''CERTAINS ALLIES POSENT DES ACTES QUI NE RENFORCENT PAS LA COALITION''
MALAL CAMARA DIRECTEUR DE L'ADL

L’acte III de la décentralisation ses tenants et ses aboutissants, les querelles internes qui minent la cohésion et la cohérence de Benno Bokk Yakaar (BBY) et de Macky 2012, ont été passés à la loupe par le directeur de l’Agence du développement local (ADL). Malal Camara n’a pas manqué de jeter une grosse pierre dans le jardin de leurs alliés qui à son avis, ne joue pas le jeu.
L’actualité est dominée par l’Acte III de la décentralisation, pouvez-vous nous parler succinctement de la mise en œuvre pratique de cette nouvelle orientation politique ?
L’acte III de la décentralisation est une vision révolutionnaire de M. le président de la République qui voudrait territorialiser les politiques publiques. Dans la conception, l’acte est organisé d’une certaine façon. La première chose, c’est le comité national de pilotage qui est une structure un peu transversale. Il y a beaucoup de personnalités qui sont dedans et qui valident les réflexions qui sont faites au niveau des commissions thématiques. Il y a une commission technique qui appuie le comité national et également les commissions thématiques. Ces commissions thématiques sont au nombre de trois. Il y a la commission cohérence territoriale, la commission échelle de gouvernance et la commission mécanisme de financement et gouvernance budgétaire. Chaque commission est accompagnée par un expert et s’occupe d’un secteur donné. La commission cohérence territoriale réfléchit sur l’aménagement du territoire, les incohérences qui y sont notées. Donc il faut que l’aménagement soit organisé de telle sorte qu’il soit plus rationnel. Les réflexions issues de ces commissions ont permis au président de savoir qu’il y a déjà un consensus autour de la départementalisation. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord que le département va être une collectivité locale. La communalisation également est devenue un consensus, donc il n’y aura de plus de communautés rurales mais des communes.
Est-ce qu’aujourd’hui, on peut s’attendre à un nouveau redécoupage des circonscriptions communales qui existaient déjà d’autant plus que dans certaines communes d’arrondissement, les gens disent que le découpage est mal fait, certaines communes sont lésées par rapport aux autres du point de vue superficie ?
Je pense que tout cela, c’est dans le cadre des incohérences. Donc la commission cohérence territoriale devrait travailler sur cela. Mais vu qu’il y a quelques difficultés à faire passer cela, parce qu’au niveau de chaque région, il y a eu des comités régionaux de partage qui ont réfléchi et qui ont partagé avec les populations. Mais comme il y a eu quelques difficultés, le président de la République, de manière responsable, a proposé que les réformes se fassent en deux phases. La première phase, avant les élections va concerner la départementalisation et la communalisation et dans la seconde phase, on va réfléchir sur l’aménagement et comment régler les incohérences au niveau territorial. Donc aujourd’hui, on ne touche pas à tout ce qui est lié au territoire. Les décisions qui vont passer, c’est juste au niveau du département qui va être une collectivité locale et la communauté rurale qui va être transformée en commune. Mais concernant le découpage, il n’y a pas encore de décision. Après les élections, des commissions vont continuer à réfléchir.
Maintenant est-ce qu’on va vers une augmentation ou une réduction des neuf domaines de compétences qui ont été transférées aux collectivités locales ?
Jusqu’aux élections, il n’y aura pas d’augmentation à ce niveau là. Maintenant, les gens sont en train de réfléchir pour voir si des secteurs comme l’agriculture, la pêche et le tourisme, ne doivent pas être des compétences transférées aux collectivités locales. La réflexion continue, mais ce qui est sûr, c’est que les neufs domaines dont on parlait vont être reconduits.
Au-delà de la départementalisation et de la communalisation intégrale, quelles sont les autres innovations de cette réforme ?
Je pense que l’innovation majeure est au niveau économique. Aujourd’hui, il faut que les autorités locales qui vont animer ces territoires viables, aient un certain niveau de compréhension de l’économie locale, parce qu’on va vers des projets de territoires où il y a des acteurs économiques qu’il faut organiser. Le secteur privé local qui est créateur de richesses et d’emplois, mais qui n’est pas organisé, va l’être dans le cadre de cet Acte III. Les chambres consulaires également vont travailler pour une meilleure organisation de l’économie locale. Avec la territorialisation, rien ne se décide plus au niveau de l’Etat central, mais tout se décide à partir de la base et chaque territoire va mettre en exergue ses potentialités, va vendre son territoire dans le cadre du marketing territorial, pour arriver à booster le développement au plan local.
Quel avenir alors pour les préfets avec la départementalisation ?
Il me sera difficile d’épiloguer sur ça. Je sais que le préfet restera préfet, mais il y aura une réforme au niveau de l’administration territoriale qui est en vue et qui est connectée à l’Acte III et à la réforme foncière. Donc à mon avis, le préfet restera là, pour contrôler un peu les actes administratifs qui seront pris par le département.
Est-ce que les élections se tiendront effectivement à date échue ?
Personnellement, je n’ai vu aucun document officiel reportant les élections. Mais d’après les informations dont je dispose, les élections se tiendront au mois de juin et le président l’a dit publiquement. C’est à lui de décider cela.
Parlons maintenant de la politique. Vous êtes un homme politique qui a même eu à lancer un appel pour un retour des jeunes à l’agriculture. Comment se passe ce projet réellement avec les jeunes ?
