CE QUI ATTEND MIMI
DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DANS UNE SEMAINE
La Déclaration de politique générale que le Premier ministre, Mme Aminata Touré doit faire dans une semaine, lundi 28 octobre 2013, ne sera pas une promenade de santé. Le contexte n’est pas celui des lendemains de la victoire du 25 mars 2012. La coalition Bennoo Bokk Yakaar qui a soutenu la candidature du Président Macky Sall au second tour commence à se fissurer avec le départ de Rewmi d’Idrissa Seck. Le contexte est aussi celui de la bataille du leadership au sein de l’opposition entre le Parti démocratique sénégalais (Pds) et le parti Rewmi. Et cette Déclaration de politique générale constituera, pour ces partis de l’opposition, un test grandeur nature pour rallier l’opinion. En plus, une bonne frange de la population commence à manifester quelques signes d’essoufflement, avec ce sentiment que «rien ne marche».
Sauf faux bon, c’est le 28 octobre prochain que le Premier ministre, Mme Aminata Touré, passera le grand oral à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la Déclaration de politique générale du gouvernement. Un exercice consacré par notre démocratie et qui donne l’occasion au Premier ministre de décliner la vision du chef de l’Etat. Son devancier Abdoul Mbaye s’était prêté à cet exercice dans un contexte où la coalition Bennoo Bokk Yakaar avait raflé la mise à la présidentielle et aux législatives avec, à la clé, 119 députés sur les 150 que compte l’actuelle législature. Il avait fait son speach devant une Assemblée nationale toute acquise à la cause du gouvernement d’alors. Un exercice qui avait duré près de 10 heures d’horloge dont 2 consacrées au discours.
L’humeur du moment
La Déclaration de Politique générale du Premier ministre Aminata Touré elle, se fera dans tout autre contexte. Celui marqué par des tensions entre l’opposition incarnée par le Parti démocratique sénégalais (Pds) dont la plupart des responsables sont poursuivis dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis et le régime de Macky Sall qui semble lui, préoccupé par le respect des engagements vis-à-vis des Sénégalais. Et au nombre desquels : la reddition des comptes et la gouvernance vertueuse. Cette opposition incarnée par le Pds n’a eu de cesse de dénoncer le «deux poids deux mesures» dans la traque et de se faire le porte-étendard des complaintes des populations qui réclament de meilleures conditions de vie, matérialisées par la création d’emplois pour les jeunes, la baisse significative des denrées de première nécessité et du coût du loyer, l’accès à l’eau potable, etc. Il y a quelques jours, le Pds et ses alliés avaient occupé la rue pour donner de la voix. Et cela après une dure et pénible pénurie d’eau à Dakar de près de trois semaines. A cela s’est ajouté de fréquentes coupures d’électricité dans certains quartiers, dues selon les explications de la Senelec, aux inondations, puisque l’eau et le courant ne font pas bon ménage. Donc, le Premier ministre ne saurait occulter cette humeur du moment dans sa déclaration qui s’exprime à travers ce mécontentement général ambiant.
Du Bennoo… au Tassaro
L’autre élément du contexte de cette Déclaration de politique générale, c’est le divorce consommé entre Rewmi, le parti d’Idrissa Seck et la majorité présidentielle. La conséquence directe de cet acte : les députés proposés par Rewmi sur la liste Bennoo Bokk Yakaar ont, de facto, quitté le groupe parlementaire majoritaire. Pour sûr, les élus «rewmistes» enfileront leurs habits d’opposant pour faire face au gouvernement de Macky Sall. La solidarité gouvernementale n’engage plus ces élus du parti d’Idrissa Seck, encore moins les deux personnalités de «Rewmi», en l’occurrence Omar Guèye et que le maire de Thiès et ses camarades avaient désigné pour les représenter dans le premier gouvernement de Macky Sall dirigé par le Premier ministre, Abdoul Mbaye, qui sont entrés en rébellion contre le patron de Rewmi. Il serait alors illusoire de compter sur Rewmi pour appuyer la politique du gouvernement. Au contraire ce serait de bonne guerre – si l’on se situe sur le terrain de la politique politicienne – de mettre sur la table toutes les informations compromettantes pour confondre le régime de Macky Sall. Rewmi devient un opposant redoutable parce que connaissant ne serait-ce qu’un bout de la gestion de l’actuel pouvoir.
