CASAMANCE : LA PAIX, C'EST MAINTENANT...
A PARIS, DES RESPONSABLES DU MFDC PRÉPARENT LA REPRISE DES NÉGOCIATIONS
« Ensemble pour une paix durable en Casamance et un Sénégal fort et uni ». Si l’intitulé de la conférence annuelle de l’association « Sos Casamance » était un souhait, il y a eu un début sinon une amorce de réalisation à la fin de la journée de débats de dimanche dernier. Les « frères ennemis » du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui n’acceptaient plus de se mettre autour d’une même table se sont finalement accordés sur une résolution en prélude à la reprise des négociations de paix.
L’inscription « Aux grands hommes la patrie reconnaissante » est affichée sur le fronton du Panthéon qui surplombe la Maison de l’Afrique à Paris (5e arrondissement) où se tenait, dimanche dernier, une conférence sur la paix en Casamance. L’histoire dira, peut être un jour, que cette épitaphe emblématique a joué sur le destin des dissidents et camps opposés du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc) pour se retrouver et donner un nouveau cap pour la paix dans la région naturelle du Sénégal. « Ils ont décidé de converger ensemble et d’aller vers des assises internes du Mfdc préalable au retour de la paix », note Amadou Sylla, président de « Sos Casamance ». Se regardant avec une méfiance affichée au début de la conférence, chacune des différentes factions du Mfdc défendait son pré carré en campant sur ses positions. Les prises de paroles des fils et ressortissants casamançais ont fait, contre toute attente, bouger les lignes. Si Mamadou Nkrumah Sané profite de son statut « d’aîné » pour se déclarer « Secrétaire général du Mfdc, et qu’aucune négociation n’aboutira à la paix sans lui », les autres membres du Mfdc ne l’ont pas vu sous cet angle. Membre fondateur d'Atika, la branche armée du Mfdc, Souhaibou Kamougué Diatta pense que « sur les douze dernières années, la paix n'a pas pu être une réalité aussi bien à cause des décisions de l'Etat que des dissensions au sein du Mfdc. Ces dissensions internes n'ont pas facilité la tâche pour un retour de la paix ». Et le préalable à tout retour à la normale et donc à une paix durable reste les questions économiques et sociales. « Le développement est le second nom de la paix », rappela sagement Moussa Diémé. « Si le gouvernement dit que la Casamance appartient au Sénégal, il faut le prouver. Car nous avons une région enclavée par l'existence d'un autre pays : la Gambie. Par exemple, le projet de navire pour relier la Casamance au reste du Sénégal va s'arrêter à Foudiougne. Cela n'a pas de sens. Au gouvernement, je dis : Donnez-moi raison pour ne pas donner raison aux membres du Mfdc qui veulent la guerre », lance comme un slogan Boubacar Bâ. Ce dernier partage la nouvelle orientation non armée de Kamougué Diatta qui reconnaît un manque de leadership dans le mouvement indépendantiste. à combler après les décès de l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor et de Sidy Badji. Le Mfdc est le creuset dans lequel tous les fils de la Casamance devraient se retrouver ».
Impliquer la Guinée-Bissau et la Gambie
L’ancien membre d’Atika donne comme solution la mise en place d’une direction collégiale du Mfdc pour aller vers un processus de paix. « L’idée est d’aller aux assises nationales du Mfdc. La paix en Casamance ne peut pas passer exclusivement par les armes. Il faut une solution avec l’implication de la Guinée-Bissau et de la Gambie. La paix, ce n’est pas un mot mais un comportement ». Une déclaration qui prend tout le monde à contre-pied, y compris l’assistance qui mettra quelques secondes avant d’applaudir. Et c’est fut le début d’un lent mais sûr déplacement du cursus vers l’idée de s’unir de nouveau pour promouvoir la paix en Casamance. Lassana Goudiaby qui venait de réclamer à Nkrumah Sané le titre de Sg du Mfdc à Paris retrouve de meilleurs sentiments envers son rival : « Nous avons besoin que le Mfdc parle d’une seule voix pour taire ses divisions. Je suis prêt à aller vers les assises avec Nkrumah Sané ».
Cette brèche fut exploitée par les autres personnes ayant pris la parole. « Nous devrions avoir honte, nous diaspora casamançaise en Europe, et particulièrement en France. Qu’est-ce que nous avons fait de manière concrète pour la Casamance ? Rien, sinon des querelles personnelles et stériles », regrette Sadibou Badji, membre de l’association de la société civile casamançaise depuis 1985 et qui se démarque ostensiblement du Mfdc.
Et cette introspection est poursuivie par un autre membre de la société civile casamançaise à Paris. Il s’agit d’Abdou Bodian. Ce dernier souhaite une remise en question du « statut du Mfdc. Le problème de la Casamance vient du Mfdc. Il ne peut y avoir d’investissement économique dans une zone de guerre. Il faut revoir la position stratégique de cette rébellion qui, en plus de 30 ans, n’a rien apporté ». La jeune génération a également pris la parole pour montrer son désaccord sur certains pré-acquis. Des jeunes cadres comme Ousmane Coly ou Demba Sané ne veulent plus entendre parler de nordistes ou de sudistes. « Les problèmes de 1982 ne sont plus ceux de 2013. Nous risquons de sacrifier encore des générations et de rendre compte devant l’histoire ». Dans la salle, parmi le nombreux public, il y a eu des regrets de voir que le Mfdc soit l’unique interlocuteur de l’Etat. La demande d’une indépendance n’est plus partagée selon l’intitulé même de la conférence. Ceux qui parlent de communauté casamançaise se trompent. Il n’y a pas une mais des communautés casamançaises », constate un jeune trentenaire dans le public. Ce que semble approuver Youssouf Coly, ex-membre d’Atika qui s’est déplacé en compagnie de Kamougue Diatta et de Boubacar Bâ en Europe pour participer à un séminaire sur la communication non violente en matière de conflit. « Il ne faut pas confondre le Mfdc avec la Casamance. Le mouvement ne peut interdire à personne de réfléchir sur le bonheur des Casamançais ».
C’est sur ces mots que Boubacar Bâ reprend la parole pour demander la mise sur pied d’une « résolution de Paris ». Après moult négociations et apartés, les participants à la conférence finissent par couper la poire en deux, chaque camp ayant fait quelques concessions.