On est en train de travailler pour que les jeunes reviennent à l’agriculture. Nous sommes une région essentiellement agricole et forestière. Nous avons monté un projet et on est à la recherche de financement avec des partenaires. Le montant du projet est autour de quarante milliards et étalé sur trois ans. Maintenant, on peut mettre en place des fermes dans les trente-huit communautés rurales de la région de Tamba où des jeunes et des groupements féminins vont travailler dans l’agriculture élargi. Il y a l’élevage où on peut croiser les races maliennes et tchadiennes avec les races locales, pour avoir un produit adapté au Sénégal. A mon avis, le Sénégal a encore besoin de booster son élevage. Vous voyez que lors de la dernière Tabaski, beaucoup de familles n’ont pas pu s’approvisionner en mouton. Maintenant sur le plan de l’agriculture également, les jeunes vont s’adonner à l’agriculture pluviale, mais aussi, avec la construction de forages, au maraichage. C’est une question de santé publique parce qu’on note beaucoup de carences dans l’alimentation des gens. Si on arrive à avoir l’eau pour faire du maraichage et de l’arboriculture, on pourra booster le développement dans ces secteurs et ce sera quelque chose d’important. L’autre chose, c’est avec la fédération des coopératives. Nous sommes en train de réfléchir pour mettre en place des coopératives que nous placerons au niveau des territoires, pas à Tamba seulement, mais aussi dans d’autres régions pour accompagner les paysans. Nous croyons ferme que l’agriculture est la base du développement. Il faut qu’on professionnalise le secteur, et pour cela, il faut des structures d’encadrement, de renforcement de capacités et des outils pour que ces cultivateurs puissent faire de grandes surfaces et avoir des rendements.
Tout ceci constitue un vaste chantier, y-a-t-il un début d’exécution ou bien vous êtes toujours à l’état de projet ?
Malheureusement, nous sommes à l’état de projet car nous avons besoin de moyens. Le montant du projet s’élève à quarante milliards que nous sommes en train de chercher au niveau des partenaires. Notre seul combat, c’est d’accompagner le président de la République qui stipule dans le «Yonou Yokkuté » que le développement local, c’est à partir de l’agriculture et des coopératives. Donc, on réfléchit, on essaye de mettre en œuvre pour qu’au moment du bilan, les populations puissent être satisfaites du programme du président.
Aujourd’hui ça grouille beaucoup au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar. Certains parlent de séisme, d’autres de mort certaine. Alors vous en tant que militant de l’APR, quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Le président a accompagné Benno Bokk Yakaar de manière sincère. Tout le monde a constaté qu’il a un peu mis de coté l’APR, pour servir ses alliés. Je pense qu’il les a accompagnés. Mais, il faut reconnaitre que les alliés ne sont pas toujours dans le même état d’esprit. Parfois, certains parmi eux posent des actes qui ne vont pas dans le sens de renforcer la coalition. Parfois, ils ne prennent pas position quand on a besoin de leur soutien. Donc aujourd’hui, nous arrivons à une situation qui a été cultivée et entretenue par les alliés. Maintenant, c’est au président Macky Sall de prendre position. Quel que soit sa décision, nous sommes prêts à l’accompagner. Mais même s’il y aura une autre coalition, il faut qu’on soit sincère dans la même démarche.
Ne pensez-vous pas que c’est se tirer une balle dans la jambe en voulant servir ses alliés au détriment de ses militants de parti, surtout si on se base sur la réflexion de quelqu’un qui disait qu’«en politique la trahison attend son heure» ?
Celui-là a peut-être raison. Mais, je pense que connaissant Macky Sall qui est un homme de parole, qui a pris des engagements avec des alliés qui sont allés au combat pour battre Abdoulaye Wade, il fallait inéluctablement qu’il les respecte. Maintenant que la présidentielle est derrière nous et que nous allons vers les locales, il faut repenser la coalition en mettant en place un autre dispositif car BBY a montré ses limites sur le plan de la cohésion.
Au-delà de l’APR, il y a aussi les gars de Macky 2012 qui se disent être lésés par rapport aux alliés de la 25ème heure.
Je pense que la gestion d’un parti relève de sa direction. Macky 2012 c’est des alliés et je pense qu’ils ont été aussi servis. Maintenant, s’ils veulent être trop gourmands, ça peut ne pas payer (sic). La politique est quelque chose de momentanée. C’est une question de temps. Il y a un moment où Macky 2012 servait à quelque chose, mais maintenant, je ne pense pas que ça soit le cas. Car même si certains partis de Macky 2012 peuvent toujours accompagner le président, il y a certains qui, au niveau du poids politique, ne servent plus à grand-chose. Encore une fois, c’est au président de décider.
Vous avez dit tantôt que la politique est une question de temps, est-ce que c’est le temps qui a poussé à l’exclusion de Me Alioune Badara Cissé ?
Je ne pense pas. Pour Alioune Badara Cissé, il faut d’abord reconnaitre que c’est un grand responsable du parti. Je ne sais pas ce qui se passe entre lui et la direction du parti. Je sais que par presse interposée, il y a quelques tiraillements. Il faut savoir que le président détient toutes les informations. S’il prend une décision, c’est la bonne décision et on suit. Nous ne pouvons pas argumenter une décision du président car il a toutes les informations capables de conforter sa décision et nous la respectons
Malal Camara sera-t-il candidat à la Marie de Tambacounda ?
Je suis très intéressé par la Mairie de Tambacounda. Très très intéressé. Maintenant, je ne dépends que de la direction du parti car il ne faut pas aller plus vite que la musique. En tout cas, nous sommes en train de travailler. Si le parti nous fait confiance, nous allons nous battre et gagner cette collectivité locale. On attend la décision du parti.