CE N'EST PLUS LA RUEE VERS LES ECOLES DE FORMATION PRIVEES
CONSEQUENCE DE LA DECISION DE L'ETAT D'ORIENTER TOUS LES BACHELIERS
La ruée vers les écoles privées de formation professionnelle est, cette année, très timide. Un manque d’affluence imputé à la décision de l’Etat de faire de son mieux pour orienter tout élève qui a décroché son bac. Certains des nouveaux bacheliers croisent d’ailleurs les bras et attendent tout simplement que l’Etat les oriente vers une université publique de son choix ou bien une école privée de formation, comme ce fut le cas l’année dernière. Du coup, dans ces établissements, on broie du noir.
Les écoles privées de formation professionnelle sont dans une période de vaches maigres. D’habitude très prisés par les étudiants en de pareils moments, ces établissements tardent à voir les nouveaux bacheliers. De ce fait, ces écoles rivalisent d’ardeur dans les campagnes de communication, pour attirer les étudiants. Certaines vont même jusqu’à émettre des appels téléphoniques pour inviter les bacheliers à s’inscrire. Ce que confirme Baba, nouveau bachelier en série scientifique. Il révèle être «harcelé», par une école privée de formation. « J’avais assisté à leurs journées portes ouvertes, mais depuis lors, ils m’appellent au téléphone pour me demander de venir m’inscrire. Ils m’ont appelé plus de cinq fois, c’est à la limite agaçant», fustige le jeune étudiant. Un fait qui montre que cette année, ce sont les écoles qui vont vers les étudiants au lieu du contraire, qui était la norme les années antérieures. Aussi cela renseigne-t-il sur l’effet de la nouvelle politique de l’Etat d’orienter tous les nouveaux bacheliers.
Avec cette donne, les nouveaux bacheliers semblent croiser les bras et attendre que l’Etat les oriente, soit dans une université publique ou dans une école de formation privée, au lieu d’aller s’inscrire dans les établissements privés. Une situation qui n’arrange guère les écoles privées de formation, où les inscriptions des nouveaux bacheliers avancent à pas de caméléon. «Les inscriptions sont encore très timides. C’est seulement quelques rares étudiants qui se présentent. Ils attendent les orientations. D’habitude l’affluence est notée après la publication des orientations et nous espérons que cette année, ce sera le cas», pense El Hadji Abdoulaye Sall, le directeur général du Collège Université Islamique (CUIM), Aboul Abass Ahmed Tidiane. Optimiste, il ne désespère pas d’enregistrer un fort taux d’inscription de nouveaux bacheliers.
SITUATION INQUIETANTE.
A l’Institut Professionnel d’Entreprise (IPE) et à l’Institut César, la situation est également la même. Dans ces écoles, l’affluence des inscriptions en première année est très faible. «C’est à peine qu’on voit de nouveaux bacheliers. Le ministre a dit que cette année tous les nouveaux bacheliers seront orientés et cela ralentit le rythme des inscriptions. Dans les autres écoles de formation, la situation est pareille, les étudiants ne viennent pas comme lors des années passées», fait savoir le directeur des études de l’IPE. A l’en croire, l’Institut enregistrait chaque année plus de 150 étudiants en première année. Mais pour le moment, ils n’ont pas encore vu plus de trente étudiants.
Ce qui renseigne sur la faiblesse des inscriptions. «Etant donné que l’Etat a dit que tous les bacheliers seront orientés, alors tout le monde attend et avec la crise, les parents aussi, même s’ils ont des moyens, préfèrent attendre qu’on oriente leur enfant. Dans la mesure où, l’année dernière, L’Etat l’a fait pour les non-orientés, cette année également, il s’efforcera de faire la même chose», constate M. Abass Fall, le directeur général de l’Institut César. Très inquiet pour l’avenir de son business, le sieur Fall souligne que si l’Etat continue dans cette dynamique, il court directement vers la dèche totale. «Il y a eu trop de communication sur l’orientation. De ce fait, tous les bacheliers savent que l’Etat fera tout son possible pour les orienter. Du coup, ils croisent les bras et ne viennent pas eux-mêmes s’inscrire», peste notre interlocuteur.
