sa verve et sa spontanéité semblent corsetées par le contexte équato-guinéen, dans un pays tenu d'une main de fer depuis 1979 par le président Teodoro Obiang.
Après la qualification pour les demi-finales, le vibrionnant Becker s'est donc fait déférent et n'a pas manqué de remercier le président de la République, qu'on voit constamment à la télévision nationale et dont l'effigie est placardée partout.
Et le discours du sélectionneur épouse les éléments de langage publiés sur le site officiel du gouvernement de Malabo. "La Tunisie est 30e au classement Fifa, nous 118e, c'est David contre Goliath, ils auraient dû gagner 4-0", déclare-t-il, dans un décalque parfait d'un communiqué du Bureau d'information et de presse de Guinée équatoriale.
Même en cas de revers face au puissant Ghana des frères Ayew, le Nzalang aura réussi son tournoi, non ? Réponse: "Le président a dit lundi: +J'applaudis les héros, je ne demande plus rien. Maintenant, si vous voulez gagner le prochain match, nous l'accepterons+ !"
"Quand on était dans le top 8 africain, ils (le pouvoir) étaient contents, en étant dans le top 4, ils étaient très contents; aller en finale, ce serait immense, poursuit l'Argentin. C'est l'histoire de David contre Goliath. Des puissants n'ont pas pu nous battre. On va voir où se termine le rêve".