Un climat de suspicion
En plus, à l’intérieur du groupe parlementaire Bennoo Bokk Yakaar le dernier renouvellement du Bureau de l’Assemblée nationale a créé un climat de suspicion, avec l’initiative du député «Apériste», Cheikh Diop Dione, de disputer le perchoir à Moustapha Niasse. De même que celle de Mame Khary Mbacké, une autre «apériste» qui a choisi le camp de Rewmi parce que, dit-elle, se sentant à l’étroit dans le groupe Bennoo Bokk Yakaar, qui ne lui a pas donné la considération qu’il faut. Avec sa déclaration (celle de Mame Khary Mbacké) de créer un groupe parlementaire, les risques d’avoir dans les rangs du groupe parlementaire majoritaire des «rebelles» sont grands. Macky Sall en est conscient, lui qui a pris l’initiative de rencontrer au palais de la République vendredi dernier, les élus issus sa propre coalition, à savoir «Macky 2012». Un geste éminemment politique pour dire qu’il a besoin d’un ancrage pour consolider son pouvoir. Il ne peut pas, pour cela, trop compter sur la coalition Bennoo Bokk Yakaar qui a soutenu sa candidature au second tour ; en plus cette dernière est composée de fortes têtes dont l’ambition avouée ou cachée est d’être le pensionnaire du palais de la République. La défection d’Idrissa Seck peut amener le Président Macky Sall à se mettre sur ses gardes et à avoir une attitude de suspicion à l’égard des autres alliés de Bennoo Bokk Yakaar en se demandant si ces derniers ne sont pas en train de jouer un double jeu. Le discours de l’opposition était de nature à amener Macky Sall à se séparer de ses alliés, en lui faisant croire que Moustapha Niasse, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily et Ousmane Tanor Dieng l’avaient pris en otage. Et que s’il voulait réussir dans sa mission, la rupture d’avec les alliés de Bennoo Bokk Yakaar était nécessaire. Mais Macky Sall n’avait jamais pris en considération ce discours puisque le contexte et surtout la situation de son parti, qui n’a pas encore fini son implantation, ne lui permettaient pas de prendre ce risque. Aujourd’hui un des alliés, en l’occurrence Idrissa Seck, a pris l’initiative du divorce et cela changera forcément la configuration des pièces du puzzle.
La bataille de l’opposition commence…
Autre élément de contexte, la bataille du leadership au sein de l’opposition aura bien lieu. Et il est fort probable qu’elle commence à l’Hémicycle le jour de la Déclaration de politique générale où députés «Rewmistes» et libéraux joueront aux plus durs et aux plus percutants face au Premier ministre.
C’est un règlement de compte pour d’abord les «Rewmistes» qui n’ont jamais apprécié l’attitude de la majorité, en l’occurrence celle de l’Alliance pour la République (Apr), qui a saboté ses plans pour avoir un groupe parlementaire. D’ailleurs un des leurs n’a pas attendu longtemps pour dénoncer sur la place publique la gestion de Moustapha Niasse à l’Assemblée nationale. Les députés libéraux eux, se feront plaisir pour «obscurcir» la vision du Président Macky Sall. L’enjeu alors, entre le Pds et Rewmi, est de gagner la bataille de l’opinion à travers les questions que chaque camp soulèvera de manière à amener le gouvernement à les prendre en charge.
Rassurer les populations
Le grand oral se fera aussi dans un contexte où les populations affichent de plus en plus leurs impatiences face au «retard» dans la réalisation des promesses de campagne électorale. Et malheureusement certains actes posés par le régime de Macky Sall semblent semer le doute dans la tête de nombreux Sénégalais qui commencent à voir le fossé entre les déclarations d’intention et la réalité du terrain.
Des nominations à des postes de responsabilité faites parfois, hélas, sur la base de népotisme et de copinage, constituent autant d’actes qui déconstruisent le discours selon lequel, « La patrie avant la parti».
