CE PREMIER SERA-T-IL LE DERNIER ?
On l’attendait, et la nouvelle est tombée : Macky Sall a nommé son troisième Premier ministre. La question de savoir qui serait-il a occupé les esprits trois jours durant. La réponse est connue aujourd’hui. Elle est pour le moins surprenante. Mahammed Dionne, qui quitte un ministère un peu fantôme, «en charge du Plan Sénégal émergent», n’est pas très connu du grand public, mais ce n’est pas ce qui déroute dans sa nomination
D’autant plus qu’on l’accrédite d’une grande complicité avec le Président Sall qui aurait une confiance totale en lui. En tant que «technocrate»- un mot avec lequel on nous avait, dans les années 1980, sous Diouf, vendu les Ibrahima Fall, feu Kader Fall, Seydou Madany Sy et d’autres, puis dans les années 1990, les Pape Ousmane Sakho, Mamadou Lamine Loum, entre autres-, Mahammed Dionne jouit d’une bonne image.
Soit dit en passant : un seul des technocrates cités ci-dessus, Mamadou Lamine Loum, a laissé des résultats économiques probants, mais leur coût politique a été la perte du pouvoir par Diouf…
Ce n’est donc pas sur sa valeur intrinsèque que se trouve le caractère surprenant de la nomination de M. Dionne, mais sur son efficience politique. Celle-là, d’abord, est intervenue dans un contexte où, raisonnablement, l’on s’attendait à la promotion d’un politique expérimenté. Les résultats incertains pour le pouvoir des élections locales-à mi-mandat pour le président de la République si la promesse de réduire celui-ci à cinq ans est tenue-, le réveil de l’opposition induit par lesdits résultats des Locales, et les recompositions attendues à moyen, voire court terme, dans les alliances politiques déjà bien fragilisées autour du Président Sall, plaidaient pour un signal politique fort.
Et puis, il a bien été dit que c’est parce que son prédécesseur au poste, Mme Touré, a perdu les élections locales qu’elle a été limogée ; ce qui veut normalement dire que si elle les avait gagnées, elle, qui est très politique, serait restée au poste. Pour conduire les prochains chantiers politiques du président de la République, dont dépend son avenir, au premier chef la prochaine élection présidentielle.
Las, la nomination de Dionne, un ancien de la Banque centrale, comme le premier occupant du poste sous Macky Sall, en plus de ne pouvoir porter ce signal fort, ressemble beaucoup à une solution d’attente- comme si le Président éprouvait une sérieuse difficulté à trouver «son» PM. Or si cela était le cas, il faudrait bien s’armer d’une communication du diable pour éviter les querelles faites à Macky Sall, de plus en plus ouvertement, de ne pouvoir se débarrasser des tics attrapés sous l’aile de Wade.
A moins que Macky, qui est raisonnablement déjà en ordre de bataille pour gagner un second mandat, n’ait une idée derrière la tête qui serait de prendre lui-même en charge les chantiers de sa réélection, en se faisant son propre directeur de campagne, reprenant les routes et sentiers du Sénégal qui l’ont mené à la magistrature suprême ; en laissant l’administration du pays à son Premier ministre. Ce serait un moyen comme un autre, de faire avec les complexités de ce qu’on appelle «Les réalités du pouvoir», pour un Président, somme toute novice encore. Et qui gagnerait à mieux étoffer son «brain staff». Parce que assurément, tout cela, jusqu’à cette séparation calamiteuse dans ses formes avec Mme Mimi Touré, donne l’impression d’un encadrement cérébral un peu fluet.