LE CAMES, UN CRITERE A POLEMIQUE.
En outre, même si l’Etat oriente vers les écoles privées, ce n’est pas n’importe quel établissement qui en bénéficierait. De par les critères établis, le plus fondamental est la reconnaissance du Cames. Une condition déplorée par les responsables des écoles. «Sur les 85 écoles de formation professionnelles, seules 11 ont le certificat du Cames. Seuls elles ont accueilli des bacheliers. De ce fait, les 74 restantes n’ont rien eu. Avec cette trouvaille de l’Etat, on court vers des difficultés énormes», se plaint le patron de l’Institut César. Un avis que semble partagé le directeur général du Collège Université Islamique, Aboul Abass Ahmed Tidiane. Selon ce dernier, les écoles qui ont fait leurs preuves peuvent être associées, dans la mesure où affirme-t-il, «elles ont le certificat de l’Etat à travers le BTS (Brevet de Technicien Supérieur)». Ce qui apparaît, aux yeux de M. Sall, comme un paradoxe. «Le diplôme du Cames n’est pas un diplôme d’Etat, alors que le BTS l’est, car c’est l’Etat qui organise cet examen. En nous excluant du quota, l’Etat est en train de tuer le BTS. Donc il doit corriger cela et songer à nous intégrer pour ne pas dévaloriser le BTS », propose-t-il.
Abondant dans le même sens, le directeur des Etudes de l’IPE considère que le critère du Cames est supra national. A son avis, le Cames n’est pas un diplôme mais un programme. «L’Etat ne doit pas revenir sur sa signature. En plus, le Cames est fait pour les universités qui font un travail de recherches et non pour les écoles de formation professionnelle», considère-t-il. N’empêche les responsables d’établissements zappés du programme, faute de cette reconnaissance du Cames, gardent encore espoir pour cette année. Surtout avec la mise sur pied de l’Autorité Nationale d’Assurance Qualité de l’Enseignement supérieur (ANAQSUP). Une structure chargée de veiller sur la qualité de l’enseignement donné dans les écoles publiques comme privées de l’enseignement supérieur. «Cette agence va se charger d’accréditer les programmes et sur cette base, l’Etat va orienter vers les écoles que l’ANAQSUP va proposer», a expliqué M. Fall de l’institut César. Cette organisation va également rassurer, de l’avis du directeur du collège Université Islamique Aboul Abass Ahmed Tidiane, les étudiants orientés vers le privé, qu’ils recevront le même enseignement que ceux admis dans les universités publiques.
L’IMPOT, EPEE DE DAMOCLES.
Toutefois, en dépit de cette mesure qui permettra aux écoles qui n’ont pas de filières reconnues par le Cames de recevoir des bacheliers, les responsables des écoles ne sont pas pour autant satisfaits. Pour eux, l’idéal serait que les étudiants viennent eux-mêmes s’inscrire. «On préfère que les étudiants viennent de leur propre gré. Parce que l’Etat paye tardivement. Et avant de recevoir l’argent, l’école est obligée d’être en règle avec le fisc», martèle le directeur de l’institut César.
Ainsi les efforts de l’Etat pour l’enseignement supérieur sont certes salués pour la communauté académique, mais cette politique n’est pas sans conséquence surtout pour les établissements privés d’enseignement supérieur. Devenues très nombreuses, ces écoles refusaient pourtant du monde, de par la demande en formation qui ne manque pas. Mais, c’était sans compter avec la volonté du nouveau régime. Jadis dictant leur loi aux bacheliers, aujourd’hui, elles semblent aujourd’hui, tourner les pouces et comptent sur un quota de l’Etat. Un quota auquel n’a pas droit n’importe qui.