Les ruptures tant chantées mettent, pour l’essentiel, du temps à se matérialiser. Macky Sall avait fait rêver le peuple – d’ailleurs c’est pourquoi les Sénégalais ont voté pour lui – le temps est venu de faire bouger les lignes, d’accélérer la cadence, pour reprendre les mots de Mimi. Même si d'importantes mesures ont été mises en branle : Couverture Maladie Universelle, la Bourse de sécurité familiale, la concertation sur l'Enseignement supérieur, la diminution des prix de certaines denrées, l’augmentation des salaires en agissant sur les impôts etc.
C’est pourquoi la Déclaration de politique générale du Premier ministre doit chercher à les rassurer, surtout avec ce sentiment réel ou supposé que «rien ne marche dans ce pays».
Se concentrer sur l’essentiel
En effet, cette Déclaration de politique générale - que nous espérons la plus courte possible (loin des dix heures de celle d’Abdoul Mbaye) - gagnerait à se concentrer sur l’essentiel, en mettant l’accent sur les sujets de préoccupation. Il ne sert à rien de parler de tout, comme dans une sorte de compilation où l’on énumère les choses sans trop se préoccuper du lien. Se focaliser et surtout apporter des réponses à certaines questions essentielles, qui préoccupent les Sénégalais, serait la meilleure approche.
Il ne manquera pas, dans ce contexte décrit plus haut, de voir des élus se mettre dans une opposition crypto-personnelle et tirer notre démocratie vers le bas. Mais les urgences qui sont appelées à rythmer la cadence du gouvernement doivent, elles, empêcher toute polémique stérile, pour le respect de ce peuple qui commence à montrer des signes d’essoufflement. Donc, la Déclaration de politique générale s’adresse au peuple et l’Assemblée nationale en est juste un canal. Le perdre de vue, c’est passer à côté de l’essentiel.
L’emploi : le comment ?
Ce grand oral ne fera certainement pas l’économie de la création d’emplois chez les jeunes en répondant à la question du comment. Il faut, à ce niveau, éviter les déclarations d’intention. S’abstenir de promettre de la lune, puisque le temps de la campagne est passé, c’est celui de l’action. Faire preuve d’imagination pour mettre en place un environnement propice à la création d’emplois, mais en restant réaliste.
Loyer, école et université
Quelle réponse apporter aux coûts élevés de certaines denrées de première nécessité ? Comment rassurer les pères de famille qui mettent plus de la moitié de leur salaire dans le loyer ? Et les parents d’élèves qui s’inquiètent du niveau de plus en plus bas des apprenants du fait, entre autres, des grèves ? Quelle solution pour une université malade, déréglée et où le système LMD a du mal à prendre son envol ? Autant questions devaient trouver réponse ou ébauche de réponse dans la Déclaration de politique générale du Premier ministre Mme Aminata Touré.
Assister le citoyen partout
Comment renforcer la présence de l’Etat pour que le citoyen partout où il se trouve (dans la rue, les quartiers, au lieu de travail etc), se sente en sécurité ? Quelles réponses à la pollution sonore qui constitue un véritable fléau dans les quartiers ? Face à la recrudescence de la violence avec mort d’hommes, quelles mesures l’Etat compte-t-il mettre en œuvre pour renforcer la sécurité des populations ?
Négociations avec le Mfdc
A quand l’ouverture des négociations entre l’Etat et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) ? Avancer une date ou indiquer une période serait un pas de plus dans la recherche d’une paix définitive dans cette partie méridionale du pays.
Servir le Sénégal des profondeurs
Au niveau des collectivités locales, dessiner la carte de la construction de pistes de production, avec un échéancier clair, serait du «Yoon Yokhuté» (voie du progrès). Quid de l’électrification rurale, de l’accès à l’eau potable et à celui des soins de santé primaire ?
Eviter la polémique stérile
Cette Déclaration gagnerait à ne peut emprunter la voie hasardeuse de la polémique stérile qui tire vers le bas. Et surtout se démarquer d’une reprise maladroite du grand oral d’Abdoul Mbaye. Même si l’on est conscient qu’il ne s’agit pas non plus d’inventer la roue, mais de rester coller à la réalité.